
« La cigarette est très présente » dans les services de psychiatrie, souligne Paul-Antoine Grinenwald, infirmier dans un service de psychiatrie à l’hôpital d’Arras (Pas-de-Calais), qui a présenté au congrès des jeunes chercheurs de la Croix rouge sont TFE sur le sujet.
« En hôpital psychiatrique, poursuit-il, 75% des patients fument. Parmi les patients schizophrènes, ce taux monte à 90% ».
C’est beaucoup plus que dans la population générale où la part des fumeurs s’élève à 30%parmi les 18-75 ans.
Appliquer la législation anti-tabac dans ce type de service où les séjours peuvent être longs est un casse-tête, voire une mission impossible…
Les troubles et pathologies psychiatriques, par l’agitation ou la violence qu’ils peuvent induire, rendent la diminution de la consommation de tabac et l’adhésion à un sevrage encore plus difficiles que chez les personnes atteintes de pathologies somatiques. D’autant plus que certains patients, même hospitalisés librement, n’ont parfois plus d’autre domicile que l’hôpital…
Une circulaire de 2006 instaure d’ailleurs une tolérance dans les services de long séjour. Elle distingue les chambres, où fumer peut être toléré dans certains cas limités, des autres espaces où cela reste interdit. Les règlements intérieurs peuvent aussi préciser les règles sur le sujet…
Tensions mais aussi relation
En long séjour, ajoute Paul-Antoine Grinenwald, « il y a les patients qui ont leurs cigarettes avec eux et savent les gérer, ceux qui ne les gèrent pas et nous gérons pour eux, ceux qui n’ont pas d’argent pour en acheter et s’arrangent plus ou moins avec les autres ».
Au prix parfois de tensions. Durant les confinements, quand les patients ne pouvaient plus sortir pour acheter des cigarettes, des soignants l’ont aussi fait pour eux, souligne Isabelle*, infirmière en psychiatrie depuis 20 ans… Au quotidien, les soignants sont aussi ceux à qui tous les patients fumeurs doivent s’adresser pour allumer chaque cigarette. Dans certains cas, ils doivent même accompagner les patients lorsqu’ils veulent fumer
Pour l’infirmier d’Arras, c’est un moment où « il peut se passer beaucoup de choses » intéressantes pour les soignants.
« On peut voir si le patient a un autre comportement que d’habitude, s’il a envie d’échanger avec nous ou avec d’autres patients, poursuit-il. On peut observer la manière dont se déroulent ses interactions… On apprend beaucoup de choses. Ce n’est pas formalisé comme un entretien médical ou infirmier mais peut être très instructif .»
Ce temps d’observation informel est aussi, insiste-t-il, un moment où la relation soignant-soigné, « l’alliance thérapeutique » continue de se tisser, ce qui peut améliorer l’adhésion du patient aux soins. Lors d’un moment de crise, lui remémorer ces instants partagés où on parle « de tout et de rien » peut même aider à maintenir ou renouer le contact avec lui, ajoute Paul-Antoine Grinenwald. La cigarette joue alors selon lui le rôle d’un pharmakon, à la fois poison et remède…
Libertés en question
Pour Isabelle, les limites posées à la tabagie dans les services posent par ailleurs plusieurs questions en termes de liberté pour les patients qui sont hospitalisés librement. Liberté de fumer quand ils le souhaitent, dans leur espace privé considéré comme leur domicile -par exemple à la fenêtre de leur chambre ou une cigarette électronique -ou enfin d’utiliser leur argent pour acheter du tabac… « Alors qu’ils sont en hospitalisation libre, remarque l’infirmière, l’hospitalisation fait d’eux des personnes moins libres. »
Pour Paul-Antoine Grinenwald, la gestion de ces questions est facilitée si le soignant et le patient sont au fait de la législation et du règlement intérieur et si le patient est conscient que le soignant peut lui dire non, pour une raison ou une autre qui sera expliquée lors d’un échange.
Reste la question de l’aide à l’arrêt du tabac. Selon Paul-Antoine Grinenwald, c’est le devoir des soignants de pointer la consommation de tabac comme un problème auprès des patients. Encore faut-il qu’un programme d’aide puisse être proposé. Dans l’établissement où travaille Isabelle, ce n’est pas le cas.
Géraldine Langlois
*Le prénom a été changé
Améliorez la cicatrisation de vos patients avec le B.a.-ba de la CICA. Pour disposer d’un mémento sur la cicatrisation, récemment actualisé et enrichi des dernières recommandations sur l’Hygiène des Plaies, nous vous invitons à télécharger gratuitement le B.a.-ba de la Cica. Pour le télécharger (c’est gratuit), rien de plus simple. Rendez-vous sur le lien ci-dessous : | |
---|---|
Télécharger votre guide dès à présent |
Prévention du risque de perte d'autonomie : formation e-learning | |
---|---|
Détecter et prévenir la perte d'autonomie chez la personne âgée à domicile. En savoir plus |
Le tabac est un problème de santé, parler d’alliance thérapeutique en accompagnant un patient fumer c’est s’exposer au tabagisme passif.
Certains soignants parlent de droits et libertés mais cette liberté est déjà bafoué par les services fermés en psychiatrie.