Intérim interdit aux jeunes diplômés infirmiers : qu’en pensent les premiers concernés ?

Intérim interdit aux jeunes diplômés infirmiers : qu’en pensent les premiers concernés ?

Un article du PLFSS prévoit pour certaines professions de santé de réserver l’intérim aux diplômés ayant un certain nombre d’années d’expérience. Une mesure diversement accueillie par les soignants, les établissements et les agences d’intérim.
Intérim interdit aux jeunes diplômés : qu’en pensent les premiers concernés ?
©Spotmatik Ltd / ShutterStock

Coup de tonnerre dans un ciel serein ou tempête dans un verre d’eau ? Difficile pour l’instant de prédire la portée qu’aurait, s’il est adopté, l’article 25 du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), le texte qui prévoit les dépenses de santé pour l’année à venir et qui doit être voté d’ici la fin de l’automne.

Le document présenté par le gouvernement la semaine dernière envisage en effet d’introduire, pour toute une série de professions de santé dont les infirmiers, une durée minimum d’exercice avant de pouvoir assurer des missions d’intérim. Voilà qui plonge les acteurs concernés dans un certain désarroi.

Il faut dire que le dispositif, qui est largement susceptible d’évoluer, voire d’être supprimé, au fil des discussions parlementaires, recèle encore de nombreuses inconnues. Quelle sera la fameuse durée minimale d’exercice ? Mystère : elle sera fixée ultérieurement, par décret. Quelle est la véritable motivation ? C’est loin d’être clair : l’exposé des motifs du PLFSS met l’accent sur le coût de l’intérim pour les finances hospitalières, mais il insiste également sur la sécurisation des « cadres d’exercice des jeunes diplômés ».

>> LIRE AUSSI – PLFSS 2023 : le gouvernement souhaite réguler l’intérim pour les jeunes soignants >>

Un temps d’adaptation nécessaire ?

Reste à savoir ce qu’en pensent les premiers concernés. Côté ressources humaines, le flou qui nimbe encore l’éventuelle introduction d’un délai avant de pouvoir pratiquer l’intérim n’empêche pas d’y voir certains avantages, notamment pour des raisons de qualité des soins. « On peut faire le parallèle avec le libéral, qui n’est pas accessible directement après le diplôme, souligne Nicolas Delmas, DRH des hôpitaux Bichat-Claude-Bernard et Beaujon à l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP). Malgré la formation pratique et théorique, il faut un certain temps pour exercer toutes ses compétences dans un contexte de forte autonomie. »

Du côté des agences d’intérim, le ton est tout autre, même si on tient à afficher une certaine sérénité. « Les diplômés de moins de deux ans ne représentent qu’environ 20 % de nos missions, estime ainsi Kamel Boudjedra, co-fondateur de l’Agence d’emploi des métiers de la santé (Agems, dont les fondateurs sont aussi ceux d’ActuSoins). Ce n’est pas rien, mais ce n’est pas non plus significatif. »

Pour cet ancien infirmier, les choses semblent assez simples : si la mesure passe, les jeunes diplômés seront remplacés par de plus anciens, car les besoins d’intérim ne disparaîtront pas.

L’effet le plus notable sera donc une augmentation des prix, et les pouvoirs publics « se tirent une balle dans le pied », commente-t-il.

Arrêter de taper sur les soignants

Les futurs soignants, qui pourraient subir les conséquences d’une éventuelle interdiction de l’intérim dès la rentrée prochaine, sont quant à eux plus partagés. « D’un côté, on comprend que cette mesure pourrait améliorer la sécurité du patient et du professionnel, analyse Mathilde Padilla, présidente de la Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (Fnesi). Mais d’un autre côté, nous sommes dubitatifs, car il s’agit d’une restriction de notre liberté d’exercice, ajoute la représentante des étudiants, qui craint un précédent coercitif permettant, à terme, de « forcer les infirmiers à travailler dans tel ou tel hôpital ». Il faut arrêter de taper sur les soignants, s’insurge-t-elle. S’il y a des difficultés de recrutement, s’ils partent, ce n’est pas leur faute, mais de la faute du système de santé qui dysfonctionne. »

Car c’est bien l’attractivité qui constitue le fond du problème, et Nicolas Delmas en convient. C’est pourquoi pour lui, même si la mesure gouvernementale est adoptée, cela ne dispensera pas les établissements de produire les efforts d’attractivité nécessaires pour rester concurrentiels face aux deux grands avantages que les professionnels peuvent voir à l’intérim : la possibilité de choisir son planning, et la possibilité de gagner de l’expérience en travaillant dans de multiples services.

« Pour le premier point, nous devons continuer à travailler sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, et c’est tout à fait normal, estime-t-il. Et pour le second, nous pouvons mettre en avant les pools de suppléance, qui permettent aux soignants de voir des choses différentes. » Un beau programme, qu’il n’y a plus qu’à mettre en œuvre.

Adrien Renaud

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8 réactions

  1. Ceux qui diisent qu on gagne plus avec l interim, c est ridicule car l interim ne te paie que le taux fixé par la structure, on gagne en liberté de travailler quand on veit oui, et où on veut certes mais à un moment donné c est epuisant, et les boites d interim paient rarement la prime d ancienneté ,elle est à double tranchant la mesure!

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  2. C’est nécessaire qu’ils soient accompagnés au début.

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  3. Ça va permettre aux NON intérimaire qui sont tellement cons qu’ils acceptent de travailler les week-end, jours fériés, pendant les vacances scolaires et le soir de respirer. Les intérimaire nous coulent avec leur logique je ne travaille que la semaine et de préférence le matin. Dans mon SSR on agonise. Au début les intérimaire était un soulagement, mais je vois les conséquences de l’extinction des titulaires CDI/CDD : le suivi patient n’existe pas. L’hematome a grossi? Les progrès ? A reçu des chaussons anti chutes ? Ils ne peuvent pas répondre aux questions des patients (comment contacter le coiffeur, pédicure, changer le repas dans le logiciel…). Ils ne tracent pas leurs soins (selles, transmissions). Ne savent pas faire d’entrée de patient, de bon de réparation, où est le matériel. Et pour former des étudiants, on est encore plus seuls qu’avant avec les intérimaire. Les intérimaire c’est bien, mais trop nombreux c’est un fardeau pour le système de soin. Votre article n’aborde pas les côtes négatifs de l’intérim. Dont le principal est le Refus d’un planning imposé. Je suis d’accord, il y a eu des abus sur ça. Dans mon entreprise ils ne peuvent pas nous rappeler sur nos repos. C’est le statut du cdi qu’il faudrait revaloriser/protéger. Pour ceux qui acceptent le plus de contrainte.

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  4. Vous oublié quand même un point essentiel comme d habitude si nous faisons de l’ intérim c est avant tout pour le salaire qui est nettement plus élevé. Mais quand allez vous augmentez significativement nos salaire ou aller vous continuer à faire la politique de l autruche ? Quand aux services de pool on est balancé d un service à un autre un vrai bouche trou super les perspectives.. si nous choisissons l intérim c est aussi pour choisir le ou les services pour lesquelles nous avons une appétence. Laissé nous exercer notre métier comme bon nous semble Bordel.

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  5. Dont acte.

    Négociez votre salaire, d’entrée de jeu. Si ce n’est pas possible, laissez les cadres et DRH se débrouiller et faire les soins à votre place.

    Quand ils/elles en auront marre, ils/elles vous appelleront. Vous êtes en position de force, négociez.

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  6. c’est une bonne nouvelle

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