« Les infirmiers sapeurs-pompiers bénéficient d’un cadre d’emploi spécifique puisqu’ils sont intégrés au Service de santé et de secours médical (SSSM) »,explique le commandant Laurent Pondaven, cadre de santé, infirmier en chef, chef de la division des formations spécialisées et de simulation en santé à l’Ecole nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (Ensosp), située à Aix-en-Provence.
Chaque Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) organise la distribution des secours, de la prise en charge des incendies et le Secours d’urgence aux personnes (SUAP) sur son territoire. Le SSSM possède deux grandes missions. Tout d’abord la médecine préventive et d’aptitude qui concerne tout ce qui est en amont des interventions comme s’assurer que les pompiers sont en bonne santé. Il participe aussi, d’un point de vue opérationnel, à l’Aide médicale urgente (AMU) pour la prise en charge des victimes civiles. « Nous intervenons également en soutien sanitaire de nos équipes », fait savoir Laurent Pondaven.
Intégrer un SDIS
Si un infirmier libéral (idel) souhaite intégrer un SDIS, il doit se rapprocher de cette structure ou de sa caserne, et candidater pour y entrer en tant qu’infirmier. En France, 7000 infirmiers sapeurs-pompiers font partie de SDIS : 5 % sont professionnels et 95 % sont volontaires (libéraux, hospitaliers, quelques retraités et militaires).
Le processus de recrutement est organisé autour d’une visite médicale d’aptitude et d’un entretien de motivation oral, afin de discuter également de l’engagement, des disponibilités, de la formation… « Dans les départements où les demandes sont nombreuses, des épreuves peuvent être organisées »,précise Laurent Pondaven. Lorsque l’infirmier est recruté en tant que volontaire, il signe un premier engagement de cinq ans au cours duquel il sera formé aux missions pour lesquelles il a été recruté. Selon les modalités de garde au niveau local, les infirmiers sapeurs-pompiers donnent leur disponibilité. Ils perçoivent une indemnité financière calculée à l’heure, selon un barème national voté tous les ans, et qui s’élève à onze euros de l’heure à taux plein. En cas d’intervention pendant la nuit, le weekend et les jours fériés, le montant s’élève à vingt-deux euros.
Se former à ses missions
L’infirmier sapeur-pompier volontaire doit suivre une formation initiale de dix-huit jours, prise en charge par le SDIS, à effectuer au cours des trois premières années de son engagement. Cette formation est organisée autour de quatre modules. Le premier porte sur la connaissance de la défense et de la sécurité civile, des sapeurs-pompiers et de leurs missions. Il s’effectue en enseignement à distance ou, en présentiel, à l’Ensosp ou dans un SDIS conventionné. Un autre module est consacré au secours d’urgence à la personne, également à Aix-en-Provence ou dans un SDIS conventionné. Le module universitaire santé au travail/santé publique peut être suivi à l’Ensosp ou dans certaines universités. Enfin, les infirmiers doivent obtenir un Diplôme universitaire de médecine d’urgence, formation proposée dans certaines universités ou à l’Ensosp.
Les idels ayant une expérience récente et significative de trois ans en médecine d’urgence peuvent, après constitution d’un dossier et viale dispositif de Validation des acquis de l’expérience (VAE), être dispensés du DU.
Les infirmiers sapeurs-pompiers doivent par ailleurs suivre des formations locales liées à des risques spécifiques sur chaque territoire etêtre formés aux Protocoles infirmiers de soins d’urgence (PISU). « Dans de nombreux SDIS, les infirmiers sortent de manière isolée, c’est-à-dire sans les médecins. Ils doivent donc respecter des protocoles propres à chaque département »,rapporte Laurent Pondaven. Pendant cette période de formation qui dure environ un an à un an et demi, ils interviennent en doublure.
A l’ENSOSP, des formations sont également proposées dans le cadre du Développement professionnel continu (DPC) sur différentes thématiques comme la pédiatrie, l’accouchement inopiné, les risques NBRC. « Ce sont des modules complémentaires courts, indique Laurent Pondaven. Tous les ans, entre 300 et 400 infirmiers sont formés. »
La réserve sanitaire
Autre moyen pour les infirmiers libéraux d’intervenir en cas de crise sanitaire : intégrer la réserve sanitaire, créée en 2007, à la suite de plusieurs crises comme celle du chikungunya ou la canicule. L’Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus) a intégré Santé Publique France en 2016. « La réserve sanitaire est un vivier de professionnels de santé au sens large, souligne Nicole Pelletier, directrice de la direction Alerte et crise à Santé Publique France. Sont présents des médecins, des infirmiers, des pharmaciens, des préparateurs en pharmacien, des logisticiens, des directeurs d’hôpitaux, des ambulanciers. »
Environ 19 000 personnes sont inscrites, dont 7 700 infirmiers (450 idels), tous statuts et toutes spécialités confondus : infirmiers, infirmiers libéraux, infirmiers cliniciens, infirmiers de bloc opératoire, infirmiers anesthésistes réanimateurs, infirmier puériculteurs.
Mais sur les 19 000 dossiers, seuls 3 000 sont complets. Il s’agit des personnes qui ont signé un engagement et peuvent être appelées à tout moment. Parmi eux figurent une centaine d’infirmiers libéraux. « Les infirmiers sont surreprésentés notamment parce qu’ils sont nombreux au sein de la profession, estime Nicole Pelletier. En revanche, il manque certaines spécialités comme les infirmiers de blocs opératoires, les infirmiers anesthésistes ou encore les puéricultrices. »
Interventions variées
La Réserve sanitaire ne peut pas s’autosaisir. Elle l’est par le ministre de la Santé ou par les Agences régionales de santé (ARS). Ces missions sont variées : elle est intervenue lors des ouragans Irma, elle vient de terminer une campagne de vaccination à Mayotte, elle a aidé le CHU de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) à la suite d’un incendie… « Dans l’hexagone, nous effectuons du renfort de soins à la demande des ARS afin d’anticiper des problèmes éventuels, par exemple si un événement risque de mobiliser les urgences, explique Nicole Pelletier. C’est le cas lors de l’afflux de touristes au cours de certains événements ou lors des attentats à Paris ou à Nice. »
La Réserve sanitaire intervient dans un cadre de situation sanitaire exceptionnelle mais elle peut aussi agir en prévention d’une crise sanitaire. « C’était le cas lorsque nous avons monté la campagne de vaccination à Mayotte, rapporte Nicole Pelletier. L’Ile a été confrontée à une problématique de coqueluche avec des nouveau-nés qui sont décédés et nous nous attendions à une épidémie de rougeole. A la demande de l’ARS et de la ministre de la Santé, nous avons mené une campagne de rattrapage de vaccination qui a concerné 17 000 enfants. »
Sollicitation des réservistes
Lorsqu’une mission se déclenche, la Réserve sanitaire envoie une alerte ciblée en fonction des professionnels de santé dont elle va avoir besoin. « Nous décrivons la mission, sa durée qui n’excède généralement pas plus de quinze jours, relate Nicole Pelletier. Ensuite, les réservistes se positionnent et nous les sélectionnons. » Avant tout départ en mission, un briefing a lieu à Santé Publique France afin d’expliquer aux réservistes le contexte de l’intervention, la raison de la mission, les actes à accomplir, la sécurité sur place, les comportements à adopter ou non, etc.
Les réservistes peuvent accéder à cinq formations d’une semaine, qui consistent principalement en des exercices de terrain. « Elles ne sont pas obligatoires mais fortement conseillées, reconnaît Nicole Pelletier. Lorsque nous sélectionnons les réservistes pour une mission, nous allons d’ailleurs surtout choisir ceux qui ont suivi des formations. »Des formations spécifiques sont aussi proposées à ceux qui sont amenés à devenir référents, c’est-à-dire chefs de mission lors d’une intervention.
Laure Martin
Cet article et ses encadrés (ci-dessous) sont parus dans le n°31 d’ActuSoins Magazine.
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“Sur l’urgence, les infirmiers libéraux peuvent être des intermédiaires” (nov 2018)
TÉMOIGNAGE
« Etre chez les pompiers permet d’avoir les bons gestes en libéral »
Yannick Awner, infirmier libéral aux alentours de Douai, et infirmier sapeur-pompier (Nord)
« Je suis infirmier depuis bientôt dix ans. J’ai commencé à travailler aux urgences de l’hôpital de Douai pendant sept ans. C’est à cette période que je suis devenu infirmier sapeur-pompier car cela me permettait de sortir de l’hôpital. Depuis deux ans et demi, je suis remplaçant en libéral et je continue d’être infirmier sapeur-pompier, cela me permet d’avoir un pied dans l’urgence et de réaliser des gestes techniques, qu’on ne pratique pas tous les jours en libéral.
En intervention, nous sommes des officiers de santé et nous intervenons lors de situations complexes. Nous intervenons lorsque la situation requiert des gestes paramédicaux un peu plus poussés comme la pose de perfusions. Nous mettons en place des protocoles particuliers. C’est valorisant car nous pouvons être autonomes.
La prise en charge chez les pompiers est diversifiée et cela nous sert pour le libéral, mode d’exercice au cours duquel nous pouvons avoir à prendre en charge des situations d’urgence. Par exemple, lors d’une prise en charge avec les pompiers, je suis intervenu pour un accident de la route, et lorsque je suis arrivé sur place, une infirmière libérale était en train de masser le conducteur et elle m’a aidée à préparer les perfusions. Travailler chez les pompiers est un vrai plus pour la profession d’autant plus qu’en libéral, nous n’avons qu’une seule formation rémunérée par an et peu sont sur l’urgence. Pourtant, nous pouvons être sollicités notamment chez nos patients. Etre chez les pompiers permet d’avoir les bons gestes en libéral. »
La FNI appelle à un rôle infirmier en cas de gestion de criseLa Fédération nationale des infirmiers (FNI) plaide pour une meilleure reconnaissance du rôle infirmier dans la permanence des soins et la prise en charge des urgences au quotidien. Le point avec Nicolas Schinkel, trésorier du syndicat.
Quelle place faudrait-il donner aux idels lors de crise sanitaire ?
Nous cherchons à ce que les idels soient insérés dans le dispositif de la sécurité civile car ils peuvent à tout moment être primo-intervenants, victimes ou témoins. Face à cela, une problématique : celle de la formation. Pour la population, nous sommes efficaces face à une personne en détresse. Mais dans la réalité, ce n’est pas vrai. Les idels ne se forment que trop peu aux soins d’urgence dans le cadre de la formation continue. Or, s’ils savaient quoi faire et comment, cela leur permettraient d’être efficaces, en cas d’intervention nécessaire. Il ne se serait d’ailleurs pas judicieux d’inclure les idels dans la chaîne de secours s’ils ne sont pas formés.
C’est donc davantage de formation que vous souhaitez ?
Nous pensons qu’il est nécessaire de connaître l’organisation des secours pré-hospitaliers en cas d’attaque terroriste ou d’urgence de masse ou encore de connaître la doctrine interventionnelle des sapeurs-pompiers. Il pourrait ainsi y avoir trois niveaux d’intervention de la part des idels. Le premier niveau avec les idels détenteurs d’un diplôme de secourisme de base, le deuxième niveau avec des idels faisant des gardes aux SDIS ou au SMUR. Puis un troisième niveau avec des infirmiers spécialisés car, parmi les idels, certains étaient par exemple infirmiers anesthésistes et savent faire des intubations. Nous sommes en exercice isolé et notre but est de soigner les gens. Nous ne souhaitons pas remplacer ce qui existe déjà mais intégrer la chaîne des secours dans la permanence des soins. Tout cela se ferait sur protocoles. Nous voulons être un supplément de l’organisation.
Comment devenir réserviste ?
Pour devenir réserviste, il suffit de remplir le formulaire sur le site www.reservesanitaire.f. Il est réceptionné par l’unité dédiée de la cellule d’engagement. Des informations personnelles sont à communiquer tout comme des documents : carte d’identité, autorisation d’exercer et diplômes. Ensuite, l’engagement est signé par Nicole Pelletier et le professionnel qui décide de devenir réserviste. L’engagement repose sur du volontariat et aucun nombre d’heure n’est à accomplir.
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