43% des quelques 60000 infirmiers qui ont répondu à la récente enquête* de l’Ordre national des infirmiers (ONI) « ne savent pas s’ils seront toujours infirmiers dans cinq ans ». On le sait, le métier d’infirmier perd régulièrement, malheureusement, de son attractivité. Mais à un moment où le système de santé a un besoin criant de soignants, ce souhait de raccrocher la blouse est d’autant plus inquiétant.
Surtout que même si les 34000 postes vacants étaient pourvus, il en manquerait encore, observe l’ONI.
Les raisons qui poussent les IDE à prendre ce type de décision se résument souvent en une phrase : beaucoup considèrent qu’ils n’ont pas les moyens de faire correctement leur métier, de répondre correctement aux besoins des patients.
43% doutent
Michaël**, diplômé depuis six ans, a travaillé dans des services très techniques, dans le privé et le public, avant d’avoir, cette année, eu envie de quitter la profession. « Comme pour beaucoup, ce métier c’est une vocation pour moi, raconte-t-il. J’ai envie d’être auprès des gens, de leur apporter des soins, du confort, du bien-être et le système de santé actuel fait que je ne m’y retrouve pas. Il faut aller toujours plus vite, faire toujours plus avec moins car il faut faire des économies… Les patients sont des chiffres et les professionnels des lignes sur un planning. On y laisse des plumes. »
Eve, diplômée depuis huit ans, ne se voyait pas, au départ, « faire un autre métier », mais elle a démissionné en avril après deux ans dans un service d’urgences. A contre-cœur. « C’était un service que j’aimais, souligne-t-elle, mais on manquait de lits et de personnel, les gens étaient agressifs, le service était désorganisé. Il y avait des patients partout, on ne savait plus qui était qui… J’ai tellement accumulé qu’à la fin je n’en pouvais plus. »
Mathilde non plus. Après avoir travaillé trois mois dans un hôpital local auprès de personnes âgées (et un an après son DE), elle l’a déclaré haut et fort dans une lettre ouverte qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux, fin 2017. Elle y a exprimé son sentiment d’être « mise en échec » par un système qui la laissait seule avec 35 patients, l’obligeait à reporter des soins ou à en « refiler » à ses collègues parce qu’elle n’avait pas le temps, et l’empêchait d’exercer la dimension relationnelle de son métier, raison pour laquelle elle avait choisi ce métier… Une expérience douloureuse et une désillusion brutale qu’elle a racontée ensuite dans un livre : « J’ai rendu mon uniforme, la vraie vie des Ehpad ».
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Burn out
Après avoir travaillé en gériatrie, aux urgences puis en libéral cinq ans, Gaby, dont le DE date de 2010, a fait un burn-out et décidé de ne plus exercer, en août 2019.
Face aux patients dans des situations de plus en plus lourdes, notamment en fin de vie, avec des familles très en demande… « c’était compliqué à gérer émotionnellement », analyse-t-elle. Elle s’investit beaucoup. Son épuisement professionnel est rapidement diagnostiqué. Après plusieurs mois d’arrêt maladie, elle reprend la blouse – par nécessité – en mars dernier en vacations, pendant le premier pic de l’épidémie de Covid.
Mais les conditions de travail lui font réaliser que le métier a perdu tout son sens. Il ne « m‘intéresse plus, résume-t-elle. Ce n’était pas ce pour quoi je m’étais engagée au départ ». Le fait qu’il lui a manqué 12 heures de travail dans un hôpital pour toucher la « prime Covid » a été une sorte de coup de grâce… Elle décide de tourner la page. Fin août, elle a arrêté les vacations et s’est inscrite au chômage.
Difficile de dire si les infirmiers sont plus nombreux aujourd’hui qu’avant à vouloir ou envisager quitter leur métier : les enquêtes sur le sujet sont assez rares.
Mais le chiffre de 43% est indubitablement élevé et interpelle forcément. Pour Christophe Debout, membre de la Chaire santé de Sciences Po, il reflète deux éléments qui sont liés : la dureté de la crise sanitaire actuelle, certes, mais aussi l’insatisfaction des soignants qui préexiste à cette crise.
Selon lui, la première « amplifie » indubitablement la seconde. D’ailleurs, l’enquête de l’ONI indique que 37% des IDE répondants estiment que la crise sanitaire de 2020 « leur a donné l’envie de changer de métier ».
Cette crise se déroule sur un terrain déjà très fragilisé. « Nous sommes face aux effets et conséquences d’un contexte et un mode de management dans le monde de la santé qui ont changé, dont les principes ne sont plus les mêmes et auxquels les infirmières sont exposées », estime Christophe Debout. Il en résulte selon lui des difficultés dans la fidélisation des IDE déjà actifs mais aussi d’attractivité vis-à-vis des infirmiers « potentiels »…
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Zoom de la crise sanitaire
La rupture avec le métier n’est pas toujours brutale et passe souvent par des étapes intermédiaires.
Comme Gaby, Eve a testé d’autres cadres d’exercice, en laboratoire d’analyses, en SSR, en interim. Elle a aussi tenté le libéral pendant trois mois. « Je n’ai pas trouvé pire, mais je n’ai pas trouvé mieux non plus, résume-t-elle. Il valait mieux que je m’arrête là. »
Michaël, lui, est toujours en poste, le temps d’obtenir l’autorisation d’exercer en libéral et de tester ce mode d’exercice. Il espère pouvoir rapidement concilier des remplacements avec la formation d’assistant de direction (à distance) qu’il a déjà commencée. Une voie qui « pourrait (lui) plaire », dit-il et, dans laquelle il pourra mettre en œuvre certaines de ses compétences d’infirmier : organisation, rigueur, anticipation, sang froid… Il finance la formation via son CPF. A son issue, en juin, il décidera s’il poursuit dans cette voie ou persévère en libéral.
Eve, qui a un « esprit geek », s’est orientée vers l’informatique : elle a d’abord suivi un « bootcamp » de quelques semaines avant d’opter pour une formation plus longue de développement informatique (financée par Pôle emploi). « J’aimerais rester dans le milieu de la santé, observe-t-elle, par exemple pour trouver des solutions numériques aux problèmes des professionnels du monde médical et paramédical ou soulager l’organisation des services, à ma manière. » Gaby quant à elle envisage de se former pour gérer une structure médicosociale, pour lesquelles ses compétences infirmières seront utiles.
La crise sanitaire retarde les décisions de certains et suscite parfois de la culpabilité chez d’autres qui quittent la profession tout de même…
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Pause bénéfique
Mathilde, de son côté, n’a finalement pas quitté la profession. Alors qu’elle cherchait un travail « alimentaire » le temps de mettre en place un projet professionnel lié à la musique, elle est tombée sur une annonce pour un poste d’infirmière en Centre médico-psychologique (CMP) à deux pas de chez elle… Elle y travaille depuis 2018. « Ce métier m’anime toujours, souligne-t-elle. Et je suis contente, finalement, d’avoir fait une pause car je n’aurais pas pu enchaîner sur un poste en CMP après mon expérience précédente ». Elle apprécie beaucoup, notamment, la dimension relationnelle et l’autonomie de son nouveau travail…
Selon Christophe Debout, les « donnée probantes » issues de la littérature scientifique internationale existent bel et bien sur les facteurs permettant de fidéliser les professionnels et de les attirer vers le métier.
Disposer d’un environnement de pratique favorable, pouvoir réinvestir les compétences acquises lors de formations complémentaires, être rémunéré « correctement » ou être partie prenante dans les prises de décision sont des éléments favorables bien documentés. Mais, regrette-t-il, « la France reste assez sourde à ces publications ».
Géraldine Langlois
*Consultation réalisée du 2 au 7 octobre 2020 auprès des 350 000 infirmiers inscrits à l’Ordre et à laquelle 59 368 infirmiers ont répondu. (https://www.ordre-infirmiers.fr/actualites-presse/articles/covid19-alerte-situation-infirmiere.html)
**Des prénoms ont été changés
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Bonjour, Je constate que le covid19 est à la source de toutes les discussions et qu’il y a une forme d’hystérisation qui tourne autour de cette épidémie, comme s’il fallait se focaliser sur cette dernière. Mais avec du recul que constatons nous ? Pour ma part, je dirai que c’est l’arbre qui cache la forêt. La détérioration des conditions de travail, la surcharge de travail, le déficit de moyens pour prendre en charge les patients qui nous sont confiés ne remontent pas à la naissance de la crise dite sanitaire dénommée covid19 ! Je ne rentrerai pas dans les détails de la gestion de cette crise par les autorités et les mensonges qui s’y collent pour revenir à l’essentiel: Dans un pays ou la démographie ne cesse de croitre comment se fait-il qu’on y ferme des milliers de lits et des services ? quand on cherche à répondre à cette question on y trouve la réponse du comment et du pourquoi l’infirmier veut raccrocher sa blouse. Patients ou Clients …. Soignants ou maltraitants … Quel profil de soignants est recherché de nos jours ? je cois que beaucoup de soignants cherchent à se sauver de cette politique de santé qui est menée depuis déjà quelques années. On peut toujours parler d’humanisation du soin et faire des protocoles de soins faut-il en avoir les moyens. Faire un soin stérile avec le téléphone portable du service parce que vous êtes seul infirmier dans le service et vous recevez une remarque de votre hiérarchie parce que vous ne répondez pas….. ça peut-être cela aussi le quotidien de l’infirmer (c’est du vécu), Jusqu’où l’absurde voire la maltraitance du soignant peut être supportée ? Confraternellement.
Ils ont raison la classe politique a aucun
Respect pour les imfermieres ceux qui
Compte pour eux c’est la place et
Le fric une honte