Anta Diop, 46 ans, habillée de son boubou traditionnel, vient juste de passer du terrain pur et dur aux bureaux plus confortables de l’hôpital Nabil Choukair du district Nord de Dakar.
Après 20 ans de carrière à la campagne, dans la Région de Louga, ou vers Thiès, elle avait besoin de changer, de souffler un peu. Car son métier lui prenait un temps considérable. “J’avais trop de travail. Je devais être disponible tous les jours, même en pause, en cas d’urgence. Cela m’a poussé à changer”, explique-t-elle. Aujourd’hui, elle officie comme cadre de santé dans un service de maternité.
Avec son niveau bac, promotion 1988, elle peut entamer les 3 ans de formation à l’école infirmière de Dakar qui lui permettent de valider son diplôme, avec obligation de trois stages à réaliser en milieu rural.
“Travailler à la campagne et travailler en milieu urbain sont deux métiers différents”, explique la désormais nouvelle technicienne de santé. “Le système est tel que l’infirmière au niveau local est réellement à la tête de la structure du poste de santé qui polarise une communauté rurale. Elle doit s’occuper des fonctions curatives, des soins courants, de la gestion des relations avec les comités de santé, le personnel.”
Au Sénégal, les infirmiers sont largement majoritaires par rapport aux femmes
Un vrai chef d’entreprise. Avec la pression qui va avec. “J’ai fait le choix de ne pas travailler dans un hôpital, je voulais mesurer ma propre responsabilité. S’il y avait des défaillances, je ne pouvais m’en prendre qu’à moi. Je voulais gérer les personnels et les populations”, explique l’infirmière. “Et puis, en milieu rural, c’est plus communautaire, plus convivial”, ajoute-t-elle avec un sourire. Elle était même devenue une figure locale, entretenant de bons contacts avec les autorités religieuses ou traditionnelles, reconnaît-elle, avec un peu de timidité, mais aussi de la fierté. Elle appréciait également de sortir de la routine de l’hôpital.
Etre une femme ne lui a jamais posé de problème dans le milieu, même si elle reconnaît “que les infirmiers sont largement majoritaires au Sénégal”, par rapport aux femmes. “Dans ma promotion, nous étions 2 filles sur 30 étudiants”, précise-t-elle. Même si les choses ont changé, les hommes sont encore les plus nombreux selon elle. Autre chose qui a évolué : l’informatisation des données. “C’est une révolution”, lâche-t-elle carrément.
Aujourd’hui, elle est passée de l’autre côté de la barrière. Elle inspecte désormais les infirmiers sur le terrain, grâce à des grilles catégorisées conçues afin d’améliorer la qualité des soins, mais elle n’en garde pas moins le contact avec ses anciens patients. “J’ai encore des nouvelles d’une jeune femme, 16 ans après l’avoir sauvée. C’était lors de mon premier poste. Elle était enceinte, et après l’accouchement, elle a fait une hémorragie. Je n’avais aucune ambulance disponible, aucun moyen de l’évacuer. J’ai été obligée d’agir toute seule…Et elle a fini par récupérer.” Ce miracle l’a probablement confortée dans ce qui l’animait depuis son enfance : la volonté d’aider les autres. “Je n’ai pas de regrets d’avoir consacré tant de temps à mon métier. J’étais motivée par autre chose que le salaire”, explique Anta Diop, même si les 200 000 francs CFA qu’une infirmière en fin de carrière peut gagner (environ 300 euros mensuels, ndlr), les placent dans la classe moyenne confortable face au Smic à 60 euros. “Une vie consacrée à son métier”, résume-t-elle.
Delphine Bauer / Youpress
Article paru dans ActuSoins Magazine
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