Le nouveau projet de réorganisation de l’Hôtel-Dieu a été adopté par le directoire de l’AP-HP (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris). Les urgences ne fermeront pas et l’hôpital hébergera un centre de médecine ambulatoire avec des généralistes et des spécialistes.
L’hôpital ne sera pas seulement “debout” comme le prévoyait Mireille Faugère, ex-directrice de l’AP-HP, dont le projet avait entraîné une forte opposition des soignants et des politiques, lui coûtant son poste en novembre 2013.
Le document adopté prévoit que lorsque le projet global de l’AP-HP de régulation des appels d’urgence sera effectif, les pompiers pourront de nouveau orienter vers l’Hôtel-Dieu des malades ne nécessitant pas de soins lourds, l’Hôtel-Dieu fonctionnant en “complémentarité” avec les urgences de l’hôpital Cochin.
Pour Martin Hirsch, l’actuel directeur général, l’Hôtel-Dieu sera donc un lieu de référence pour les petites urgences. Des véhicules de secours vont expérimenter l’acheminement de patients afin de soulager les autres urgences de l’AP-HP.
“On nous annonce un retour des pompiers au 15 octobre, mais cela est conditionné à un accord entre les pompiers et le Samu. mais étant donné leurs difficultés relationnelles, on ne sait pas quand une convention pourra être signée”, se demande Guillaume Gandoin, infirmier aux urgences de l’Hôtel-Dieu et membre du comité de défense de l’Hôtel-Dieu.
En revanche, le Samu ne devrait pas passer les portes de l’Hôtel-Dieu “sauf s’ils diagnostiquent une petite urgence. En effet, nous n’avons ni réanimation, ni service de cardiologie”, explique Guillaume Gandoin.
Autre condition essentielle, mise en avant par le Pr Loïc Capron, président de la CME et hostile au projet : la sécurité des soins. Les garanties sur la qualité et la sécurité des soins seront un “élément décisif pour que des patients puissent être transportés à l’Hôtel-Dieu par des véhicules de secours et devront être étayées“, souligne Martin Hirsch. Les conclusions des groupes de travail sur les urgences devraient être connues vers la mi-octobre.
Un centre de médecine ambulatoire
Ce lieu sera ouvert aux parisiens sans rendez-vous pour une gamme diversifiée de consultations et les dépassements d’honoraires seront prohibés. Il pourra aussi répondre à des besoins ciblés d’hospitalisation, pour les personnes âgées, les SDF et la psychiatrie.
Il s’agit de tester de nouveaux modes de coopération entre la médecine de ville et l’hôpital. Martin Hirsch souligne la nécessité de “clarifier les attentes des médecins de ville à l’égard du projet” pour que ceux-ci ne perçoivent pas le centre comme un concurrent ou un supplétif à la médecine de ville. Une concertation avec les syndicats médicaux, l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) et l’agence régionale de santé (ARS) est prévue d’ici la fin octobre.
“Nous conservons les urgences médico judiciaires. Il y a de ce fait une véritable complémentarité avec la présence à la fois de médecins psychiatres, d’urgentistes et de médecins légistes”, estime Guillaume Gandouin. En revanche, l’Hôtel-Dieu perd son service spécialisé en ophtalmologie. “C’est dommage car les soins ophtalmologiques sont justement ceux auxquels les personnes en précarité ont le plus difficilement accès”, ajoute-t-il.
Par ailleurs, dans ce schéma, le plateau d’imagerie garde toute sa place dans le schéma envisagé. Il est question de l’ouvrir tôt le matin et tard le soir.
Un patchwork d’activités
L’hôpital hébergera également le siège de l’hospitalisation à domicile, une chaire d’économie de la santé, ainsi que des soins de suite, du long séjour, une activité d’éducation thérapeutique et même des logements sociaux.
L’activité d’éducation thérapeutique, prévue au sein de l’hôpital “se justifie dans un projet plus global incluant l’Institut du patient, proposé par la FHF [Fédération hospitalière de France], et un projet articulé avec la médecine de ville”, précise le document approuvé par le directoire.
Les activités annexes comme la chaire de santé publique, la délégation à la recherche clinique “pourraient gagner à être rassemblés sur un même lieu et trouveraient leur synergie avec des centres à vocation régionale et nationale”, souligne le document présenté par Martin Hirsch.
“Des questions, comme la localisation de l’école de chirurgie (et de formation des IADE/IBODE) restent ouvertes, en fonction d’une analyse des avantages/inconvénients par rapport aux autres localisations possibles”, précise le document.
Une opposition en interne
Le Pr Loïc Capron, président de la CME qui défendait le projet d'”hôpital debout” et l’abandon des urgences pour des questions liées à la sécurité des soins mais également pour respecter un “principe d’équilibre budgétaire strict” à l’Hôtel-Dieu a pour l’instant signé le document mais il ne s’agit pas d’“une capitulation sans condition”, indique-t-il dans un message aux élus de la CME.
“Nous sommes aujourd’hui devant une alternative”, soit “nous nous opposons à cette décision irrévocable et déclenchons une crise de gouvernance”, soit “nous prenons part au projet de l’Hôtel-Dieu qui, pour l’essentiel, reste à construire”, explique le Pr Capron
“La première solution me semble trop chargée d’aléas pour vouloir vous y engager derrière moi : que ferons-nous quand le dialogue médico-administratif sera bloqué ?”, ajoute-t-il pour expliquer sa décision de signer le document.
Un vote de la CME sera organisé “après un maximum de six mois de travail” (avril 2015). Mais certains membres de la CME font déjà savoir que le vote n’est pas acquis…
Cyrienne Clerc
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