« Certains patients que nous recevons n’ont pas vu de médecin depuis 15 ans », constate le Dr Laetitia Esman, responsable de l’unité d’accueil et de soin en langue des signes au CHU de Toulouse.
C’est dire si leur appréhension à consulter est forte. Ils ont souvent vécu des expériences douloureuses avec le monde de la santé : « certains ont été traités comme des objets ou subi une médecine quasiment vétérinaire », souligne le Dr Alexis Karacostas, psychiatre et responsable de l’Unité d’information et de soins des sourds à la Pitié Salpêtrière (Paris).
Il aura fallu l’émergence d’une épidémie aussi grave que celle du sida pour que la question des soins apportés aux personnes sourdes soit posée. « Elle touchait les sourds de plein fouet alors que les traitements et les messages de prévention de les atteignaient pas », se rappelle le chef de l’unité parisienne, la première consultation destinée à la population sourde, ouverte en 1995. D’autres ont suivi : il en existe 13 en France . Pas encore une par région ou inter-région comme le préconisait pourtant le rapport Gillot de 1998…
Sur place, les patients rencontrent des équipes dont une des particularités réside dans leur capacité à communiquer en langue des signes (LSF). Dans ces unités, c’est la langue de travail, celles des consultations et des réunions. Soit les professionnels de l’unité disposent déjà d’un bon niveau dès leur arrivée (c’est rare), soit ils doivent suivre des formations complémentaires. Une démarche bien compliquée car la formation est longue, observe Laetitia Esman, et qu’il s’agit là d’apprendre une langue aussi différente du français, finalement, qu’une langue étrangère basée sur des idéogrammes…
Bien plus qu’une traduction
La composition des unités se recoupe peu ou prou d’un lieu à l’autre. Outre les médecins, elles regroupent des professionnels paramédicaux, infirmières et aides-soignantes, des personnels d’accueil, des interprètes diplômés et parfois des dentistes, des assistantes sociales… Au moins l’un d’entre eux doit être sourd. Ces personnes sourdes, professionnels de santé ou non, remplissent une fonction absolument essentielle d’intermédiation. « Elles font le lien entre deux cultures, entendante et sourde, et permettent aux patients de s’approprier les soins et la thérapeutique », explique le Dr Esman.
La seule « traduction » du langage médical en LSF par les médecins ou les interprètes ne suffit pas toujours. Les intermédiateurs assistent aux consultations les plus délicates ou en cas de grandes difficultés de communication. Ils reformulent les notions, vérifient si les patients les ont bien comprises, « sentent » mieux, du fait de leur expérience si un message est aussi bien reçu que ce qu’affirment les patients et montrent qu’on peut poser des questions aux médecins…
En matière de contraception, de traitement du diabète, de prise de médicaments dans les pathologies cardio-vasculaires, comme dans bien des domaines, la compréhension est essentielle. Or le seul renouvellement d’une ordonnance ne relève pas de l’évidence quand on n’est pas à l’aise avec l’écrit. Et une sérologie négative est parfois accueillie de manière… négative ! Qu’elles soient linguistiques, culturelles, sociales, « il existe un univers de carences à prendre en compte », observe Alexis Karacostas.
A la Pitié Salpêtrière, certains spécialistes (gynéco, diabéto…) ont ouvert des créneaux aux personnes sourdes, qui mobilisent également des interprètes et intermédiateurs. Ils se rendent aussi aux consultations organisées auprès d’autres spécialistes. Une organisation millimétrée assurée par l’infirmière de l’unité : elle doit faire coïncider les plannings du spécialiste, de l’interprète, de l’intermédiateur, d’un des médecins signants de l’unité, parfois. Une prouesse ! Au moindre retard du spécialiste, tout est à reprogrammer… Une telle organisation et une telle complexité « demandent aussi de la bonne volonté de la part des médecins car cela bouscule les habitudes », souligne le Dr Karacostas.
Si une hospitalisation doit être prévue les unités essaient d’anticiper. La présence de l’interprète et d’un intermédiateur est programmé environ deux fois par jour, notamment pendant le tour du médecin. Et les équipes sont briefées : « il ne faut pas surprendre les patients en entrant dans la chambre, par exemple. Frapper ne sert à rien, explique Laetitita Esman, mais on peut allumer la lumière, faire un signe de la main avant de s’approcher et s’adresser à eux de face. » Des précautions toutes simples, évidentes mais aussi un travail de sensibilisation important qui implique souvent les infirmières.
Olivia Dujardin
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