Pour détecter les idées innovantes partout où elles se trouvent, à l’hôpital, le CHU de Montpellier a créé un extracteur d’innovation, en interne. Des idées innovantes peuvent déboucher sur un projet d’entreprise. Objectif de cet ”intrapreneuriat” : améliorer les pratiques hospitalières, la qualité des soins et de vie au travail.
Une appli (reconnue comme dispositif médical) pour faciliter le dosage d’insuline et maîtriser le niveau de glycémie de patients diabétiques lors d’un écart alimentaire, un outil de prédiction des risques d’hospitalisation des insuffisants cardiaques ou encore une solution pour mieux organiser la prise en charge des étudiants paramédicaux, une autre pour renforcer la cohésion des équipes dans les services difficiles… Trouver un moyen de rendre concrètes de bonnes idées, est le principe fondateur de l’extracteur d’innovations en place, depuis 2017, au sein du CHU de Montpellier.
Le dispositif est ouvert à tous les salariés, quel que soit le poste ou le statut, et les bonnes idées peuvent émaner des personnels de santé comme des administratifs ou des techniciens… « Les paramédicaux représentent le plus souvent un quart des porteurs de projet », indique le docteur Christophe Bonnel, animateur et coordinateur de cet extracteur. « À l’hôpital, les innovations qui viennent souvent de l’extérieur, ne sont pas toujours adaptées, là ça vient de l’intérieur, d’un besoin pour lequel il n’y a pas de solution satisfaisante sur le marché. »
Dès qu’une idée passe avec succès le comité de sélection, l’hospitalier qui l’a proposée la développe au sein de l’extracteur selon tout un processus – créer une preuve de concept, apprendre à pitcher, concrétiser via un incubateur local, puis mettre en place dans un service voire même créer une start-up… « Nous avons en permanence 20 à 25 dossiers en instruction sur toute thématique », note le coordinateur. « Ils deviennent innovation s’ils trouvent un public et un marché. »
Christelle Hourdier-Ducasse, cadre de santé IADE, a rejoint l’extracteur pour développer Broc’Santé, une plateforme en ligne sur l’intranet de l’hôpital depuis avril dernier. L’outil en cours de finalisation, est dédié au réemploi de biens hôteliers (tables, chaises, bureaux, meubles bas…) et de consommables tels que dispositifs médicaux (pieds à perfusion, chariots de soin…) ou bureautiques. « 60 % des personnels passant commande, souvent des cadres de santé ou professionnels paramédicaux, réceptionnent entre 1 et 5 ressources insatisfaisantes par mois », explique l’IADE.
Les erreurs – sur le format d’une cartouche d’encre numérique, par exemple, ou sur une quantité – sont récurrentes. « Pour dix stabylos commandés, on peut se retrouver avec dix boites de dix, c’est énorme. » La soignante s’appuie sur l’enquête qu’elle a réalisée en amont de son projet, auprès de 300 professionnels du CHU. « Beaucoup de fournisseurs, dans leurs contrats, refusent de reprendre des dispositifs inutilisés, dès lors qu’ils sont sortis de leur emballage », confie la soignante. Une bonne partie part à la poubelle.
Business model
Le coordinateur de l’extracteur lui a créé le canevas d’un « modèle économique durable » (sustainable business model). « Cela m’a bien aidée à décortiquer le projet et à le définir en étant plus précise sur sa structure », indique l’infirmière dont la proposition répond au défi n°1 du CHU de Montpellier : aller vers l’hôpital bas carbone. « Toulouse qui a créé un ”Boncoin du CHU” dédié aux dispositifs médicaux, estime son gain économique à 250 000 € en 18 mois.”
Le projet ambitieux de son confrère Jérôme Paniego, infirmier anesthésiste (Iade) au pôle coeur-poumon du CHU, s’est concentré sur les abords veineux difficiles. Objectif : proposer une stratégie qui permet aux services d’adapter les dispositifs médicaux à la problématique de la personne soignée. « Pour poser un cathéter on peut repiquer une dizaine de fois des patients, et on les fait souffrir », explique le soignant.
S’adapter au patient
« Plutôt que d’utiliser systématiquement des PICClines, les prescripteurs ont désormais accès des dispositifs médicaux alternatifs. » Les MIDDline, par exemple, des cathéters longue durée utilisés dans les voies veineuses profondes, permettent d’épargner le capital veineux. « Faire évoluer notre façon de procéder donne du sens à nos pratiques. »
La stratégie développée par l’infirmier, avec une équipe bénévole, a amené une innovation organisationnelle : la création d’une unité d’accès vasculaire avec une filière AIDE (Abords intravasculaires difficiles échoguidés) qui utilise l’échographie pour repérer et améliorer la ponction des veines. « Avec ce guichet commun, les prescripteurs nous font une demande vasculaire et en fonction nous les orientons vers le dispositif le plus adapté (PICCline, MIDDline ou chambre implantable », indique l’IDE*.
Le docteur Bonnel rappelle : « il fallait créer cette unité et il fallait aussi la faire accepter par plein de services. » Une unité mobile d’accès vasculaire (UMAV) pluridisciplinaire, se met en place actuellement. « Elle permet de répondre à toute demande d’implantation longue durée et d’aide au choix émanant des services », indique l’Iade.
Ces innovations exigent, en tout cas, beaucoup de motivation. « Ce que nous consacrons aux projets est pris sur le temps personnel », rappelle Jérome Paniego qui travaille à temps complet au CHU. « Cela demande généralement un an ou deux », note le docteur Bonnel. « Beaucoup de choses géniales sont en train d’arriver. On prend en compte des idées qui viennent de la base, et on arrive à trouver une solution dans 20 à 25 % des cas. » Depuis le début, pour 130 projets soumis, six start-up ont pu voir le jour. « C‘est une façon de manager », conclut le médecin coordinateur.
Myriem Lahidely
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*Jérôme Paniego finalise un article sur la Recherche qu’il a menée pour proposer un score prédictif d’échec de pose de voies veineuses périphériques. (DIVA : Difficult intraveinous access scale)
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