Au groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon (DCSS), à Paris, les patients bénéficient de l’expertise d’une équipe spécialisée en chirurgie orthopédique. Les chirurgiens, anesthésistes, IADE et IBODE du bloc opératoire s’activent pour poser prothèses de hanche ou du genou.
Cet article a été publié dans le n°50 d’ActuSoins magazine (septembre-octobre-novembre 2023).
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11h rue d’Avron, dans le 20e arrondissement. Le bâtiment B de l’hôpital du groupe DCSS est en effervescence depuis quelques heures maintenant.
Les interventions chirurgicales s’enchaînent au bloc opératoire. Dans la salle 18, celle de la traumatologie, le corps endormi d’une femme âgée est pudiquement couvert d’un drap opératoire vert. Juste avant qu’elle ne sombre, Cyrille Pauchet, Iade, installé près de son visage, lui murmure : « À tout à l’heure. Faites de beaux rêves ».
Comme à chaque fois, il tient à rassurer les patients face aux bruits ambiants potentiellement anxiogènes. « C’est important, car souvent ils nous racontent rêver de leurs vacances, de leurs enfants. S’ils s’endorment calmement, ils se réveillent plus sereinement », glisse-t-il.
Elle s’assoupit, sereine. Sereine, elle peut l’être : depuis 1982, le service de chirurgie orthopédique du groupe hospitalier Diaconesses Croix St-Simon prend en charge les pathologies de l’appareil locomoteur et se classe depuis de nombreuses années parmi les meilleurs établissements français en orthopédie.
Au bloc opératoire, sept des dix-huit blocs sont consacrés à la chirurgie orthopédique : une grande partie des patients vient pour une installation de prothèse de la hanche, du genou ou de l’épaule ou pour une fracture.
Depuis quelques minutes, c’est autour de la fracture de la hanche de cette patiente, éclairée par la lumière blanche des lampes scialytiques, que s’active le docteur Philippe Gérard, chirurgien orthopédiste et le reste de son équipe, notamment les deux Ibode qui travaillent en binôme.
Sophie Doan, infirmière depuis plus de 30 ans, est aujourd’hui instrumentiste. Elle aide aux différents temps opératoires, gère la table d’instrumentation – scie orthopédique, râpes, etc. – et anticipe les gestes du chirurgien.
La seconde Ibode présente, Dorsaf Gelliot, est aujourd’hui circulante. Après 24 ans à l’AP-HP, cette dernière a rejoint les équipes de l’hôpital de la Croix Saint-Simon en 2019. Aimant « transmettre » ses connaissances à ses collègues, elle explique avec bonhomie comment accueillir, préparer, installer la patiente.
Elle contrôle le fonctionnement des équipements nécessaire (ancillaires, écarteurs etc.) à la pose d’une prothèse intermédiaire – la patiente est trop faible pour une prothèse totale, précise-t-elle. « Ce que j’aime, c’est vraiment la traumato : voir comment une fracture déplacée est réalignée, c’est incroyable ! », s’enthousiasme-t-elle.
Participer à « réparer des patients », c’est ce qu’elle a longtemps fait à la Pitié-Salpétrière, et qu’elle continue à faire dans la salle 18 de la Croix Saint-Simon.
Au cours de l’opération, elle réalise les manipulations de table, modifie l’angle de présentation de la hanche en disparaissant sous le drap vert quelques secondes. « Entre les jambes, je t’ai mis 10 degrés. Ça te va ? » « Un peu plus », demande le chirurgien. La jambe de la patiente est ensuite posée au sol, pour insérer la tige et fixer la prothèse au fémur par un ciment chirurgical.
Au moment de la cimentation, Cyrille Pauchet est en vigilance. Les yeux tournés vers son écran de surveillance, il veille à ce que la tension, les saignements soient corrects et sous contrôle. Il explique : « Cela se produit très rarement, mais il faut veiller à ce qu’il n’y ait aucune présence de ciment dans la circulation respiratoire. C’est une complication qui peut entraîner une embolie ». Ce matin, tout s’est bien passé. Le chirurgien referme l’incision. Bientôt la patiente sera emmenée dans la salle de réveil. Sur le plateau à proximité de Sophie Doan, l’extrémité du fémur brisé se distingue, telle la relique d’une hanche fragilisée.
Montre en main, l’opération a duré moins 45 minutes. « Ici, tout se passe très rapidement. Ce n’est pas le cas partout. Ailleurs, une installation de prothèse de hanche peut durer des heures et parfois, ça saigne, ça saigne…, confie Cyrille Pauchet. On sent le côté très spécialisé. L’enjeu est important : si c’est mal fait, on se retrouve à boiter. Une chose est sûre, si je dois me faire opérer un jour, ça sera ici ! »
Ce qu’il aime au bloc ? « Le côté technique, l’autonomie » du métier et le binôme formé avec l’anesthésiste. Mais aussi, le fait de pénétrer dans l’univers du bloc, « un monde un peu fermé, ce qui est assez réconfortant, puisqu’il existe une solidarité entre nous, pour se remplacer pour les postes ou les repas ». Passé par la Suisse et Lariboisière, l’infirmier anesthésiste confie, en souriant : « On perd l’habitude de considérer que c’est un métier un peu hors norme ».
Pour Simon Marmor, chef du service de chirurgie orthopédique et traumatologique, la présence d’un bloc de traumatologie dédié permet une variété des situations. « L’urgence, c’est stimulant, excitant » pour les équipes soignantes, estime-t-il. Mais de l’autre côté du bloc, ce sont les interventions programmées qui occupent majoritairement les équipes.
Un pôle d’excellence
Ce matin, plusieurs poses de prothèses de hanche sont prévues au bloc d’orthopédie pour Aurélien Hallé, chirurgien orthopédiste. Chaque année, plus de 5 000 patients passent par le service d’orthopédie du groupe hospitalier, l’un des plus importants en France. Pour lui, aucune chance de se « lasser » : « Au contraire, c’est quand on fait toujours la même chose qu’on devient excellent. C’est pour ça que les patients reviennent », explique-t-il, évoquant ceux et celles qui sont de retour pour une intervention sur leur deuxième hanche par exemple. Déborah Baranes, Iade, qui travaille à ses côtés, observe : « La majeure partie de nos patients sont bien informés. Ils viennent ici grâce parce qu’ils connaissent la bonne réputation de l’hôpital ».
Si Aurélien Hallé aime son quotidien au bloc, c’est notamment car il se réjouit de l’excellence des équipes. « Nous dialoguons très bien avec les autres professionnels. Les infirmières de bloc connaissent parfaitement nos faits et gestes, elles les anticipent. Ce sont les Rolls royce des Ibode, elles sont extrêmement bien formées ! », s’amuse-t-il.
Parmi elles, Émeline Lenoir, qui exerce au bloc après une expérience en soins intensifs. Son arrivée ici s’est fait à l’occasion d’une « opportunité » : elle a entendu parler de l’existence de postes vacants par une amie et est revenue à la spécialité pour laquelle elle s’était formée. Trois ans après son arrivée, elle est toujours aussi heureuse de son choix. En arrivant au bloc, elle a découvert « l’envers du décor », puisqu’en soins intensifs, elle ne connaissait des opérations que l’immédiat post-opératoire. « Ici, on apprend plein de choses. On fait de l’ortho, du digestif, car les blocs sont pluridisciplinaires. Les échanges avec les chirurgiens sont constructifs, nous ne sommes pas seulement là pour tendre les instruments ». Et si les minutes avec les patients éveillés sont rares – 5 ou 10 minutes, après ils sont endormis- elles « sont d’autant plus importantes ».
À quelques encablures, dans la salle de réveil, une patiente aux cheveux blancs qui vient d’être opérée de la hanche, est installée par Déborah Baranes. « Ça y est, madame, c’est terminé », lui lance-t-elle, avec une voix un peu forte afin de faciliter son réveil. À ses côtés, Jeanita Belzince prend le relais. Cette infirmière en salle de réveil accueille les patients. Elle vérifie qu’ils répondent « bien aux signaux », les redresse pour que le processus respiratoire reprenne, vérifie les pansements. Ceux passés en orthopédie restent majoritairement trois jours à l’hôpital, « même si l’ambulatoire se développe de plus en plus », détaille-t-elle.
Bonnes conditions de travail
Un consensus se dégage : les équipes ont conscience de leurs très bonnes conditions de travail. « Nous avons un très beau bloc, avec un beau plateau technique, des salles immenses, du matériel et même un robot Da Vinci, utilisé en gynécologie, urologie et gastro-entérologie », se réjouit Séverine Coutant, infirmière de bloc pendant dix ans avant d’être diplômée Ibode en 2022. « J’ai toujours aimé la chirurgie, on est au cœur de l’action. Cela m’a toujours passionnée », explique-t-elle. « Lors de mon école Ibode, j’ai vu d’autres blocs, mais c’est ici que je suis revenue ».
Émeline Lenoir aussi se réjouit de pouvoir compter sur « des brancardiers qui installent et désinstallent les patients, des aides-soignantes pour débarrasser le matériel usagé (qui part ensuite pour la décontamination et stérilisation) et nettoyer les blocs ».
De son côté, Aurélien Hallé estime que les conditions de travail sont « excellentes », avec des équipes dédiées, le tout dans la bonne humeur. « On ne vient pas stressés au travail », explique le chirurgien, qui dit « adorer » son travail. Dorsaf Gelliot, de son côté, salue des chirurgiens « méticuleux et perfectionnistes. On sent qu’ils sont passionnés ».
Quand Sophie Doan arrive en 2011, après vingt ans passés dans le public, en réa, ambulatoire, hospitalisation ou encore endoscopie digestive, elle respire. « Alors que dans le public, nous avions toujours un maillon manquant dans la chaîne, quand je suis arrivée ici, j’ai vu une belle organisation, des moyens humains et matériels, de très bons chirurgiens, et une belle cohésion d’équipe ». Mais elle nuance. « Pourtant ici comme ailleurs, les temps sont durs. Il nous manque des infirmières de bloc. Il n’y a pas d’annulation, ni de fermetures de salles, donc nous avons une grosse charge mentale. La casquette de la polyvalence a aussi ses limites : je sais faire un peu de tout, mais pour les choses très techniques, que je ne vois que tous les six mois, c’est plus compliqué, explique-t-elle. J’ai besoin de m’appuyer sur des personnes qui ne font que de l’orthopédie ».
Elle interpelle justement à l’instant une infirmière dont c’est le cas. Fabien Gouez, cadre de santé du bloc opératoire, reconnaît sans hésiter que les équipes sont dédiées à leurs patients. « On pourrait reporter les interventions mais on ne le fait jamais. C’est déjà difficile de s’organiser professionnellement pour les patients, alors les équipes, notamment les Ibode se décarcassent pour que tout se fasse ».
Ce matin, Séverine Coutant était censée travailler en « transversal » et donc apporter un soutien hors salle. « Mais ce n’est pas toujours possible. Si quelqu’un est malade, on doit le remplacer. Mais il est dur de trouver des personnels compétents. Alors on s’entraide, explique-t-elle dans un large sourire. C’est cette solidarité qui nous permet de tenir le rythme ».
Delphine Bauer
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