
Beaucoup d’établissements de soins n’ont plus, désormais, l’embarras du choix parmi les candidatures d’IDE fraichement sortis des instituts.
Certains constatent même une baisse de ces candidatures spontanées. Dans un contexte de pénurie infirmière comme la France en a rarement connu, les DRH font feu de tout bois pour « séduire » ces jeunes diplômés.
Une directrice d’IFSI connaît ainsi un établissement de SSR qui offre un véritable « pont d’or » aux jeunes IDE, avec rachat de leurs années d’étude, salaire élevé, bonus pour la retraite…
Les hôpitaux et cliniques essaient aussi de les attirer par des avantages ou des mesures statutaires, par exemple une titularisation rapide dans la fonction publique hospitalière. Contre toute attente, cela ne suffit pas à attirer les jeunes IDE dont l’éventail des choix professionnels s’est considérablement élargi. Leurs aspirations sont manifestement ailleurs.
Un effet de Parcoursup ?
Pour Matthieu Girier, président de l’Association pour le développement des ressources humaines dans les établissements sanitaires et sociaux (ADRHESS) la suppression du concours d’entrée en IFSI au profit du recrutement des ESI par la plateforme Parcoursup, en 2018, a modifié le profil des étudiants et donc des jeunes diplômés.
Cela s’est d’abord traduit, selon lui, par une modification de l’ancrage géographique des étudiants. Alors que ceux qui passaient le concours privilégiaient des écoles dans leur secteur géographique, ceux qui sont recrutés par Parcousup peuvent venir de beaucoup plus loin et font preuve, une fois diplômés, d’une plus grande mobilité géographique, observe-t-il.
Surtout, le nouveau mode de recrutement des infirmiers a selon lui eu un effet sur le profil des ESI en termes de motivation. « Quand on présentait le concours d’une école, on voulait être infirmier », indique Matthieu Girier, alors qu’on peut désormais intégrer un IFSI en deuxième, troisième ou quatrième choix via Parcoursup, attiré par (ou poussé par des parents vers) un secteur aux nombreux débouchés.
« Quand on passait le concours, on avait peut-être une maturation plus importante de son projet, observe Michèle Appelshaeuser, présidente du Comité d’entente des formations infirmières et cadres (Cefiec). Il fallait se préparer, notamment à l’entretien motivationnel, et être au clair sur ses motivations ». Ce que n’exige pas Parcoursup.
Une enquête menée ces dernières semaines par le Cefiec montre d’ailleurs un taux d’abandon en cours d’études non négligeable. Quelque 2771 étudiants ont quitté dans les deux premiers mois de formation la première année les IFSI qui ont répondu à cette question, et qui représentaient 17612 places occupées. Pour ces instituts-là (165 sur 350 au total), cela représente 12,9% des effectifs. Les données sur les années précédentes manquent mais selon Michèle Appelshaeuser cette proportion a augmenté.
13% d’abandons en première année
« La première cause évoquée par les étudiants qui abandonnent est un problème d’orientation », précise-t-elle. Certains sont arrivés en IFSI faute d’avoir été acceptés sur leurs premiers choix et réalisent que la voie infirmière ne leur convient pas, d’autres se trouvent finalement pris sur des choix qu’ils préfèrent. La seconde raison évoquée est « personnelle ». La présidente du Cefiec note que la crise du Covid est à peine mentionnée.
Pour Mathilde Padilla, présidente de la Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (Fnesi), le recrutement des étudiants par Parcousup a certes « beaucoup de défauts » mais il a tout de même rendu rendu les IFSI plus accessibles à de nombreux candidats en faisant sauter le verrou financier et favorisé une plus grande diversité des profils étudiants.
Surtout, elle estime que l’évolution des aspirations et des choix professionnels des ESI résulte plus d’un changement générationnel que du recrutement des étudiants via Parcoursup. Michèle Appelshaeuser évoque aussi l’arrivée dans les IFSI d’étudiants de « la génération Z ».
Génération Z
Il s’agit, selon la présidente de la Fnesi, d’un changement générationnel « à 360° » dans lequel « on se recentre sur soi, sur ce qu’on veut, on prend soin de soi » et on est peut être moins dans l’engagement que les générations précédentes.
Les jeunes diplômés « ont du mal à se dire qu’ils vont rester longtemps sur un même lieu de travail, poursuit-elle, et préfèrent parfois les contrats courts voire l’intérim pour avoir le sentiment de ne pas être “enfermés”, se sentir libres ».
Surtout après avoir traversé deux ans de crise sanitaire… Pour Michèle Appelshaeuser, « ils veulent avoir une maîtrise de leur plan de carrière et de leur mobilité », pouvoir changer rapidement d’emploi s’ils en ont envie, ne pas se sentir coincés…
Pour éviter les abandons en cours d’études, estime la présidente de la Fnesi, « il faut réapprendre à enseigner à ces personnes », en tenant compte des particularités de leur attention et de leurs appétences, par exemple, pour les nouvelles technologies.
En termes de choix professionnels à l’issue du diplôme, l’enquête du Cefiec montre que les jeunes diplômés sont toujours nombreux à avoir une appétence particulière pour les services « techniques » à leur sortie de l’école.
66% des étudiants des IFSI ayant répondu à l’enquête du Cefiec s’orientent vers le MCO et la réanimation. De manière peu étonnante, les secteurs du handicap ou grand âge les attirent moins.
Mais les aspirations des jeunes diplômés dépassent largement la seule spécialité. Pour les attirer dans les établissements, indique Mathilde Padilla, « il faut miser sur la qualité de vie au travail ».
Les nouveaux diplômés sont aussi particulièrement attachés à la qualité du travail en équipe, ajoute Michèle Appelshaeuser. S’ils se sont sentis bien accueillis dans un service lors d’un stage, ils auront davantage envie d’aller y travailler ensuite.
La crise sanitaire a peut-être accentué ce « virage générationnel ». Pour Mathilde Padilla, ses effets se reflètent aussi dans les choix professionnels des jeunes diplômés : « cette crise a fait très mal aux jeunes, affirme-t-elle. Les étudiants des promotions qui vont sortir ont été utilisés comme des petites mains, baladés sans leur demander leur avis. Ils ont le sentiment d’avoir été trahis. Beaucoup ont été dégoûtés de l’hôpital public. »
Géraldine Langlois
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