Arrêter les soins chez un grand prématuré en cas de lésion : une décision difficile

Arrêter les soins chez un grand prématuré en cas de lésion : une décision difficile

Les parents d’un grand prématuré, souffrant d’une hémorragie cérébrale sévère, réclament aujourd’hui l’arrêt des soins prodigués à leur enfant. L’équipe de néonatologie du CHU de Poitiers, où l’enfant est soigné, a sollicité la décision d’un groupe d’éthique. Quand la poursuite des soins relève-t-elle de l’acharnement thérapeutique ? L’arbitrage est complexe.

©Natacha Soury Un reportage à l'hôpital Cochin (AP-HP) à lire dans le n°14 d'ActuSoins : Prémas aux petits soins dans un cocon
©Natacha Soury
Un reportage à l’hôpital Cochin (AP-HP) à lire dans le n°14 d’ActuSoins : Prémas aux petits soins dans un cocon

Né le 31 août alors qu’il était prévu pour le 18 décembre, le petit Titouan, pesant 900 grammes est sous perfusion et respirateur artificiel. Victime d’une hémorragie interne, il aura, quoi qu’il arrive, des séquelles. C’est pour cette raison que les parents du nourrisson ont demandé l’arrêt des soins sur leur bébé. Ce que le personnel soignant du CHU de Poitiers refuse pour le moment.

“Il a eu une hémorragie cérébrale de grade IV, le plus élevé des lésions cérébrales, dans un lobe, et de grade II, dans l’autre hémisphère. Depuis vendredi, on sait que les séquelles sont irréversibles, qu’elles engendreront un handicap moyen à lourd pour lui mais les médecins ne savent pas de quel type de handicap il souffrira” a expliqué la maman à La Nouvelle République.

Un consensus pour réanimer au dessus de 25 semaines

Le couple dénonce dans le quotidien une situation « inacceptable », « un acharnement thérapeutique (…) On ne nous demande pas notre position. Nous parents, nous ne souhaitons pas une vie de handicaps pour notre fils”.

La décision de réanimation à 25 semaines – prise sans le consentement des parents – ne relève pas de l’acharnement thérapeutique, à en juger par le consensus en la matière. Il n’existe pas en France de recommandations déconseillant la réanimation de grand prématuré en dessous de 25 semaines (comme c’est le cas en Hollande).

En France, un consensus implicite existe pour ne pas réanimer les enfants de moins de 23 semaines. Entre 23 et 25 semaines, les choses ne sont pas figées et cela dépend principalement des équipes.

L’équipe médicale du CHU de Poitiers a émis un avis collégial de maintien en vie de l’enfant – une réanimation d’attente – et demandé au groupe éthique de réanimateurs de l’hôpital Antoine-Béclère de Clamart (Hauts-de-Seine), un second avis.

Selon le journal La Croix, à l’issue de cet avis, une nouvelle réunion impliquant des membres extérieurs à l’équipe et des spécialistes de l’éthique devrait avoir lieu prochainement. A l’issue de cette réunion, une décision devrait être prise.

Un pronostic difficile

Le pronostic est difficile, assure le Professeur Roger Gil, en charge des question éthique du CHU, interrogé par France Info. On est dans une situation de dilemme. Bien sûr, nous avons des outils pour savoir. Mais ce sont des outils statistiques. Et là, nous avons devant nous une vie. Une vie dans toute sa singularité…”

« De manière générale, on peut dire que l’existence d’une hémorragie cérébrale de grade IV, en soi, ne permet pas de se prononcer, explique le professeur Claris au quotidien La Croix. Si l’hémorragie est très étendue, il peut y avoir un risque de séquelles lourdes. Mais je connais aussi des enfants, nés avec une hémorragie cérébrale de grade IV qui sont toujours en vie aujourd’hui, sans aucune séquelle motrice. 

Ce dernier ne « juge pas déraisonnable » le choix de l’équipe de Poitiers de se donner ainsi un peu de temps avant de prendre une décision pouvant être lourde de conséquences.

L’arbitrage est d’autant plus complexe qu’il est parfois difficile de prédire les capacités du cerveau à compenser, en grandissant, les lésions subies lors des premières semaines de vie.

Cependant, la souffrance des parents s’accommode mal du temps de réflexion de l’équipe médicale qui ne veut pas prendre de “décision trop rapide dans un fort contexte émotionnel” selon les termes du Pr Fabrice Pierre, chef du pôle mère-enfants au CHU de Poitiers. « Notre souci est simplement de nous donner quelques jours de réflexion pour apprécier de manière la plus précise possible les séquelles éventuelles chez cet enfant », précise-t-il.

Les décisions d’arrêt ou de poursuite de soins sont donc toujours collégiales. Tous les membres de l’équipe soignante sont impliqués, une aide extérieure étant parfois sollicitée, comme dans le cas de Titouan.

Rédaction ActuSoins 

 

Mise à jour le 19 septembre :

“L’état de santé du nouveau-né s’est dégradé ces dernières heures et les modalités d’accompagnement de fin de vie ont été définies en associant la famille”, a indiqué le CHU de Poitiers dans un communiqué, le 18 septembre, à l’issue d’une réunion collégiale de l’équipe médicale de l’unité de réanimation néonatale.

Le chemin de prise de décision médicale de fin de vie a été emprunté “selon des pratiques recommandées, intégrant un avis extérieur, un avis éthique et une nouvelle réunion collégiale de l’équipe”. “Tout au long de sa prise en charge, des réunions collégiales ont très rapidement conduit l’équipe médicale à exclure tout acharnement thérapeutique” en se fondant “sur les données cliniques du nouveau-né”, a expliqué le CHU, soulignant que “l’avis des parents” avait été”entendu”. (avec AFP)