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Les rapports sur la nécessité de dégager du temps médical s’empilent et des négociations pourraient démarrer. Elles s’annoncent difficiles.

« En dehors de l’hôpital, les infirmiers auront un rôle central à jouer dans la nouvelle organisation des soins de proximité », déclarait le 24 octobre dernier Marisol Touraine, ministre de la Santé, lors du 25eme salon infirmier. Valorisation des transferts d’activité, nouveaux métiers, dynamique de formation :  les mots-clés étaient lancés…

Depuis, le ministère refuse de commenter d’éventuels projets « dans la mesure ou des négociations vont démarrer ». Cependant, les principaux intéressés, les syndicats représentatifs de la profession n’ont toujours pas été conviés avenue de Ségur. Ils se disent « même étonnés car le ministère n’a pris aucune initiative en ce sens, …pour l’instant », souligne Philippe Tisserand, président de la FNI (Fédération Nationale des Infirmiers).

« Ils ont peut-être entamé des premières négociations avec le corps médical », avance Béatrice Galvan, responsable de l’ONSIL (Organisation Nationale des Syndicats d’Infirmiers Libéraux). « Sans l’accord des médecins, rien ne pourra avancer et ils ne semblent pas prêts à des transferts d’activités, payées à l’acte en libéral », suggère Philippe Tisserand. C’est donc le premier point de blocage.

Des négociations indispensables…

Pour «  discuter d’un transfert d’activités entre corps professionnels. Il faut se positionner et réglementer sur un plan national », ajoute Philippe Tisserand qui condamne en revanche les protocoles actuels basés sur l’article 51 de la loi HPST, à l’initiative du terrain. « Cela n’a pas de sens. Non seulement, ces expérimentations ne peuvent pas être pérennes car elles reposent seulement sur des relations de personnes à personnes. Elles peuvent même se révéler dangereuses et risquées dans la mesure ou rien ne les encadre vraiment ». « Il faut que cela soit sécurisable pour les patients et les soignants », ajoute de son côté Béatrice Galvan.

Ces expérimentations mal ficelées n’ont d’ailleurs pas déclenché d’enthousiasme. Une petite quarantaine d’expérimentations se sont développées, quasiment uniquement dans le domaine hospitalier. Une seule concerne la médecine de ville : le protocole Asalée.

De fait  les infirmiers libéraux ne sont pas prêts à tout accepter pour permettre « de dégager du temps médical ». « Il n’est pas question de répondre à un besoin purement conjoncturel. Ce n’est pas une bonne approche de l’évolution de la profession », affirme Philippe Tisserand.  « Les patients sortent déjà de plus en plus tôt de l’hôpital qui se dégage ainsi de certains soins sur la médecine de ville », estime Alexandra Saulneron, présidente du nouveau mouvement « ni bonnes ni nonnes ni pigeonnes ».

…mais la barre haute

« Quelle formation, quelles rémunérations seront prévues ? » s’interroge aussi cette infirmière libérale. « La nomenclature n’est pas au fait de la réalité sur le terrain. Il faudrait de véritables consultations infirmières », ajoute-t-elle. « L’enjeu majeur c’est de réussir de véritables compétences croisées entre infirmiers libéraux et médecins », insiste Philippe Tisserand.

La FNI et l’ONSIL comptent mettront la barre assez haut si des portes s’entrouvrent. « Il faut savoir ce qu’il est possible de transférer et surtout selon quelles modalités », s’interroge la présidente de l’ONSIL qui cite un exemple de partage d’activités mal engagé : la prescription de la pilule. « Nous avons actuellement le droit de faire, mais sans volant de manœuvre pour prescrire des analyses de sang, et avec tous les risques que cela comporte concernant les pilules de troisième génération. Dans ces conditions, c’est non », affirme-t-elle

Les cibles potentielles sont nombreuses : l’éducation thérapeutique, le suivi des patients atteints de maladies chroniques, de troubles cognitifs, de pathologies cancéreuses,…

Les syndicats s’accordent sur un point : l’opportunité pour les infirmières de tisser ainsi de véritables échanges avec les médecins mais sur la base d’une formation approfondie accompagnée d’une revalorisation des compétences (et des revenus). L’exemple  du Québec – un diplôme à bac plus cinq reconnu à l’embauche – trotte dans les têtes des syndicalistes. Mais les négociations ne sont pas encore tout à fait ouvertes !

Claire Dubois

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