La fracture de hanche chez la personne âgée : améliorons le pronostic !

La fracture de la hanche chez la personne âgée a un impact fonctionnel important et le pronostic est souvent défavorable avec un taux de décès de 25 %. Il faut donc considérer cette fracture comme une pathologie à part entière qui ne doit pas seulement être traitée sur le plan orthopédique, pour maximiser les chances d’une récupération de l’autonomie préalable et espérer améliorer le pronostic. Ce qui nécessite une prise en charge globale du patient.

actusoins magazine pour infirmière infirmier libéralCet article a été publié dans n°47 d'ActuSoins Magazine (janvier 2023).

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fracture de hanche personne âgée chuteLa fracture de hanche de la personne âgée survient, le plus souvent, après une chute et en lien avec une fragilité osseuse (ostéoporose, malnutrition). De nombreux facteurs favorisent les chutes chez la personne âgée, comme la diminution de la force musculaire, les troubles d’équilibre, les déficits visuels, les problèmes circulatoires, les effets secondaires des traitements ou leurs interactions éventuelles.

Deux formes distinctes de fracture de hanche

Les fractures « trans-cervicales » sont situées au niveau du col fémoral (radiographie 1). Chez les patients âgés, elles sont majoritairement traitées par la mise en place d’une prothèse articulaire. Selon les équipes et l’état du patient, il s’agit soit d’une prothèse dite intermédiaire (le cotyle osseux n’est pas remplacé) (radiographie 2) ou d’une prothèse totale de hanche avec remplacement de la tête du col et du cotyle (radiographie 3). Les traitements fonctionnels ou par ostéosynthèse sont devenus exceptionnels dans ce cadre.

Les fractures du massif trochantérien. La plus fréquente est la fracture per-trochantérienne (radiographie 4). Le trait de fracture peut être simple ou complexe s’étendant à la diaphyse fémorale. Le traitement est, en règle, une ostéosynthèse par vis-plaque ou par clou cervico-céphalique (radiographie 5). Chez certains patients, avec une arthrose de hanche préalable, il peut être proposé la réalisation d’une prothèse totale de hanche.

Les complications et séquelles des fractures de hanche

Les complications générales, et notamment les nombreux décès secondaires, sont favorisées par le terrain sur lequel surviennent ces fractures. En effet, ces patients âgés sont très fréquemment porteurs de pathologies générales, souvent multiples (cardio-pulmonaires, neurologiques, troubles cognitifs, diabète…), qui peuvent se décompenser à l’occasion du stress induit par la fracture et la chirurgie. Par ailleurs, ces patients ne sont pas toujours correctement suivis et il est fréquent de découvrir une pathologie jusqu’alors latente mais pouvant être sévère.

Ces pathologies associées peuvent également favoriser des complications locales à type d’hématome (patient sous anticoagulant ou antiagrégant plaquettaire), des problèmes de cicatrisation ou d’infection, notamment en cas de dénutrition ou de diabète déséquilibré.

Le traitement chirurgical peut également se compliquer avec un déplacement secondaire d’une ostéosynthèse, une luxation sur prothèse de hanche, une fracture autour du matériel lors d’une nouvelle chute. Ces situations conduisent souvent à une réintervention et vont aggraver le pronostic fonctionnel, voire vital. Même en cas d’évolution chirurgicale satisfaisante, une complication médicale peut compromettre le pronostic.

L’évolution fonctionnelle dépend donc de l’état fonctionnel pré-opératoire mais également de la qualité de la gestion globale des patients durant l’épisode de la fracture.

Fracture de hanche : un taux de décès de 25%

En France, en 2017, 66 000 personnes âgées de plus de 70 ans, dont 50 000 femmes, ont été victimes d’une fracture de hanche. L’incidence de ces fractures augmente de façon régulière, en raison de l’augmentation de l’espérance de vie. Malgré les progrès chirurgicaux, le taux de décès reste d’environ 25 % à un an. Cette fracture impacte également le pronostic fonctionnel voire vitale. Seuls 50 à 80 % des patients retrouvent leur autonomie préalable ; 10 à 30 % deviennent dépendants et 25 % entrent en institution. Une seconde fracture (hanche controlatérale, poignet, épaule) est fréquente après une première fracture.

Nécessité d’une prise en charge globale

La fracture de hanche de la personne âgée est une pathologie générale et son traitement doit dépasser la seule chirurgie orthopédique. Ainsi, dès la prise en charge, il est impératif de connaître l’état de santé global du patient, ses capacités fonctionnelles, cognitives, sensorielles, psychologiques et sociales. L’objectif est de personnaliser les soins pour retrouver un état de santé équivalent à l’état pré-fracturaire. Le patient et/ou l’aidant ou la famille doivent être impliqués dans les soins. Toute information fournie par ces derniers doit être prise en considération au risque de nuire aux suites. Différents scores dont le score de Parker permettent d’évaluer l’autonomie préalable du patient.

La prise en charge des conséquences de la fragilité et des comorbidités liées à l’âge est indispensable pour limiter les complications. Un avis gériatrique dès la prise en charge est capital pour optimiser l’état de santé, adapter les traitements en cours et définir les objectifs de récupération. Une bonne coordination entre médecin gériatre, chirurgien orthopédique et médecin anesthésiste améliore considérablement le pronostic. Sur le plan structurel, cette coordination est au mieux assurée par des unités de type UPOG (Unité Périopératoire Gériatrique).

Le délai entre la fracture et l’intervention chirurgicale est capital : supérieur à 48 heures, c’est le principal facteur de mortalité. Un retard de prise en charge chirurgicale favorise l’augmentation des complications, notamment cardio-pulmonaires, urinaires et cutanées en raison de l’alitement prolongé.

En pré-opératoire, il est fréquent de devoir équilibrer certains traitements incompatibles avec la chirurgie ou l’anesthésie (IEC, anti-diabétiques oraux, anticoagulants oraux et certains anti-agrégants plaquettaires) et/ou de traiter une anémie. Le recueil de données infirmier permet de compléter le dossier médical et de limiter les pertes de temps. Dans cette phase pré-opératoire, l’infirmier joue également un rôle important d’information sur la chirurgie, ses suites et la qualité de la gestion de la douleur.

La gestion de la douleur est capitale car elle est un facteur de stress physiologique, notamment cardio-vasculaire. Elle doit être précise pour éviter une prise en compte insuffisante ou trop importante, pouvant avec les antalgiques de palier II et III majorer une confusion, initialement favorisée notamment par la perte de repère et l’isolement. Pour cela, la douleur doit être évaluée par des échelles d’hétéro ou d’auto-évaluation adaptées à l’état cognitif puis traitée par des traitements antalgiques et des posologies adaptées, en respectant horaires et les délais d’action.

Faciliter la réhabilitation

Afin de faciliter la réhabilitation, la mobilisation doit être précoce dans les 24 heures post-opératoires : la personne âgée doit être levée au fauteuil et si possible reprendre la marche avec des aides techniques. L’appui partiel est possible chez un patient plus jeune mais quasiment impossible chez la personne âgée. Tout doit être fait lors de la chirurgie pour permettre cet appui qui impose également le contrôle de la douleur.

La rééducation vise à récupérer les capacités de marche préalables. Elle doit être globale pour récupérer un bon schéma de marche sans peur de chute. Le lever précoce limite également les risques thrombo-emboliques, le risque d’escarre et leurs conséquences psychologiques.

Lorsque le lever immédiat n’est pas possible, la mobilisation passive et/ou active doit être débutée par la kinésithérapie. L’infirmière et l’aide soignant favorisent la mobilisation et des matelas anti-escarres sont conseillés.

Lors des soins, toutes les capacités du patient doivent être prises en compte pour favoriser son autonomisation. Le rythme du patient doit être respecté et les soignants ne doivent pas « faire à sa place », afin qu’il puisse conserver son autonomie.

Lorsque le patient est continent, l’élimination doit se faire au bassin en pré et post-opératoire et sur les toilettes dès le lever à 24 heures Cela implique, encore, une prise en charge correcte de la douleur. L’utilisation d’une protection favorise, au contraire, l’apparition d’une incontinence et d’un syndrome de glissement en raison d’une baisse de l’estime de soi et de la motivation. En cas de rétention urinaire, le sondage intermittent est à préférer au sondage à demeure. En per-opératoire, une sonde urinaire à demeure est parfois utilisée mais l’objectif est son ablation rapide afin d’éviter l’apparition d’infections urinaires et d’une incontinence.

Troubles cognitifs et sensoriels

Il est important de dépister les troubles cognitifs préexistants auprès de la famille ou des aidants avec l’aide du gériatre et de prévenir les confusions aiguës. Une période de confusion transitoire post-opératoire est fréquente. Toutefois, tout changement prolongé de comportement identifié par les soignants et/ou signalé par la famille en pré ou post-opératoire doit en faire rechercher la cause. Certaines relèvent du diagnostic infirmier : douleur, constipation, rétention urinaire, déshydratation…

Les troubles sensoriels (visuel et/ou auditif) peuvent également simuler un trouble cognitif ; il est donc primordial de faire porter les orthèses (lunettes, prothèses auditives) et/ou d’adapter la communication.

Le risque de dépression chez la personne âgée hospitalisée et dans un contexte de fracture est important. La dépression doit être prévenue, dépistée par un Mini-DGS et, le cas échéant, traitée précocement.

État nutritionnel

L’état nutritionnel doit être évalué en début d’hospitalisation et tout au long du parcours de soin. Le traitement d’une dénutrition permet d’améliorer la cicatrisation, d’atténuer la perte osseuse, d’améliorer la force musculaire et la fonction immunitaire. Les habitudes, goûts textures et rythme du patient doivent être évalués et conservés pour prévenir le risque important de dénutrition chez la personne âgée en cas de changement de repère.

Le dépistage et la correction d’une carence en vitamine D réduisent les risques de fracture secondaire.

Fracture de hanche : retour à domicile

Un retour précoce à domicile avec des aides ou en EHPAD doit être privilégié. Le but pour le patient est de retrouver ses repères et ses habitudes de vie et ainsi de limiter le syndrome confusionnel et l’état dépressif. Le programme de réhabilitation doit intégrer un entraînement personnalisé aux activités de soins personnels, d’indépendance à la maison et à l’extérieur et ainsi favoriser la motivation et limiter les craintes et risques de chute.

L’évaluation médico-sociale doit être effectuée dès l’entrée du patient. Une rencontre entre l’assistante sociale, le médecin gériatre et le patient et/ou son entourage doit avoir lieu. Ce temps d’échange permet de manière anticipée d’expliquer le programme thérapeutique, de répondre aux questions, de diminuer les craintes des familles et d’organiser la sortie. Il permet également d’envisager les aménagements nécessaires au domicile.

Quand la situation du patient ne permet pas le retour à « domicile », le transfert rapide en soins de suite et réadaptation et un suivi orthopédique personnalisé auront pour effet de réduire la période d’immobilisation, d’adapter le programme de réhabilitation en fonction des progrès du patient et d’identifier précocement l’apparition des complications.

Le pronostic sévère des fractures de hanche chez la personne âgée peut être amélioré par une prise en charge globale du patient par tous les acteurs médicaux et paramédicaux en coopération avec les proches et/ou les aidants habituels.

Marianne SOULES
Infirmière, Cadre de santé Formatrice
DU Plaies et Cicatrisation 

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Bibliographie

P. Ammann, Réhabilitation des sujets âgés après fracture ostéoporotique, Revue Médicale Suisse – www. revmed.ch – 13 juin 2007
• HAS, Orthogériatrie et fracture de la hanche – Points clés … organisation des parcours, juin 2017, https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018- 05/orthogeriatrie_et_fracture_de_la_hanche_-_fiche_ points_cles.pdf • HAS, Synthèse du rapport d’orientation : Programmes de récupération améliorée après chirurgie (RAAC), juin 2016
• BODDAERT Jacques, BARONDEAU Marie-Laure, KHIAMI Frédéric et al., « Compte de résultat analytique d’une unité périopératoire gériatrique », Santé Publique, 2015/4 (Vol. 27), p. 529-537. DOI : 10.3917/ spub.154.0529. URL : https://www.cairn.info/revuesante- publique-2015-4-page-529.htm
• FICHE PERTINENCE DES SOINS, Chirurgie des fractures de l’extrémité proximale du fémur chez les patients âgés, décembre 2016, http://www.has-sante.fr/upload/ docs/application/pdf/2017-02/app_150_fiche_pertinence_ chirurgie_fractures_femur_vweb.pdf
• Thierry Chevalley, Patrick Ammann, Prise en charge orthogériatrique : quelles spécificités ? Revue médicale Suisse 2019, p. 810-814, https://www.revmed.ch/ view/591646/4659851/RMS_647_810.pdf

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