Jeune généraliste, elle a soutenu une thèse sur le vécu des infirmiers libéraux pendant la crise sanitaire

Une jeune généraliste a soutenu ce printemps sa thèse sur les infirmiers libéraux (Idel), et plus précisément sur leur vécu pendant la crise sanitaire avec leurs patients ayant des troubles cognitifs. Un travail original qui l'a conduite à mettre au jour l'engagement de ces soignants auprès de leurs patients mais aussi à tisser des liens professionnels plus étroits avec ces derniers. 

Jeune généraliste, elle a soutenu une thèse sur le vécu des infirmiers libéraux pendant la crise sanitaire

© Aewphoto / ShutterStock

Une thèse de médecine sur des infirmiers constitue une rareté qui attise la curiosité.

Marine Pujol, jeune médecin généraliste, a consacré la sienne, présentée en avril, a au « Vécu des infirmières libérales exerçant auprès de patients avec des troubles cognitifs depuis le début du covid ». Son travail, issu de ses échanges avec 10 infirmiers de Bourgogne-Franche-Comté et de recherches sur leur rôle et leurs pratiques auprès de ces patients, met au jour l'importante capacité d'adaptation dont ils ont fait preuve depuis de le début de la pandémie.

Les infirmiers libéraux se sont adaptés à la situation pour « combler les nombreux manques humains et matériels auprès des patients présentant des troubles cognitifs », écrit-elle. Tandis que beaucoup de familles avaient renoncé à rendre visite à leurs proches âgés ayant des troubles cognitifs, les Idel ont pris en charge des éléments du quotidien comme les courses ou des lessives, observe Marine Pujol, mais aussi les contacts avec les familles. Pour certains, ce fonctionnement a perduré.  

Combler les manques

Selon elle, l'augmentation des responsabilités des Idel auprès, notamment, des patient ayant des troubles cognitifs n'a pas été valorisé ni reconnu. « On a beaucoup parlé de l'engagement des infirmières hospitalières mais on a souvent oublié de parler de celui des libérales, commente Marine Pujol. Beaucoup se sont "oubliées" pour prendre en charge des patients, parfois à leur détriment. Certaines ont limité leurs activités et leurs interactions par peur de se contaminer et de contaminer leurs patients, mais on n'en a pas parlé. » Avec à la clé le sentiment d'avoir été « laissées de côté », oubliées.

« Héros du premier confinement, écrit-elle aussi, [les Idel] ont été stigmatisés pour leur contact avec le Covid ainsi que pour leurs nouvelles missions de dépistage et de vaccination. »

Certains patients ont déploré, par exemple, que « leur » infirmier participe à la vaccination. Au final, l'isolement des Idel a augmenté, observe la jeune généraliste. « J'ai eu l'impression, poursuit-elle, que leur souffrance ne devait pas s'exprimer. Elles disaient "on a fait notre travail, ce qu'on devait faire". Mais la sociologue américaine Arlie R. Hochschild a parlé du fait que quand on est dans son travail, on n'exprime que les émotions utiles à ce travail » et on met les autres de côté.

Marine Pujol l'a constaté : elle écrit dans sa thèse qu'ils « se sont oubliés pour continuer à soigner. On peut se demander si leur sur-engagement durant la période covid-19 n’aura pas de conséquences à long terme, pour eux et pour notre système de santé. »

L'avis des IDE : très utile

Ce sujet de thèse original n'était pas celui qu'elle avait envisagé au départ. Elle voulait d'abord vérifier si les troubles cognitifs des patients s'étaient aggravés durant la période du Covid.

Puis le sujet a évolué vers l'étude du vécu des infirmiers libéraux qui interviennent auprès de ces patients, généralement plus souvent que les médecins. « Dès le premier entretien je me rendu compte que j'avais des préjugés de médecin et que je devais me remettre en question, ce que j'ai fait tout au long de ma thèse. En parlant avec les infirmières libérales, j'ai mieux compris leur place auprès des patients. »

Au fur et à mesure de ce travail, elle a aussi multiplié les contacts avec des infirmiers durant ses premières expériences professionnelles en médecine générale : « quand je voyais un patient et que j'avais un doute, j'appelais son infirmière et je lui demandais son avis. Combien de fois l'avis des infirmières m'a été utile ! »

Elle continue aujourd'hui, en tant que généraliste remplaçante, d’échanger régulièrement avec les Idel. Selon elle, les infirmiers « ne voient pas le même patient que le médecin » : ils le voient chez lui, comme il vit et où il vit, pas dans un cabinet médical.

Ils sont plus à même de percevoir les signes d'une évolution qui pourrait compliquer leur maintien à domicile. Solliciter les observations des Idel permet, selon Marine Pujol, d'intervenir plus précocement face à des patients dont les troubles évoluent négativement et d'éviter ainsi des hospitalisations.

Une plus-value de l'expertise infirmière dans la coordination des soins défendue par de nombreux Idel.

Géraldine Langlois

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