Emapsy, une alternative à l’hospitalisation

La structure Emapsy (Équipe Mobile et d’Accueil PSYchiatrique), des hôpitaux Saint-Maurice (94), propose une prise en charge sur-mesure des patients avec des difficultés psychiques et en situation de crise habitant dans les quatre premiers arrondissements parisiens. Alternative à l’hospitalisation, la démarche « d’aller vers » permet un ancrage au plus proche des habitants du secteur.

Cet article a été publié dans le n°43 d'ActuSoins Magazine (décembre-janvier-février 2022). Il est à présent en accès libre. 

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Réunion quotidienne de transmission dans les locaux d'Emapsy

Réunion quotidienne de transmission dans les locaux d'Emapsy. © Alexandra Luthereau

En ce jour pluvieux de décembre, dans le quartier du Marais à Paris, une partie de l’équipe d’Emapsy (Équipe Mobile et d’Accueil PSYchiatrique) est réunie pour la réunion matinale quotidienne de transmission.

Armen Alaverdian, infirmier psychiatrique, partage avec ses collègues un nouveau cas. Une femme d’une soixantaine d’années, suivie par un centre médico-psychologique (CMP) du secteur, est confrontée à une décompensation psychique.

Le signalement a été fait par son fils. « La patiente refuse l’hospitalisation. Mais elle accepte d’être suivie par Emapsy. Nous avons proposé une visite à domicile quotidienne et une guidance pour un traitement médicamenteux », rapporte-t-il à l’équipe.  

« Aller vers »

Cette situation résume bien l’activité d’Emapsy. Cette unité publique de psychiatrie du Pôle Paris Centre, rattaché aux Hôpitaux de Saint-Maurice (Val-de-Marne), se présente comme une alternative aux séjours psychiatriques à l’hôpital, en cas de crise. « L’objectif de ce dispositif est déviter aux patients l’hospitalisation et le passage aux urgences, quand c’est possible. Et ce, en facilitant l’accès aux soins grâce à une démarche “d’aller vers” et l’accueil dans nos locaux qui se situent là où vivent les personnes », décrit Dominique Bernard, psychiatre et responsable de l’unité.

Emapsy ce sont donc à la fois un accueil de soins psychiatriques et des visites à domicile, pour les personnes habitant dans l’un des quatre premiers arrondissements de Paris. Cette double mission caractérise l’unité.

« Il existe des équipes mobiles en psychiatrie, des permanences d’accueil en psychiatrie (Centre d'accueil et de crise, CAC, ndlr) pour les patients mais pas les deux en même temps », souligne Dr Bernard, précisant que le dispositif Emapsy est justement né en avril 2019 de la fusion d’un CAC et d’une équipe mobile, déjà situés rue du Temple. Par ailleurs, l’implantation au cœur de la Cité « est aussi une façon de déstigmatiser la santé mentale » et de rendre le patient acteur de ses soins, précise la psychiatre. 

Centrer sur le patient

Armen Alaverdian, infirmier au sein d'Emapsy, estime que la démarche redonne du sens à son métier

Armen Alaverdian, infirmier au sein d'Emapsy, estime que la démarche "redonne du sens à son métier". © Alexandra Luthereau

Emapsy intervient non pas sur le long cours comme peuvent le faire les CMP mais de façon ponctuelle, sur de courtes durées, de quelques jours à un mois environ. Le temps de la crise au sens clinique du terme, en somme. Très rapidement après un signalement émis par un CMP, les urgences, les familles ou les patients eux-mêmes, l’équipe Emapsy reçoit la personne en entretien, accompagnée si possible par le proche qui a alerté sur la situation.

Cette première « prise de contact permet de nous faire connaître, de tisser un premier lien qui rendra possible le dialogue et la rencontre thérapeutique, explique l’infirmier Armen Alaverdian. L’idée est de montrer à la personne qu’il y a une inquiétude de la part de l’entourage et de voir avec elle les solutions à envisager. Les patients sont force de propositions. On voit ce qui est possible, ce qu’ils peuvent mobiliser comme ressources ».  Si le patient accepte l’accompagnement Emapsy, démarre alors la prise en charge en tant que telle, personnalisée en fonction des besoins de la personne.

Parmi les soins proposés, l’entretien en binôme (infirmier et psychiatre, infirmier et psychologue…) est le plus utilisé. Il peut aussi bien se dérouler dans l’un des bureaux dédiés d’Emapsy, au domicile du patient ou encore à l’extérieur, dans un café ou un parc. Toujours, selon ce qui convient le mieux au patient.

« L’aller vers est intégré dans la mission Emapsy, précise Sarah Carlier, psychologue au sein de l’équipe. L’idée étant que si la personne ne peut pas venir, il faut aller la rencontrer. Il ne s’agit pas de dire que c’est mieux qu’un entretien dans nos locaux, c’est juste ce qui convient dans certains cas. Cela dit, aller la voir dans son environnement permet de mesurer la situation. C’est éclairant sur son état psychique ».

De l’entretien à l’hospitalisation de jour

Des repas thérapeutiques ont lieu midi et soir dans la salle à manger des locaux d'Emapsy

Des repas thérapeutiques ont lieu midi et soir dans la salle à manger des locaux d'Emapsy. © Alexandra Luthereau.

Outre l’entretien individuel, l’équipe peut également proposer la guidance pour l’observance de traitements médicamenteux, des repas thérapeutiques midi et soir dans la salle à manger des locaux et même une hospitalisation de jour. La structure dispose pour cela de trois chambres permettant d’accueillir les patients de 9 heures à 21 h, 7 jours sur 7, pour une « hospitalisation cocooning », comme la qualifie le Dr Dominique Bernard. Le projet était et reste de pouvoir accueillir des patients en hospitalisation complète, sur quelques jours et plus, quand c’est nécessaire. Mais l’équipe fait face aujourd’hui à un manque de personnels et éprouve des difficultés à recruter.

Cette souplesse dans les modalités et le fonctionnement « permettent de s’adapter à la situation et au patient et aussi de proposer des choses différentes en fonction de ce qui convient à ce dernier », commente l’infirmier. Et donc de favoriser l’alliance thérapeutique et l’adhésion aux soins. Finalement, « c’est le patient qui choisit ». Ce principe de « centration sur le patient », évoqué par Sarah Carlier, est d’ailleurs un leitmotiv partagé au sein de la structure, qui réfléchit à imprégner sa pratique à l’aide du concept d’« open dialogue » (cf encadré), sur lequel l’équipe a démarré une formation.

Miser sur l’environnement du patient

Dans le dispositif Emapsy, la mobilisation de l’entourage du patient est également importante. « Nous travaillons avec les partenaires de l’environnement de la personne, comme la famille, les amis, le ou la conjoint, les partenaires sociaux… qui sont des ressources potentielles », décrit le Dr Bernard. Par ailleurs, l’équipe est en lien permanent avec les autres structures du pôle Paris Centre[1] pour assurer la continuité des soins et éviter les ruptures.

Pour la psychiatre, « Emapsy participe à l’amélioration des pratiques et des soins au bénéfice des patients ». L’infirmier évoque pour sa part, son sentiment « d’utilité » et le « sens redonné à (son) métier ». Ce ne sont pas les seuls à plébisciter ce type d’alternative. Face à l’engorgement des hôpitaux psychiatriques, « les structures d’accueil et la mobilité d’équipes psychiatriques se développent », appuie la psychiatre. Pourtant, la multiplication de ce type de dispositifs tend à « réserver l’hôpital aux situations les plus complexes », soulève-t-elle. Sarah Carlier craint même le risque d’une « paupérisation » de l’hôpital public et un « manque de mixité des patients (mixité pathologique, sociale, et de gravité des cas) », avec, in fine, un accueil en hôpital public réservé aux situations les plus difficiles qui peuvent être lourdes voire décourageantes pour les soignants hospitaliers.

Alexandra Luthereau

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[1] Le Pôle Paris Centre compte 2 unités hospitalisation aux Hôpitaux Saint-Maurice, 2 CMP, 1 hôpital de jour située dans une barge flottante sur la Seine et 1 unité d’hébergement thérapeutique. 

Open dialogue

L’open dialogue est une méthode systémique de soins psychiatriques de la crise, venue de Laponie occidentale, selon laquelle le patient est au cœur de la prise en charge. Celui-ci est associé à toute discussion. Il n’y a pas de réunion où on parle du patient, sans qu’il ne soit présent. Selon les études menées en Finlande, le recours à cette méthode permet un pronostic de guérison supérieur, comparé à celui enregistré après des soins comprenant l’administration de médicaments, et des meilleurs résultats en termes de non rechute, baisse des hospitalisations, retour à l’emploi ou en études etc.  

Pour en savoir plus : https://open-dialogue.net/?lang=fr

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