Dysfonctionnements à l’hôpital : « Nous ne sommes plus capable de garantir la prise en charge des situations médicales courantes »

Auditionnés par la commission d’enquête du Sénat jeudi, les représentants des personnels soignants et des praticiens ont décrit un hôpital « au bord de la rupture ». Chacun a identifié les causes et les conséquences des dysfonctionnements.

Dysfonctionnements à l’hôpital : « Nous ne sommes plus capable de garantir la prise en charge des situations médicales courantes »« Nous sommes aujourd’hui dans une situation que je dirais catastrophique. Le point de rupture pour nous, est atteint », a d’emblée déclaré Véronique Hentgen, représentante du collectif Inter-hôpitaux (CIH). « Aujourd’hui, nous ne pouvons plus assurer nos missions de soins dans des conditions acceptables, ni pour les patients, ni pour les soignants », a-t-elle poursuivi.

Manque de lits et de personnels mettant en péril le système de santé et la prise en charge des patients : lors de la première audition de la commission d’enquête sur la situation à l’hôpital et du système de santé en France, les propos accablants sur la situation se sont enchaînés.

Thierry Amouroux, porte-parole du syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) a décrit la réalité de ses collègues infirmières « sans cesse sur le qui-vive », rappelées pendant leurs congés en cas d’arrêts maladies, « déplacées comme des pions » sur le planning. « Il y a une vraie perte de sens. Une infirmière hospitalière n’est pas une technicienne spécialisée dans une usine à soins. Elle est là aussi pour prendre soin, accompagner, faire de l’éducation thérapeutique… »

Il a fait état d’un dangereux « cercle infernal ». « Plus il y a de départs, plus les conditions de travail se dégradent pour ceux qui restent. Et plus les conditions de travail se dégradent, plus vous avez de nouveaux départs », a-t-il constaté.

« On a cru que l’hôpital d’après ne serait pas comme l’hôpital d’avant. Non, non, il n’est pas tout à fait comme avant. Il est pire… », a lâché le professeur Patrick Goudot, vice-président de l’Intersyndicale national des praticiens hospitaliers.

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Multiples fractures

Si l’organisation de l’hôpital a été pointée du doigt par tous les représentants auditionnés (5 au total), chacun a identifié des causes institutionnelles multiples.

Pour Thierry Amouroux, trois fractures sont identifiables. « Nous pensions vraiment qu’il y allait avoir un monde d’après, au moins pour la santé. Or, dès le 11 mai [2020], nos burocrates sont revenus, avec leurs petits tableaux de bord, pour reprendre les plans d’économie là où ils étaient. Selon les propres statistiques du ministère, 5 700 lits ont été fermés en 2020, nous sommes le seul pays au monde à avoir fermé des lits en période épidémique pour des raisons économiques », a-t-il dénoncé.

La deuxième fracture, selon Thierry Amouroux, « ça a été le refus de la reconnaissance en maladie professionnelle des soignants victimes du Covid : 85 000 à l’hôpital, 55 000 autres dans les Ehpad. Au 26 novembre 2021, [seuls] 1690 dossiers ont été retenus par les caisses primaires ».

La troisième fracture, « c’est le Ségur, avec pour un certain nombre des soignants [une augmentation de ] 183 € qui était loin des attentes des professionnels et qui montre le décalage qu’il y a encore aujourd’hui entre le salaire infirmier moyen européeen et ce qui a été fait par le gouvernement et d’autre part. D’autre part, il y a les oubliés du Ségur […]. Cela donne l’impression qu’il y a des soignants plus ou moins investis, plus ou moins méritants ».

Véronique Hentgen (CIH), a aussi pointé « le couple mortel de la T2A [tarification à l’activité] et de l’Ondam [objectif national des dépenses d’assurance maladie] qui se résume à faire toujours plus avec toujours moins. »

« Les considérations financières priment toujours sur celles de la bonne prise en charge des malades », a -t-elle considéré.

Même son de cloche du côté de l’intersyndicale de praticiens Avenir hospitalier. Pour le docteur Jean-François Cibien, son président, c’est notamment le manque de financement chronique et la logique de tarification à l’acte qui ont « organisé le délitement de l’hôpital ». « Il manque 150 milliards d’euros dans le budget hospitalier sur les 15 dernières années », a-t-il estimé.

Rédaction ActuSoins

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