Les infirmiers de bloc opératoire dans la rue pour plus de reconnaissance  

Les infirmiers de bloc opératoire (Ibode) ont battu le pavé le 23 septembre, de la gare Montparnasse au ministère de la Santé, pour revendiquer le respect des actes exclusifs et des mesures transitoires dans les blocs opératoires. La loi actant cette obligation ne trouve pas d’application concrète dans l’ensemble des établissements hospitaliers. 

Les infirmiers de bloc opératoire dans la rue pour plus de reconnaissance  

© Laure Martin

« Nous sommes dans la rue principalement pour faire un rappel à la loi et demander une application des décrets de 2015 et 2019, explique Valérie, Ibode depuis 2007 dans le secteur public à Gap venue défiler à Paris. Aujourd’hui, on manque de reconnaissance de la part de nos directions. »

Que dit la loi ?

Un décret du 27 janvier 2015 relatif aux actes infirmiers relevant de la compétence exclusive des Ibode leur a attribué trois actes dédiés (lire encadré).

Mais à l’époque, les Fédérations hospitalières sont montées au créneau, pointant du doigt le manque d’Ibode pour faire appliquer la loi. Après plusieurs années de négociations, un décret du 28 juin 2019 a instauré des mesures transitoires pour certains actes exclusifs aux Ibode.

Ce décret relatif aux conditions de réalisation de certains actes professionnels en bloc opératoire par les infirmiers et portant report d'entrée en vigueur de dispositions transitoires sur les Ibode prévoit que des infirmières ayant au moins un an de pratique professionnelle à temps plein dans les blocs opératoires, et ayant pratiqué régulièrement les actes prévus par le décret, pouvaient prétendre aux mesures transitoires.

Depuis le 1er janvier 2020, la loi doit s’appliquer.  

Mais aujourd’hui, « dans de nombreux établissements du public et du privé, la loi est bafouée », regrette Olivier Wacrenier, président du Syndicat national des infirmiers de bloc opératoire (Snibo), présent à la manifestation.

« Ils continuent d’embaucher des jeunes infirmières pour qu’elles réalisent des actes Ibode dans les blocs », dénonce Magali Delhoste, présidente de l’Union nationale des associations d’infirmi(ère)s de bloc opératoire diplômé(e)s d’Etat (Unaibode) également en tête du cortège. Soi-disant nous ne sommes pas assez d’Ibode pour faire tourner les blocs. Pourtant, lors des discussions ayant conduit aux mesures transitoires, les grandes fédérations ont acté que si 15 000 IDE déposaient un dossier pour les mesures transitoires, les blocs pouvaient continuer de fonctionner. Ce sont eux qui ont acté ce chiffre, ce sont eux qui ont imposé la loi, et maintenant ils ne l’appliquent pas ! »

« Les chirurgiens dans nos blocs se moquent complètement de la loi et la direction encore plus, confirme Elisabeth, Ibode à Troie depuis 2008, dans le public. Ils veulent avant tout ouvrir les blocs, peu importe avec qui. »

L’Unaibode, tout comme le Snibo et le Collectif interblocs (CIF) réalisent régulièrement des rappels à loi auprès des directeurs d’établissements. Si certains prennent actes, c’est loin d’être le cas pour tous notamment faute de sanction. « Les Agences régionales de santé (ARS) pourraient veiller à l’application de la loi », suggère Magali Delhoste.

« Nous voudrions que le respect du quota incompressible d’Ibode dans les blocs devienne obligatoire pour l’accréditation des établissements », propose Olivier Wacrenier.  

L’application de la NBI et plus d’attractivité

Autre cheval de bataille : l’application de la Nouvelle bonification indiciaire (NBI) aux Ibode. Elle ne leur est plus appliquée depuis 2002 à la suite de son intégration dans leur traitement indiciaire comme pour les infirmiers anesthésistes (Iade).

Mais l’incompréhension est totale puisque depuis 2017, les Iade bénéficient de nouveau de la NBI. Ce qui n’est pas le cas pour les Ibode. « La NBI à 13 points, ce n’est que 50 euros de plus par mois, pointe du doigt Valérie. Aujourd’hui, on se bat pour cette somme ! Et avec le Ségur de la santé, j’ai obtenu un point d’indice supplémentaire. Un point, c’est 4.58 euros de plus par mois. C’est méprisant ! Entre les nuits, les weekends, les astreintes… On donne de notre personne et on nous donne les miettes. C’est un manque de respect total. »

L’application de cette NBI serait, pour ces professionnels de santé, un premier pas vers plus d’attractivité de la spécialité. « Aujourd’hui, en ayant effectué la formation d’Ibode, je perds 32 euros par mois, se désole Isabelle, jeune diplôme Ibode, exerçant dans le secteur public en Seine-et-Marne. En me formant à cette spécialité, j’ai changé de grille salariale et j’ai certes gagné 28 euros par mois, mais comme on me retire la NBI, je perds 60 euros par mois. »

L’année dernière « on nous a promis plus d’attractivité mais comment parler d’attractivité lorsque le ministère prend des mesures sur l’ensemble d’une carrière, se demande la présidente de l’Unaibode. Aujourd’hui, personnellement, je gagne quatre euros de plus qu’une infirmière. Je ne pense pas qu’on puisse parler d’attractivité. »

Les autres dossiers en cours

En parallèle de ces revendications, d’autres discussions sont en cours, notamment sur la réingénierie du diplôme avec la mise en place d’un Master 2.

« Qui dit Master, dit universitarisation de notre formation, rappelle Magali Delhoste. Nous sommes en discussion avec le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) et nous avons l’impression que c’est en bonne voie. Mais nous veillons, car les discussions autour de cette réingénierie ont déjà été interrompues deux fois par le passé. »

Les Ibode ont également d’autres projets pour l’avenir, notamment une réflexion autour de la création d’une pratique avancée dans le cadre de la spécialité. « Cela permettrait d’acter plus d’autonomie pour les Ibode et de montrer que nous sommes les partenaires des chirurgiens, soutient Magali Delhoste. Mais pour le moment, notre priorité porte sur le Master 2. »

Laure Martin

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Les actes exclusifs des Ibode

Le décret du 27 janvier 2015 atteste de trois actes exclusifs pour les Ibode.

1°Dans les conditions fixées par un protocole préétablit, écrit, daté et signé par le ou les chirurgiens :
a) Sous réserve que le chirurgien puisse intervenir à tout moment :

-l'installation chirurgicale du patient ;

-la mise en place et la fixation des drains susaponévrotiques ;

-la fermeture sous-cutanée et cutanée ;

b) Au cours d'une intervention chirurgicale, en présence du chirurgien, apporter une aide à l'exposition, à l'hémostase et à l'aspiration.

2° Au cours d'une intervention chirurgicale, en présence et sur demande expresse du chirurgien, une fonction d'assistance pour des actes d'une particulière technicité, déterminés par arrêté du ministre chargé de la santé.

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