Devenir infirmier : la Belgique attire les étudiants français

Les accords européens facilitent la mobilité des étudiants mais réaliser toutes ses études à l'étranger se heurte à la barrière de la langue. Les étudiants français tentés par cette perspective se tournent plutôt vers la Belgique wallone. Même depuis la suppression du concours d'entrée dans les IFSI.

Des centaines de jeunes français s'inscrivent chaque année dans des établissements belges pour suivre des études en soins infirmiers.

Selon Alain Anibaldi, directeur d'Univ prepa concours, une prépa qui organise aussi « l'expatriation » d'étudiants en Belgique, ils seraient 16000 chaque année.

Un chiffre difficile à vérifier : tous les diplômés français en Belgique ne choisissent pas de revenir travailler en France et ne sont donc pas en contact avec les autorités françaises pour valider leur cursus, ni avec l'Ordre national des infirmiers...

Les étudiants qui choisissent la Belgique ne sont pas non plus particulièrement en contact avec les associations étudiantes françaises comme la FNESI, qui n'a pas d'équivalent dans ce pays. Leur nombre n'est pas négligeable en tout cas à l'échelle de la Belgique puisque 60 à 75% des étudiants de cette filière sont français dans certaines écoles de Wallonie (proches de la frontière française mais pas seulement)...

80% des nombreux étudiants français de la section « infirmière hospitalière » de l'Institut d'enseignement secondaire provincial paramédical (IESPP) de Tournai sont d'ailleurs originaires du Nord et du Pas-de-Calais.

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60 à 75 % de Français dans certaines écoles

L'orientation vers des écoles belges a longtemps été un moyen pour les étudiants de ne pas avoir à passer un ou plusieurs concours d'entrée en IFSI quand ils existaient encore, souligne Mathilde Padilla, vice-présidente en charge des affaires internationales et de la culture de la FNESI.

Les écoles ne refusent en effet aucun étudiant tant qu'elles n'ont pas atteint les limites de la capacité d'accueil des étudiants sur les terrains de stage. Et à condition que leur bac soit validé (certains le sont automatiquement d'autres sont examinés par une commission officielle).

Il existe deux filières de formation infirmière en Belgique : le brevet en 3,5 ans, plutôt axé sur la pratique, qui relève de l'Enseignement secondaire (très peu cher) et le diplôme bachelier d'infirmier(ère) gradué(e) en 4 ans, plus « scientifique » qui relève de l'Enseignement supérieur et donc des universités (plus cher). Les deux font l'objet d'une équivalence européenne avec le DE français.

Maryna, étudiante de troisième année originaire d'Armentières (près de la frontière belge) elle a préféré s'inscrire en Belgique que de tenter d'entrer dans un IFSI français.

Mais pour Madeline, étudiante marseillaise en première année, en revanche, il s'agit d'un plan B : elle a tenté trois fois d'intégrer un IFSI dans sa région via Parcoursup mais ses échecs l'ont conduite à se tourner vers la Belgique, « comme la plupart des Français dans mon école », observe-t-elle. Plan B aussi pour Marie (tout juste diplômée), venue en Belgique après une première année de PACES à Toulouse et l'échec à l'entrée d'un concours d'IFSI avec 3000 candidats pour 200 places. Les écoles belges sont rodées : celle où Madeline s'est inscrite l'a beaucoup accompagnée dans ses démarches.

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Plan A ou B

Avec la suppression du concours d'entre en IFSI, « on a craint que cela entraine une chute du nombre d'étudiants français chez nous, se souvient Emmanuel Huart, directeur de l'IEASPP. Mais en fait, Parcoursup est un mode de sélection tout aussi sélectif et nous n'avons observé aucune conséquence » sur le nombre de candidats français. Par exemple, 100% des étudiants qu'Alain Anibaldi accompagne vers une inscription en Belgique n'ont pas pu intégrer un IFSI via Parcoursup en amont.

Les étudiants ne s'inscrivent cependant pas à l'aveugle : « beaucoup arrivent dans notre école par le bouche-à-oreille », remarque Dominique Delguste, directrice de l'Institut d'enseignement secondaire complémentaire catholique (Iesca). C'est le cas de tous les étudiants que nous avons interviewés. Les anciens sont manifestement convaincants... « Notre approche de la formation les attire, poursuit la directrice. Par exemple le travail en équipe pluridisciplinaire, que nous développons beaucoup. Ou encore la philosophie de soins sur laquelle nous avons basé notre formation : "prendre" soin plutôt que "faire" des soins, avec l'humain, le soigné, au centre de la relation de soins. »

Manifestement, les étudiants français, dans la filière « brevet » tout du moins, apprécient aussi les groupes classes de petite taille et le niveau d'encadrement des stages. « Nos professeurs viennent nous voir deux à trois fois par stage (de deux semaines, NDLR), explique Marie. On prend un patient ou plus en charge et ils nous montrent les soins, nous observent et participent à l'évaluation du stage. »

Selon Dominique Delguste, « c'est rassurant pour les étudiants ». Comme ceux des écoles belges ont souvent aussi la possibilité de partir en stage en France, ils constatent d'autres différences comme le fait que les infirmières belges font plus de nursing mais moins d'administratif que leurs homologues françaises.

Des points forts pour les Français, qui constatent néanmoins que les étudiants, en brevet tout au moins, ne sont pas indemnisés lors de leurs stages.

Une approche particulière

Ils découvrent aussi qu'ils doivent valider chaque année d'études une par une, ce qui est loin d'être une formalité (le taux d'échec en première année peut atteindre 50%).

Comme le remarque Madeline, le niveau des cours en Belgique est assez élevé élevé mais « ce n'est pas plus mal, commente-t-elle, on nous forme à être de bons infirmiers ». Autre particularité qui l'a marquée : « les gens sont très gentils en Belgique, je me sens hyper accompagnée par l'école ».

Fréquenter une école en Belgique induit cependant des problématiques de mobilité. Les étudiants frontaliers qui vivent en France ont généralement besoin d'une voiture pour se rendre à l'école et surtout en stage, souligne Elisa, qui habite près de Lille, à 40km de son école.

Et ceux dont les attaches familiales et amicales se trouvent plus loin en France métropolitaine ou aux Antilles souffrent de la réduction des liaisons aériennes et des limitations administratives de déplacements liées à la crise sanitaire... Au point parfois d'abandonner. Cela limitera-t-il les inscriptions de Français pour la rentrée 2021 ? Il est trop tôt pour le dire.

Marie, tout récemment diplômée, a choisi de rester travailler en Belgique. « J'ai créé ma vie ici, explique-t-elle. Et je me sens plus à l'aise en Belgique. Il y a beaucoup plus de personnel et une différence de salaire pas négligeable. Aussi, on a un contact, une relation de confiance avec le patient que je n'ai pas retrouvé en France. » Selon Dominique Delguste, ce sont surtout les étudiants originaires de régions proches de la Belgique qui y commencent ou réalisent leur carrière. Les autres ont tendance à souhaiter travailler dans leur région d'origine.

Géraldine Langlois

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Réactions

2 réponses pour “Devenir infirmier : la Belgique attire les étudiants français”

  1. Ndoye dit :

    Avoir une bonne formation

  2. Viatour dit :

    J’ai fais mes études en Belgique j’ai eu mon de en 1990
    Superbe expérience jamais je n’aurai du revenir en France même si j’exerce en libéral

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