Covid-19 : immersion dans un service de réanimation

Le service de réanimation de l’hôpital privé Jacques Cartier (Ramsay Général de santé) à Massy (Essonne) s’est réorganisé pour recevoir des patients atteints du Covid-19. Une prise en charge lourde, mais proche du quotidien du service. Reportage.

Covid-19 : immersion dans un service de réanimation

© DR

Ils sont cinq autour du patient. Le médecin réanimateur au niveau de sa tête, tient sa nuque et le respirateur.

De chaque côté du lit, deux infirmiers. Placé en décubitus ventral depuis seize heures, le patient doit être retourné.

L’acte est minutieux. « Nous nous assurons de tout avoir bien préparé en amont, avant de le retourner », explique le Dr François Marchal, médecin réanimateur au sein du service.

Une fois sur le dos, on découvre le visage tuméfié du patient, conséquence des seize heures passées sur le ventre. Sur ses genoux, des pansements, pour éviter les escarres. « On le re-scope, on vérifie que sa sonde urinaire est bien placée, on mesure la sat’ et il faudra faire une gazométrie dans une heure », énumère le médecin.

Même si les patients placés en décubitus ventral sont moins nombreux qu’au début de la crise, ce protocole fait aujourd’hui partie du quotidien des soignants du service.

Pourtant, en échangeant avec eux, ils sont unanimes : la prise en charge des patients Covid-19 n’a pas entraîné de grands changements dans leur travail. « C’est souvent comme ça en réa, affirme Julie, IDE. Mais il est vrai que les patients sont plus longs à se réveiller. »

L’organisation quotidienne est effectivement identique avec les transmissions du matin, le staff pour les échanges sur les patients, le passage des médecins dans les chambres, les prescriptions, les soins dispensés par les infirmiers, la visite du médecin en chambre l’après-midi. Néanmoins, « les patients sont plus graves et plus lourds que d’habitude, indique le Dr Marchal. Et on devient ″mono-tâche″ car tous ont des problèmes respiratoires aigus. »

Une unité dédiée

Pour prendre en charge l’arrivée massive des patients positifs au Covid-19, le service s’est totalement adapté. Auparavant, il était organisé autour de quatre lits de réanimation et dix lits de soins continus d’un côté, et onze lits de réanimation de l’autre.

« Avec la crise sanitaire, tous les lits de soins continus sont devenus des lits de réanimation, permettant la prise en charge de 28 patients Covid-19 exclusivement, rapporte le Dr Cyril Goulenok, médecin réanimateur. Pendant un temps, nous avons aussi créé une unité Covid-19 supplémentaire au deuxième étage de l’établissement, portant à 38 le nombre de lits dédiés. »

Les patients de réanimation non Covid ont quant à eux été pris en charge au sein du service de réanimation de chirurgie cardiaque, les opérations étant à l’arrêt.

Pour gérer la charge de travail supplémentaire, du personnel a également été recruté. Dans les deux parties du service, un poste d’infirmier volant a été créé. Placé dans le couloir, « je prépare ce dont les infirmiers, en chambre, ont besoin pour leur patient, que ce soit des seringues ou du matériel », rapporte Aurélien, infirmier vacataire. Un fonctionnement qui limite les entrées et sorties dans la pièce.

« Nous avons eu l’avantage, contrairement au secteur public, d’avoir le temps de nous préparer à l’arrivée massive des patients infectés par le Covid-19, de faire des réunions pour mettre en place les protocoles au sein du service, fait savoir le Dr Goulenok. Si au départ, tout pouvait être sujet à crainte, notamment concernant le matériel, tout a finalement été géré efficacement avec la pharmacie et nous avons également reçu beaucoup de dons. » 

Une protection à chaque instant

Masques, visières, charlottes, surblouses, tabliers, gants, rien ne manque ou n’a manqué dans l’établissement.

C’est d’ailleurs cet habillage, répété à chaque entrée en chambre, qui est vécu comme la plus grande contrainte quotidienne par les soignants, gênés dans la réalisation de leurs actes par tout cet attirail qui tient également chaud. Néanmoins, « cet habillage est vraiment très important, il faut rester vigilant, souligne Stéphanie, IDE en réa dans cet hôpital depuis 17 ans. A chacun de nos gestes, nous sommes responsables. Une erreur peut impacter le reste de l’équipe. Mais on a toujours eu du matériel, je me suis toujours sentie en sécurité. »

Car l’inconnu face à ce virus est aussi source d’insécurité et d’angoisse. « Au début de la crise, j’ai eu peur de ramener le virus à la maison, reconnaît Maud, IDE, en préparant sa seringue. J’aurais aimé qu’on nous propose d’être hébergés dans des chambres d’hôtel mais avec le recul, on est tout aussi exposé en faisant nos courses, et je ne pense pas que cela aurait changé quoi que ce soit. »

Tenter le tout pour le tout

La crise et la surcharge de travail n’a en rien impacté la bonne ambiance qui règne dans le service. Au contraire, « cette crise nous a encore plus rapproché, soutient Stéphanie. Nous devons la gérer, sans connaître la maladie. Nous sommes tous dans le même bateau, nous nous serrons les coudes et nous savons sur qui compter. »

Pour certains patients, l’équipe tente le tout pour le tout. « L’une de nos patientes est placée sous oxygénation par membrane extracorporelle (ECMO), explique le Dr Marchal, alors qu’il regarde ses bilans biologiques. Nous ne pouvons pas la laisser trop longtemps avec ce dispositif en raison des effets secondaires liés notamment aux anticoagulants associés. »

Protocole rare pour les patients sous ECMO, cet après-midi, l’équipe va placer la patiente en décubitus ventral pour essayer d’obtenir une amélioration de son état. Pour le moment, sur les 65 entrées de patients contaminés, le service enregistre 8 décès, soit un pourcentage similaire à l’activité standard du service.

Mais les patients restent plus longtemps que d’habitude dans le service, et pendant une longue période dans le coma. De fait, dans chaque chambre, l’équipe a placé un cahier, dans lequel les soignants, les médecins ou les visiteurs, quand il y en a, peuvent laisser un mot. « Cela permettra aux patients, à leur réveil, de combler ce trou de plusieurs semaines dans leur existence et de se reconstruire », conclut le Dr Marchal.

Laure Martin

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