Faire garder ses enfants quand on est soignant : pas si simple

En annonçant jeudi dernier la fermeture des établissements scolaires pour endiguer la propagation du coronavirus, le président de la République avait précisé que les soignants pourraient, eux, faire garder leurs enfants pour continuer à travailler. Mais le dispositif ne semble pas encore tout à fait en place.

Faire garder ses enfants quand on est soignant : pas si simpleToutes les écoles et crèches de France ont clos leurs portes vendredi soir jusqu’à nouvel ordre.

Toutes ? Pas tout à fait. « Un service de garde sera mis en place région par région, nous trouverons les bonnes organisations pour qu'en effet, les personnels qui sont indispensables à la gestion de la crise sanitaire puissent faire garder leurs enfants et continuer d'aller au travail pour vous protéger et vous soigner », a annoncé aux Français Emmanuel Macron dans son discours du 12 avril décrétant la fermeture des établissements scolaires. Sur le terrain pourtant, nombre d’infirmiers se retrouvent à devoir bricoler leur propre solution.

« Lundi, à la mairie et dans les écoles, ils n’étaient capables ni de recevoir mes enfants, ni de me donner une réponse », témoigne par exemple Aurélie, infirmière au CHU de Saint-Étienne et mère de deux enfants de deux et cinq ans.

Séparée de leur père et assumant leur garde, elle aurait pourtant dû être considérée comme prioritaire. « Mais ils m’ont dit qu’il fallait amener mes enfants sur du temps scolaire, c’est-à-dire de 8h30 à 18h30 au maximum », indique-t-elle. « Or à 8h30, cela fait longtemps que j’ai commencé le travail. » Résultat, les enfants sont chez leur père, alors que celui-ci n’en a pas la garde et qu’il habite à plusieurs dizaines de kilomètres.

« Votre solution, c’est votre mari »

Autre cas de figure : celui de Clotilde, infirmière en Ehpad dans les Hauts-de-Seine et mère de trois enfants dont l’aînée est en moyenne section de maternelle. « J’ai envoyé un mail ce week-end à la direction de mon établissement, à l’école et à la crèche », raconte-t-elle. « Dès dimanche soir, l’école m’avait répondu que ma solution de garde, c’était mon mari, parce qu’il n’est pas soignant. »

Une sentence que Clotilde juge assez cohérente. « On est en confinement », reconnaît-elle. Son époux, qui est en télétravail, reste donc à la maison et le couple a la chance de pouvoir faire appel à la nounou qui vient habituellement chercher les enfants après l’école. « Elle vient en vélo et a déjà été en contact avec les enfants avant le confinement, donc il n’y a pas de risque particulier », juge Clotilde.

Les cas d’Aurélie et de Clotilde sont loin d’être isolés. « Aujourd’hui, beaucoup de soignants n’ont pas de solution », avertit Céline Laville, présidente de la Coordination nationale infirmière (CNI). Par ailleurs infirmière au CHU de Poitiers, la responsable syndicale indique elle-même éprouver des difficultés pour la situation de ces deux fils, 10 et 12 ans, qui se sont gardés tout seuls hier mardi. « Les choses ne sont toujours pas calées, et elles ne le seront qu’en fin de semaine », précise-t-elle, reconnaissant que les écoles font tout ce qu’elles peuvent. « À l’école primaire de mon fils, ils ont été sur le pont tout le week-end », indique-t-elle.

Démarrage en douceur

Il faut dire que du côté des mairies et des rectorats, l’organisation de la garde des enfants des blouses blanches n’est pas une mince affaire. Exemple à Pantin, en Seine-Saint-Denis. « Nous avons mis en place une adresse mail sur laquelle les soignants peuvent écrire afin de nous donner leurs besoins », explique Sandrine Vuidel, directrice de la petite enfance de cette commune de 50 000 habitants limitrophe de Paris.

Celle-ci a passé énormément de temps en réunions à tenter de s’organiser depuis l’annonce présidentielle. « Nous avons deux établissements qui peuvent recevoir les enfants de 0 à 3 ans des soignants qui habitent ou travaillent à Pantin, mais pour l’instant, nous n’en avons pas encore accueilli », précisait-elle mardi après-midi, estimant que le dispositif n’était pas encore tout à fait connu au sein de la population.

La demande n’est en effet pour l’instant pas encore au rendez-vous. « Il est vrai que nos horaires ne sont pas très étendus, de 8h30 à 17h, nos agents ne travaillent pas en décalé », explique la Pantinoise. « Nous pouvons donc dépanner, mais nous ne pouvons pas couvrir la totalité des impératifs des soignants. »

Elle se dit toutefois convaincue que les blouses blanches vont faire appel aux services de la mairie. « Je passe beaucoup de temps au téléphone avec les parents, nous sommes à l’écoute de leurs besoins », affirme-t-elle.

Reste un point noir : le risque de contamination du personnel des crèches. « C’est une grosse question, il n’est pas facile de s’occuper d’un enfant en se tenant à un mètre de lui ! », s’exclame Sandrine Vuidel, qui dit espérer que le personnel sera en mesure de travailler tant qu’il le faudra pour aider les soignants. Et on ne peut que partager son vœu !

Adrien Renaud

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