Pourquoi y a-t-il des consultations privées à l’hôpital public ?

Certains médecins de l’hôpital public pratiquent au sein de leur établissement des consultations ou des interventions en secteur privé. Cette activité est parfois présentée comme la seule façon de garder les meilleurs praticiens dans le giron du public. Mais on peut aussi y voir le symbole d’une médecine à deux vitesses.

Pourquoi y a-t-il des consultations privées à l’hôpital public ?

© ktasimar - Fotolia

Quand on demande au Pr Michaël Peyromaure, chef du service d’urologie à l’hôpital Cochin de Paris, ce qu’il ferait si du jour au lendemain la possibilité d’effectuer des opérations en secteur privé lui était retirée, sa réponse ne se fait pas attendre. « Je partirais instantanément ! », lance-t-il.

Et pourtant, ce chirurgien renommé se dit particulièrement attaché à l’hôpital public. Le secteur privé dans les établissements publics est d’ailleurs selon lui ce qui permet de garder dans ces derniers « des gens de qualité ». Sans lui, « des services entiers s’effondreraient », estime-t-il.

Il faut dire que le secteur privé à l’hôpital public est intrinsèquement lié à l’histoire des Centres hospitalo-universitaires (CHU). « Avant les ordonnances Debré [qui ont créé les CHU en 1958, ndlr], les chefs de service passaient peu de temps à l’hôpital », raconte Michaël Peyromaure. « Ils venaient le matin, donnaient quelques consignes, et partaient ensuite à la clinique gagner leur vie. » Leur permettre d’exercer une activité lucrative au sein même des hôpitaux est selon l’urologue ce qui a permis de les maintenir à plein temps dans les CHU, et « cela a correspondu à la fabuleuse épopée de l’hôpital public à partir des années 1960. »

Montants astronomiques

Voilà pour le point de vue du chirurgien. Mais pour les patients, c’est autre chose. Car d’après une étude du collectif France Assos Santé réalisée en 2018 sur des données de 2016, la facture peut parfois être très salée. Ce travail constatait qu’une pose de prothèse de hanche, par exemple, revenait en moyenne dans le cadre de l’activité libérale à l’hôpital avec dépassement d’honoraire à 1235 euros, contre 460 euros au tarif Sécu. Et le tarif maximal observé était de… 4000 euros. Une chirurgie de la cataracte, remboursée par la Sécu à hauteur de 272 euros, était quant à elle facturée en secteur privé à l’hôpital en moyenne à 558 euros… avec un pic à 2000 euros dans un célèbre établissement ophtalmologique parisien.

Des montants « hallucinants », voire « astronomiques », attaque France Assos Santé. « Pour un hôpital public exemplaire, l’activité privée de ses praticiens – si tant est qu’elle doive exister – doit y être exercée en secteur 1… c’est-à-dire sans dépassements d’honoraires ! », estimait, toujours en 2018, le collectif dans un communiqué accompagnant la sortie de son étude. France Assos Santé reconnaissait toutefois que la pratique est loin d’être répandue sur l’ensemble du territoire, et qu’elle est surtout le fait de praticiens exerçant dans de grands hôpitaux universitaires, et notamment à l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP).

Une activité sous contrôle ?

Le secteur privé à l’hôpital est d’ailleurs encadré. Les praticiens ne peuvent se livrer à leur activité privée plus de deux demi-journées par semaine. Bien sûr, certaines spécialités comme les urgences ou la réanimation sont exclues. Par ailleurs, les médecins versent une redevance de l’ordre de 25 % à l’établissement, de manière à compenser l’utilisation qu’ils font du matériel, mais aussi du personnel de l’hôpital. C’est ce qui fait dire à Michaël Peyromaure qu’il n’est pas possible de tricher avec ce système. « Quand vous faites un acte en privé, vous faites une feuille de soin qui part à la Sécurité sociale », explique-t-il. « La Sécu transmet l’ensemble des actes que vous faites à la direction de l’hôpital, qui compare avec ce que vous avez déclaré. »

Reste que France Assos Santé relève certains cas qui « interrogent particulièrement sur la régulation de leur activité libérale en termes de montant des honoraires et de temps consacré ». Le collectif note par exemple que 35 médecins de l’AP-HP ont facturé en 2016 plus de 250 000 euros d’honoraires, et que sept ont même facturé plus de 450 000 euros. Michaël Peyromaure, lui, indique qu’il « double [ses] émoluments » de PU-PH grâce à son activité. « Cela me permet de bien vivre tout en restant motivé par l’activité publique », estime-t-il, ajoutant que s’il partait dans le privé, « avec le travail qu’[il] abat, [il] gagnerait bien davantage. » Il est vrai qu’à l’heure où l’hôpital peine à recruter (la Fédération hospitalière de France vient d’annoncer que 30 % des postes de médecins étaient vacants dans le public), la question de l’attractivité de l’hôpital se pose. Reste à savoir si le fond du problème est réellement financier.

Adrien Renaud

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