Les infirmiers libéraux réunionnais ne manquent pas de remplaçants

Pour les 2210 infirmiers libéraux* de La Réunion, la grosse période de remplacement pour congés annuels va débuter au moment des fêtes pour s’achever fin janvier. En effet, les « grandes vacances » se divisent en deux périodes : cinq semaines sur juillet-août et six semaines en décembre-janvier. Si les remplacements courants dans l’année sont bien pourvus, il peut exister des zones de tensions en janvier.

Les infirmiers libéraux réunionnais ne manquent pas de remplaçantsEn janvier, il fait chaud à La Réunion. 35°C en moyenne, parfois plus. Les écoles ferment, les avions affichent complet, d’autant que les tarifs des stations de ski en métropole sont bas. « Je pars chaque année quinze jours pour fuir la chaleur et profiter de mes enfants, explique une infirmière libérale de l’Ouest de l’île, la région de l’île considérée CSP+. Beaucoup de mes patients potentiels sont également partis, soit à Maurice, soit en métropole. Une bonne part de l’activité se concentre autour des soins d’hygiène de patients âgés ou handicapés, ce n’est pas forcément ce que préfèrent assurer les remplaçants. »

Et les remplaçants infirmiers habituels des cabinets sont souvent aussi en congé pour raisons familiales, en moyenne quinze jours à cette date.

La demande excède l’offre

En planifiant bien à l’avance, une rotation des permanents et des remplaçants est possible depuis les fêtes jusqu’à fin janvier. « Il y a toujours une petite semaine où l’on a besoin de renforts et où il faut trouver un remplaçant occasionnel. »

Difficile ? Pas vraiment. Tous les IDEL qu’ActuSoins a interrogé estiment que l'offre est largement suffisante. « La Réunion est plutôt surdotée en infirmiers libéraux. Une part conséquente de salariés des hôpitaux et cliniques finissent par démissionner à cause des conditions de travail et veulent s'installer en libéral. Les propositions de remplacements ne manquent donc pas. Après, il faut trouver la perle rare, qui accepte nos conditions et bosse bien et là, on a parfois eu des mauvaises surprises », précise un cabinet de groupe dans le Sud.

La rétrocession des honoraires est souvent sujet de tensions : « A La Réunion, il y a encore de l’esclavage, s’indigne un remplaçant qui ne mâche pas ses mots. On m’a déjà proposé du 70/30 alors que j’utilise ma voiture et que je paie mon carburant. »

Pour lui, la rétrocession devrait être de 90/10. « Ici, le mieux que tu peux trouver, c’est 80/20 et encore, en négociant bien. »

Des désillusions inévitables

La Réunion, auprès d’autres professions paramédicales, donne parfois l’illusion d’un eldorado pour remplaçants vu depuis la métropole. Mais attention à la désillusion car les conditions diffèrent selon les professions  : « Une de mes amies dentiste est venue deux fois en 2017 faire des remplacements. Elle était ravie de son chiffre et j’avoue qu’il y avait de quoi, on était tous un peu jaloux », s’amuse Lydie, une infirmière qui, après plusieurs CDD en cliniques dans le Centre France, s’est laissée tenter par l’aventure. Mais a vite déchanté. « Je suis venue un peu le nez au vent, en me disant que je trouverai vite et que je profiterai de la plage en prime. A écouter mes copains dentistes et kinés qui venaient en remplacement ici, j’avais l’idée que la métropole avait beaucoup à apporter à La Réunion. Sauf que les infirmiers ne manquent pas ici. »

Sur l’île depuis un an, la jeune femme repart prochainement pour la métropole, en ayant peu travaillé ici en libéral et dans des conditions qui l’ont surprise : « J’ai eu des propositions dans des régions rurales, mais le fait que je ne comprenne pas le créole a été disqualifiant. Les deux remplacements très courts que j’ai effectués m’ont aussi affectée par rapport au niveau de vie très précaire des patients, je n’y étais pas préparée, ni suffisamment experte dans le soin des plaies diabétiques. »

Dans l’Est de l’île, région réputée pauvre et pluvieuse, des remplacements en établissements sont plus faciles à trouver, selon notre témoin, mais nettement moins rémunérateurs.

Le CV, la garantie d’être recruté

Jean-Luc Maurat, infirmier hospitalier au long cours originaire de l’Ariège, est arrivé sur l’île il y a cinq ans. « Je suis en disponibilité de l’hôpital. Je voulais découvrir l’île en profondeur, pas la carte postale. J’avais des copines infirmières qui s’étaient installées en libérale à La Réunion il y a 25 ans. Je ne venais pas en touriste, j’avais tout préparé depuis la métropole, le dossier d’enregistrement, et je savais déjà où je pouvais travailler en débarquant. »

Et comme il le reconnait, il ne venait pas sans rien : « A 52 ans en arrivant à La Réunion, j’avais un CV qui parlait pour moi. J’ai un long parcours aux Urgences, au SMUR, en réanimation, dans d’autres services et aussi en libéral pendant cinq ans en Ariège. Bref, ce n’est pas le petit jeunot que je vais remplacer qui va m’apprendre le métier ! ».

De fait depuis cinq ans, Jean-Luc Maurat travaille pour trois cabinets régulièrement dans le Nord de l’île. « Je n’ai pas eu vraiment de difficulté à trouver. Il y a eu des cabinets qui accueillent beaucoup de femmes musulmanes qui m’ont dit ne pas pouvoir travailler avec moi car je suis un homme et je le comprends très bien. J’ai trouvé ailleurs et tourne sur les trois mêmes cabinets. Je travaille entre 12 et 18 jours par mois, ça me suffit pour vivre et me permet de profiter de ce pour quoi je suis venu : découvrir l’île, rencontrer des gens, vivre des moments forts. Si je l’avais voulu, j’aurais pu travailler 30 jours dans le mois, mais ce n’est pas mon but. »

Lui aussi regrette que la règle sur la rétrocession et sur les frais kilométriques ne soit pas plus souvent respectée à La Réunion. « La plupart des cabinets incluent les 2,50 euros de frais kilométriques dans la rémunération du passage alors qu’ils devraient être comptabilisés à part des honoraires. »

Remplacer à La Réunion, un exercice à bien préparer

Son conseil : savoir ce que l’on veut accepter ou pas, négocier calmement mais fermement et ne travailler qu’avec des cabinets qui acceptent de formuler toutes les dispositions de l’accord par contrat. Et pour ceux et celles qui viendraient de métropole, prendre soin de boucler le dossier d’inscription depuis la métropole, très en amont : « Les démarches prennent beaucoup plus de temps à La Réunion qu’en métropole, il faut le savoir et ne pas céder à la tentation de travailler quand même si le cabinet l’accepte parce que le dossier est en cours. S’il y a un problème, là, tu seras tout seul ! ».

Alors que les vacances d’été austral débutent dans moins d’un mois, 90% des offres de remplacement seraient déjà couvertes. Mais chaque année des demandes de dernière minute offrent aux remplaçants non « bookés » la possibilité de travailler. « Nous étions trois sur un remplacement l’an dernier, se rappelle Isabelle Payet, également en disponibilité pour envisager une reconversion en libéral. Dans ce cas, on ne peut pas vraiment négocier à la hausse. J’aurais bien voulu avoir les jours fériés et les dimanches qui rapportent pas mal, mais souvent les cabinets se les gardent ou les laissent à leurs remplaçants permanents. » Apparemement, Noël n’est pas toujours un cadeau… 

Mireille Legait

 *Chiffres au 1er janvier 2019, sources ARS OI

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