Infirmière en Corée du Sud : l’irrépressible ascension de Jinui Hong

En Corée du Sud, être une femme tout en s’épanouissant dans une carrière professionnelle relève du défi. La profession d’infirmière n’échappe pas à la règle. Jinui Hong, infirmière-cadre dans le centre palliatif de l’hôpital de l’Université nationale de Séoul revient sur son parcours.

Infirmière en Corée du Sud : l’irrépressible ascension de Jinui Hong

©Eugénie Baccot

Jinui Hong est une femme occupée. Elle nous reçoit dans son bureau de l’hôpital de l’Université National de Séoul, baigné de lumière, en plein cœur de la capitale sud-coréenne.

L’interview se fera à la pause déjeuner. Une heure pour parler de soi, cela semble déjà beaucoup pour cette quadragénaire souriante et réservée mais qu’un regard franc révèle déterminée.

Infirmière depuis vingt ans -tout juste- Jinui Hong n’a pas laissé sa carrière suivre son cours normal. Jinui Hong semble plutôt préférer commander son destin.

Un salaire déterminé dès le bac

Son parcours universitaire a commencé par une réussite exemplaire, celle de son baccalauréat qui lui a permis d’être acceptée dans la très sélecte Université Nationale de Séoul. Un sésame qui lui a permis d’être embauchée quatre ans plus tard dans l’hôpital universitaire public.

Alors que celles qui n’auront réussi qu’à intégrer une école privée qui propose une formation de trois ans, ne pourront travailler que dans des établissements privés. Jinui Hong grâce à son diplôme universitaire gagne 30 à 40 % de plus en travaillant dans le secteur public.

A l’époque, toute jeune infirmière, rien n’arrête Jinui Hong, rapidement mère de deux enfants (une fille et un garçon âgés aujourd’hui de 17 et 15 ans). Pourtant en Corée du Sud, la réussite professionnelle d’une femme est une gageure, vite freinée par l’arrivée des enfants.

Beaucoup de femmes devenues mères abandonnent leur carrière, faute de moyen de garde, cédant aux pressions sociales qui les obligent à assumer l’ensemble des tâches ménagères et l’éducation des enfants (Selon le Forum économique mondial en 2013, le pays se classait en matière d’égalité des sexes 111ème sur 135 pays derrière les Emirats Arabes Unis).

La profession d’infirmière, pourtant très féminisée (il y a moins de 5% d’hommes dans la profession contre 22,6% en France) ne fait pas exception.

En 2013, près de 300 000 infirmières étaient diplômées d’une école ou de l’université en Corée du Sud, mais seulement 120 000 exercent aujourd’hui effectivement leur profession.

Pourtant, le manque d’infirmières dans un pays où la population commence à vieillir se fait sentir.

Six jours de congés par an

« Il faudrait plus de places en crèche », soupire Jinui Hong, sans savoir combien ces préoccupations font écho également de ce côté-ci du globe. « Il y a bien une crèche à l’hôpital, mais la liste d’attendre est trop longue ! Moi, ma belle-mère a pu s’occuper de mes enfants. »

Une situation que certaines collègues ont dû lui envier alors qu’il fallait jongler avec les horaires décalés. A l’hôpital de l’Université Nationale de Séoul, trois tranches d’horaires sont possibles : de 7h à 15h, de 15h à 22h, ou de 22h à 7h, avec un maximum de 40 heures travaillées par semaine. « En tant qu’infirmière, il faut accepter tous ces horaires », explique Jinui Hong.

Comme partout en Corée, les congés ne sont pas nombreux : six jours par an, et douze jours supplémentaires que le salarié coréen prend rarement, préférant toucher un extra de salaire correspondant. Seul avantage concédé aux infirmières : enceintes, elles sont dispensées d’horaires de nuit.

Jinui Hong, épaulée par sa belle-mère, avait donc les mains libres pour poursuivre ses ambitions. Celle qui a très tôt voulu faire ce métier pour « aider les autres » se retrouve vite frustrée dans son quotidien : trop d’ordres des médecins, trop peu d’autonomie, pas assez de contact et de support psychologique auprès des patients.

Jinui Hong reprendra ses études en 2000, six ans seulement après son diplôme, pour préparer un master et se spécialiser.

Une question d’argent ?

De toute façon, il lui fallait accumuler trois ans d’expérience avant d’intégrer le master. Une charge supplémentaire pour Jinui Hong : elle ne s’est pas arrêtée de travailler pendant cette formation en soin à domicile, et devait payer ses cours du soir : cinq semestres de formation pour 17 500 €.

Et comme elle n’était pas encore pleinement satisfaite, en 2006, elle suit une nouvelle spécialisation : les soins palliatifs. Ce nouveau master lui a permis de rejoindre la nouvelle unité spécialisée de soins palliatifs, inaugurée en 2007 à l’hôpital de l’Université nationale.

Elle encadre une équipe de quinze infirmières et de deux aides-soignantes, elles-mêmes épaulées par des volontaires (des retraités ou des femmes au foyer).

Dans ce service de 28 lits, les patients tous cancéreux, en phase terminale, sont accueillis avant d’être ensuite aiguillés vers des instituts spécialisés. Elle travaille désormais de jour (de 9h à 17h30), en collaboration avec les quatre médecins du service, et assure au côté d’une assistance sociale, et de deux religieux le suivi des patients.

Même si maintenant, elle ne réalise plus aucun geste technique, Jinui Hong semble avoir enfin trouvé sa place. Pourtant, le salaire n’aura pas été le moteur de toute cette ascension. Son poste n’étant reconnu par aucune convention, elle est contractuelle, et chaque année elle signe un nouveau contrat, sans craindre pour autant un non renouvellement.

Jinui Hong constate avec un peu d’amertume mais résignée qu’elle touche aujourd’hui le même salaire qu’une infirmière avec vingt ans d’expérience et qui ne se serait pas spécialisée, soit 33 000 € annuels. Pourtant, elle le répète, elle ne quittera pas ce service, le premier service palliatif du pays.

Ariane Puccini (Youpress)

 

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