Être infirmière de guerre en Libye

A 300 kilomètres de Benghazi, le fief des rebelles libyens, les combats entre les forces kadhafistes et les rebelles font rage depuis une semaine. A quelques kilomètres de la ligne de front, les hôpitaux reçoivent chaque jour des dizaines de blessés. Reportage.

Être infirmière de guerre en Libye

© Julien Muguet, Ras Lanouf, Libye le 6 mars 2011 - Un médecin traite une victime sévèrement touchée au crâne lors d'un combat au delà de Ras Lanouf.

A l’hôpital de Ras Lanuf, à 50 kilomètres de la ligne de front, il n’y a plus qu’une seule infirmière. Alors que tous les autres soignants, d’origines étrangères pour l’immense majorité, ont quitté le territoire, Ina, elle, a décidé de rester. «Je suis arrivée il y a 11 ans, raconte l’infirmière de 38 ans. A cette époque, j’avais faim et je n’avais pas de travail, et les Libyens m’ont aidé, je n’ai pas oublié. Aujourd’hui, c’est la Libye qui a besoin de moi, alors je reste».

Il y a quelques semaines, dans ce petit hôpital, situé au cœur d’une cité pétrolière, des dizaines de soignants philippins et indiens s’activaient auprès des patients, essentiellement des travailleurs de la raffinerie. Désormais, ce sont 30 médecins, des volontaires libyens et égyptiens, épaulés par des étudiants en médecine qui réceptionnent les blessés.

Ici, depuis que les affrontements ont commencé à se rapprocher, sur des brancards, des dizaines de rebelles arrivent chaque jour. Résultat : l’hôpital est devenu l’attraction des habitants curieux de la ville qui affluent pour apercevoir les « martyrs de la révolution ». «Pour ceux qui sont blessés par balle, ou pas des éclats de missiles, nous faisons notre possible, témoigne un médecin. Mais malheureusement beaucoup d’armes lourdes, comme les RPG, sont utilisées dans les combats et dans ces cas il n’y a souvent plus grand-chose à faire».

Et Ina d’ajouter : «ce matin nous avons reçu un très jeune garçon gravement blessé à la tête, son cerveau était visible. Pour moi, cela a été très dur, car c’est ma première expérience de ce type de situation, je ne suis pas infirmière de guerre».



Les ambulances prises pour cible

Et pourtant Ina a dépassé le choc, car pendant l’opération, l’infirmière a dû assister le neurochirurgien, un libyen expatrié aux Etats-Unis revenu au pays pour soutenir les rebelles. «J’explique bien aux médecins que je ne suis pas formée pour cela, mais ils me répondent de faire de mon mieux, alors je me débrouille comme je peux», précise-t-elle.

Depuis ce matin, à l’hôpital de Ras Lanuf, les malades arrivent au compte-goutte. «Les forces kadhafistes tirent sur les ambulances, regrette ce médecin égyptien. Donc nous ne pouvons plus aller chercher les blessés, c’est dur de se dire que nous ne pouvons rien pour eux».

Hier, avant que les ambulances ne soient prises pour cible, les blessés affluaient par dizaines à l’entrée de l’hôpital. «Les patients étaient tellement nombreux, qu’il n’y avait plus de médecins disponibles. J’ai dû réaliser moi-même un accouchement, ce que je n’’avais jamais fait auparavant ». Avant d’ajouter fièrement : «tout s’est parfaitement déroulé, au milieu de l’horreur des blessés, une petite fille de 4 kilogrammes est née, c’était un moment magique!».

Pour le neurochirurgien arrivé des Etats-Unis, c’est l’heure de la pause cigarette. «Nous avons besoin d’infrastructures et d’infirmières, car nous avons assez de médecins et des médicaments, explique-t-il. Avant de conclure : « Mais nous avons besoin surtout d’une intervention de la communauté internationale pour arrêter Mouammar Kadhafi. C’est de cette façon qu’il n’y aura plus de mort ».

Leila Minano/Youpress

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Réactions

3 réponses pour “Être infirmière de guerre en Libye”

  1. aalhinetha dit :

    bel preuve de courage et de conviction

  2. Scalpel dit :

    Comment ne pas leur apporter tout notre soutient à nous assis bien au chaud à nous plaindre somme toute de problèmes « mineurs ».
    Courage les collègues, infirmières d’ici ou là-bas, même métier. Mais pas même combat.

  3. Bravo à ces infirmières…

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