Réforme de la psychiatrie en France: Ce qui va changer, ce qu’il faut savoir

Au creux des vacances d'été, la loi réformant la psychiatrie française a vu le jour. ActuSoins décrypte pour vous les principales modifications apportées par ce texte majeur, qui concerne quelque 70 000 patients par an.

réforme psychiatrieAppliquée depuis le 1er août 2011, la Loi no 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge remplace celle du 27 juin 1990.

Sa parution au J.O. du 06 juillet 2011 n’a laissé que peu de temps aux établissements pour se préparer.

Toujours 3 modes d’hospitalisation :

- L’hospitalisation libre qui reste la règle en matière de soins psychiatriques,

- L’hospitalisation à la demande d‘un tiers,

- L’hospitalisation à la demande du préfet (anciennement « hospitalisation d’office »).

La grande nouveauté de cette loi est la rencontre systématique de toute personne hospitalisée sans son consentement par le juge des libertés et de la détention (J.L.D.) à 15 jours puis à 6 mois .

Une mesure complexe à mettre en œuvre dans l’urgence pour les établissements hospitaliers.

Lorsque l’état clinique du patient ne lui permet pas de se rendre au tribunal pour rencontrer le J.L.D., le législateur a été jusqu’à prévoir que l’hôpital installe une salle d’audience en son sein ou même que cette audience soit réalisée par visioconférence. Les hôpitaux ont investi cet été pour s’équiper du matériel nécessaire.

Dans le cas des audiences au sein de l’hôpital, le procès-verbal est dressé par un agent de l’établissement d’accueil ayant préalablement prêté serment devant le tribunal de grande instance.

Combien de professionnels répondent à ces critères actuellement dans nos hôpitaux… Combien de patients ne s’opposeront pas à l’audience par visioconférence…

Lorsque les patients se rendent au tribunal pour rencontrer le J.L.D., ils sont accompagnés de soignants. De quoi compliquer une situation qui l’est déjà ; dans les services de psychiatrie, le manque de personnel est fréquent. D’autant que c’est le juge qui fixe la date, l’heure, le lieu et les modalités de tenue de l’audience.

D'autres nouveautés notables

- le recours aux formes alternatives à l’hospitalisation. H.D.T. et H.O. peuvent être pris en charge hors hospitalisation complète, c’est à dire en ambulatoire. Les équipes doivent alors rédiger des programmes de soins pour définir la prise en charge du patient.

L’exercice est nouveau pour bon nombre de professionnels. Ce n’est plus l’hospitalisation qui est imposée mais les soins. Le dispositif de « sortie d‘essai » est par conséquent supprimé.

- des mesures spécifiques pour les patients d‘Unité pour Malades Difficiles (U.M.D.) et pour les patients jugés pénalement irresponsables. Un collège réunissant le directeur d‘établissement, le psychiatre du patient, un autre psychiatre de l’établissement et un membre de l’équipe pluridisciplinaire éclaire le préfet ou le J.L.D. dans leur prise de décision.

Ce collège est aussi sollicité pour se prononcer sur la situattion des H.D.T. de plus d‘un an. On ne peut que se réjouir à l’idée que les psychiatres ne soient pas les seuls à donner un avis, et espérer que le membre de l’équipe pluridisciplinaire soit un infirmier en psychiatrie.

- l’hospitalisation à la demande d’un tiers peut désormais se passer de tiers. Dans la situation relativement fréquente où on ne trouve pas de proche en mesure de demander l’hospitalisation, le directeur peut désormais la prononcer. Les assistantes sociales ou les administrateurs de garde ne seront plus sollicités pour signer la demande de tiers d’une personne qu’ils ne connaissent pas.

- le directeur a désormais le pouvoir de s’opposer à la levée de l’hospitalisation lorsque le tiers en fait la demande. Sous la pression du patient, le proche qui a rédigé la demande d’hospitalisation était souvent amené à se rétracter. La mesure d’hospitalisation s’arrêtait et le malade sortait sans soins ou dans de mauvaises conditions.

- le calendrier des certificats médicaux est modifié pour augmenter les évaluations cliniques en début d’hospitalisation afin de déterminer la prise en charge la plus adaptée pour le patient.

Une loi attendue de longue date et une mise en œuvre dans l’urgence

Cette loi était très attendue. Sans surprise, un nouveau pas vers la judiciarisation des procédures d’hospitalisation a été franchi.

Sans bouleverser l’existant, elle apporte quelques avancées notamment en matière de soins sous contrainte en ambulatoire.

Pour autant, il est regrettable que cela se fasse dans la précipitation en plein milieu de l’été, et surtout sans moyens supplémentaires pour développer les structures extrahospitalières visant à soutenir les prises en charges ambulatoires.

Caty RAGOIS et Julien POUVESLE – Cadres de santé

Pour aller plus loin :

LOI no 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge - Texte Intégral

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Réactions

21 réponses pour “Réforme de la psychiatrie en France: Ce qui va changer, ce qu’il faut savoir”

  1. lo dit :

    vous trover que cest une amelioration si vous etes cadre vous avez alors les moyens tous

    securitaire a quel prix ,,,,

  2. Cortopsy dit :

    Deus articles aujourd’hui sur le sujet, l’un intitulé « Une loi délirante » dans Télérama N°3215 ce papier fait lien avec la pratique clinique en référence à la psychothérapie institutionnelle.
    L’autre dans le Canard Enchainé de ce jour  » La méchante loi des fous  » là aussi le lien avec la pratique quotidienne est évoqué en particulier la perte de temps soignant infirmier pour accompagné les patients au tribunal, deux textes à lire et à partager.

  3. spi_t dit :

    je vous cite
    « Sans bouleverser l’existant, elle apporte quelques avancées notamment en matière de soins sous contrainte en ambulatoire. »
    j’aimerai que l’on m’explique ou est l’avancée en matiere de soins sous contrainte en Ambulatoire. comment travailler l’aliance therapeutique lorsque l’on dit au patient qu’il est contraint?? que ferez vous lorsqu’un patient ratera un RDV ou une prise de TTT retour illico presto a la case Hopital??
    on parle de moins en moins de clinique autour du patient et de plus en plus de regles et de reglements
    un cadre de sante filliere ISP

    ,

  4. Suzy49 dit :

    Personnellement, je sens une réaction très positif de votre part à cette loi alors que sur le terrain, nous sommes loin d’être aussi enchantés.
    Non seulement cette loi est passé dans l’urgence mais surtout dans un flou monumental ! Nos médecins à quelques jours de l’application de la loi, n’avaient rien de précis et recevaient quantité de mails, confirmant des points et en obscurcissant d’autres ! Sans parler de situations particulières où les questions restent sans réponse (notamment la question des curateurs).
    De plus, dans le milieu, nous avons franchement l’impression que cette loi donne l’illusion d’ouvrir l’hôpital alors qu’elle renforce plutôt l’enfermement.

  5. thechamanette dit :

    prochaine étape ? la réouverture des camps ?

  6. jpb dit :

    S’il est évident que bien des gens ont des soucis psychiques et/ou mentaux, il n’est pas évident du tout qu’ils soient bien traités en psychiatrie. Il suffit d’aller dans un HP pour s’en apercevoir ; la camisole chimique (et omniprésente) rend les patients horribles, mécaniques, très dépendants et semble aggraver leur incapacité ou difficultés à se prendre en charge et sortir de leur cauchemar. Ils sont traités, mais sont-ils soignés ?

  7. Cortopsy dit :

    A mettre au débat l’aspect liberticide de cette loi, un extrait de la lettre d’info de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) de juillet 2011:

    page 4

    « … La loi sur les soins sous contrainte étend le domaine de la contrainte hors des murs de l’hôpital psychiatrique. Un débat a eu lieu parmi les parlementaires d’opposition,notamment dans le groupe socialiste, sur l’opportunité d’une saisine du Conseil Constitutionnel. A été préféré le recours à la procédure de la Question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qui ne peut s’exercer qu’à l’occasion d’une affaire, et à l’initiative d’un avocat. Ce choix est très dommageable, car il ne donne pas à la question traitée la dimension politique qu’elle mérite, et repousse un résultat éventuel à un horizon lointain et incertain. La question de la réforme du Conseil constitutionnel est plus que jamais posée; …

  8. Guilaine Delachaume dit :

    le plus choquant,c’est que se sont des audiences publiques !!!! et après on nous parle du secret professionnel et du respect des droits du patient….. quelle honte !!!!

  9. cedr1c dit :

    Un changement non cité, il me semble: l’HDT relevant de l’article L3212.3 fait donc avec un seul certificat médical peut être fait par un psychiatre de l’établissement, ce qui n’était pas le cas avant. Le 24h et le 72h faits par d’autres personnes dans ce cas le permettent.

  10. cedr1c dit :

    On manque encore de recul pour évaluer ce qu’apporte cette loi sortie n’importe comment, mais on voit déjà de nombreuses disparités entre départements sur les visio conférences (certains juges les refusent, d’autres non), sur les levées d’hospitalisation (cela dépend si la direction veut fayoter en faisant dans l’ultra sécuritaire), et sur les HDT sans tiers qui sont une surcharge de travail quand ils doivent être faits dans les règles, avec traçabilité sur l’impossibilité de trouver un tiers. ces HDT à mon avis seront moins fait dans les zones rurales, je n’en ai vu qu’un jusqu’à présent.
    Une chose constatée: on ne parle désormais plus de clinique, mais de papiers à faire, les soignants sont encore plus surchargés en travail, et je ne parle même pas des secrétaires qui s’occupent des certificats…
    Autre chose, le temps de passage aux urgences pour des patients en HDT s’allonge, du temps que chacun prenne ses responsabilités, entre autre les administratifs qui valident les papiers lors de la vérification.

    Bref, du mal à voir du positif pour le patient dans tout cela, même si certaines choses sont plus dans les clous, on noie encore un peu plus l’essence de la psychiatrie au profit de dispositifs ultra sécurisés.

  11. Mélissa Richard dit :

    Du positif: un HO que le préfet refusait de lever depuis 7 mois. Avec cette nouvelle loi, si 2 médecins différents demandent en moins de 48h la levée, le préfet ne peut s’y opposer. Fait, patient en HL!!

  12. Mélissa Richard dit :

    Ou comment travailler l’alliance avec le patient quand le juge vous demande devant le patient votre avis sur la levée ou non du placement…?
    Puis juge des libertés… oui sauf quand il n’est pas libre et que c’est le juge des tutelles ou encore le juge pour enfant qui le remplace…!

    • cedr1c dit :

      Les juges commencent déjà à ronchonner dans certaines régions, n’étant pas formés pour prendre des décisions médicales…à mon avis cela explique ce genre de question.

  13. Elo Calandre dit :

    Je penses que ces législateurs devraient aller faire un tour sur le terrain!!!!

  14. Cortopsy dit :

    Oui une loi était attendue, plutôt une loi cadre qu’une loi amalgamé entre le dispositif du JLD ce qui reste une exigence des personnes attentifs aux droits de l’Homme,et une loi sécuritaire qui ne fait que retour aux années de l’aliénisme triomphant, mais l’époque n’est-elle pas au renfermement. Je re/lis le très bon livre de Marie Didier sur Jean-Baptiste Pussin « Dans la nuit de Bicêtre » et la BD de Lisa Mandel HP tome 1…en trouvant des similitudes avec ce qui se mets en place depuis le1er août.
    Oui la réalité du terrain…mais avez-vous vu/lu les deux derniers rapports de l’IGAS ? Les soins (au sens du prendre soin) infirmiers sont critiqués de façon scandaleuses, alors continuons à discuter.

  15. Mariedo Goasguen Rambeaud dit :

    en pompant des agents pour les accompagnements des patients au tribunal,et pendant ce temps la on n est plus présent dans les services,et on s épuise et soi disant pour la liberté du patient pipeau!

  16. la loi sur la réforme de psychiatrie était attendue depuis lgtps.Hélas!faite en catimini,comment les établissements vont ilss ‘ adapter à cette juridiarisation?par quels moyens?Nos législateurs semblent bien loin de la réalité du terrain !

  17. Cortopsy dit :

    Point de vue « administratif » sur cette loi du 5 juillet, de nombreux débats ont pourtant lieu depuis le 2 décembre 2008 (discours du président de la République) débats dans la presse national, à la radio (écouter ce jour à 9h10 sur France Inter) à la télévision…des appels à ne pas appliquer la loi sur les soins sans consentement par le collectif « Mais c’est un homme » et la LDH (Ligue des Droits de l’Homme) les collègues qui souhaitent des informations peuvent visiter le site suivant: http://www.collectifpsychiatrie.fr
    Merci pour cet article au cadrage technique, reste l’analyse clinique…et les pratiques soignantes à discuter.

  18. Elisabeth de Botton dit :

    comment la scientologie essaie de récupérer les psy!

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