Polémique sur le don d’organes en Israël après le décès d’une idole du foot

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De son vivant, Avi Cohen était une légende du foot israélien. Depuis son décès la semaine dernière, il est devenu un symbole du débat sur le don d'organes, refusé par sa famille, sous l'influence de rabbins, contre la volonté du défunt.

Ancien capitaine de l'équipe nationale et premier joueur israélien a avoir évolué en Angleterre, Avi Cohen (54 ans) s'est tué à Tel-Aviv dans un accident de moto. Après plusieurs jours de coma, les médecins ont diagnostiqué sa mort cérébrale.

Bien que le défunt détenait une carte de donneur, les membres de sa famille, sous la pression de rabbins ultra-orthodoxes, ont finalement refusé d'autoriser les médecins à prélever ses organes.

Cette décision a déclenché un débat passionné en Israël, où 10% seulement des personnes acceptent qu'on prélève leurs organes en cas de décès, très en deçà de la moyenne des pays occidentaux.

Les ultra-orthodoxes affirment qu'une personne est toujours en vie tant que le coeur bat, l'arrêt des fonctions cérébrales ne suffisant pas à constater un décès, précise Daniel Sperling, un universitaire expert en éthique médicale. Or attendre que le coeur cesse de battre rend impossible ou presque toute transplantation.

Pour tenter de surmonter ce problème, une loi définissant la mort par l'arrêt de l'activité cérébral a récemment été adoptée. Mais pour que la loi obtienne l'accord des rabbins, il a fallu mettre en place une lourde procédure.

"Seuls des médecins spécialement formés peuvent déclarer que l'activité cérébrale a cessé et ils doivent suivre des cours spéciaux auprès de 10 experts, dont trois rabbins", ajoute Daniel Sperling. La mort cérébrale doit être constatée par un équipement médical onéreux faisant défaut dans la plupart des hôpitaux israéliens.

Des rabbins plus modérés, y compris le Grand Rabbin sépharade (juifs orientaux) Shlomo Amar soutiennent les nouvelles dispositions. Mais des rabbins ultra-orthodoxes influents ont maintenu leur veto, d'où le faible taux de volontaires et le nombre important de cas dans lesquels la famille passe outre les voeux du défunt, poursuit Daniel Sperling. Une centaine d'Israéliens meurent chaque année faute d'avoir pu trouver un donneur compatible.

"Protéger la vie d'un juif qui a subi des dommages cérébraux irréversibles est devenu plus important pour ces personnalités irresponsables que sauver des vie d'être humains, juifs ou non-juifs", a critiqué dans un éditorial cette semaine le quotidien Jerusalem Post.

Le vice-ministre de la Santé Yaacov Litzman, lui même un ultra-orthodoxe, refuse de soutenir le don d'organes. "Il y a différentes opinions concernant la mort cérébrale", a-t-il expliqué pour justifier son refus de porter une carte de donneur.

Dans l'autre camp, les partisans du don d'organes ont proposé une série de réformes, allant pour certains jusqu'à appeler à réserver les organes aux seuls détenteurs d'une carte de donneur.

Sans être prêtes à recourir à une mesure aussi radicale, les autorités israéliennes ont décidé d'accorder à titre expérimental durant une période d'essai de deux ans la priorité dans les listes d'attente aux patients porteurs d'une carte de donneur. "Cela pose toutefois un véritable problème car la règle générale en médecine pour la répartition des organes est qu'ils doivent être utilisés en priorité pour ceux qui en ont le plus besoin", souligne Daniel Sperling.

Et en France?

Depuis les lois bioéthique de 1994 et leur révision de 2004, le cadre juridique du don d'organe en France se fonde sur le consentement présumé. La loi précise: « si le médecin n’a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s’efforcer de recueillir auprès de ses proches l’opposition au don d’organes éventuellement exprimée de son vivant par le défunt, par tout moyen ».

En pratique, malgré ce consentement présumé en l'absence d'opposition de son vivant, l'équipe médicale ne va jamais à l'encontre de la famille.

Les autorités juives de France, comme les autres chefs religieux, sont dans l'ensemble favorables à la transplantation. Lors des auditions autours des lois bioéthique, le Grand rabbin de France déclarait: « La greffe se heurte à deux interdictions de la religion juive : ne pas porter atteinte au cadavre et ne pas tirer profit du cadavre. Mais il a été admis que l’on pourra enfreindre ces deux interdictions quand il s’agira de sauver une vie humaine. »

Rédaction ActuSoins, avec AFP (Gavin RABINOWITZ)

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