Infirmier stagiaire à Bobo-Dioulasso (13)

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Vincent Marion, étudiant infirmier en deuxième année à l'IRFSS de la Croix Rouge de Saint-Etienne est parti du 18 mars au 23 avril en stage dans un centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso). De jour en jour, il a rédigé un journal que nous publions. Passionnant et instructif !

Le 10 avril 2014

Infirmier stagiaire à Bobo-Dioulasso (13)

©Vincent Marion

Pour le dernier jour de stage en médecine, j’ai fait la garde de nuit avec Marie-Liesse. Il y avait un étudiant infirmier Burkinabé avec nous et deux infirmiers titulaires, Monsieur A et Monsieur T.

C’était la première nuit que je passais au CMA, à ma demande, pour voir tous les aspects de la prise en charge.

Première surprise, les accompagnant des patients présents dans la journée pour dispenser les soins d’hygiène et de confort sont aussi sur place la nuit. On peut dire pratiquement qu’ils sont co-hospitalisés aussi longtemps que le malade qu’ils assistent.

Tout ce petit monde s’installe pour dormir là ou il y a de la place. Au mieux, sur les lits vides quand il y en a, sinon par terre sur une natte, dans les couloirs ou entre les lits. Il faut donc slalomer et ne marcher sur personne lorsque l’on fait les soins.

Dormir, c’est un bien grand mot pour les patients comme pour les accompagnant. Première raison, chaque malade a dans ses affaires tous les produits qu’il a achetés pour les soins. Les soignants ne se servent jamais dans les affaires des malades (pour ne pas être accusés de vol), il faut donc réveiller le patient ou son accompagnant à chaque passage (entre 1 et 4 fois dans la nuit) pour prendre ce dont nous avons besoin.

La deuxième raison pour ne pas dormir, c’est qu’il y a dans chaque chambres une vingtaine de personnes (hommes, femmes et marmaille), qui partagent tout. Les bruits, les cris, les pleurs, la lumière (jamais éteinte), le passage incessant des soignants et l’agitation liée à l’urgence.

[dropshadowbox align="none" effect="lifted-both" width="autopx" height="" background_color="#ffffff" border_width="1" border_color="#dddddd" ]"Les accompagnant des patients présents dans la journée pour dispenser les soins d’hygiène et de confort sont aussi sur place la nuit. On peut dire pratiquement qu’ils sont co-hospitalisés aussi longtemps que le malade qu’ils assistent."[/dropshadowbox]

Concernant l’urgence nous avons été bien servis cette nuit. Vers 01h00, un accompagnant est venu nous chercher dans la salle de garde. Monsieur A, l’infirmier, se lève en me disant : « qu’est ce qu’ils sont pénibles ce soir ».

Je l’accompagne avec Marie-Liesse. Arrivés au pied du lit, nous constatons que le patient est en arrêt cardio-respiratoire. «Il faut masser » nous dit l’infirmier. Je masse environ deux minutes et le cœur repart. « Bon, c’est bien » dit l’infirmier en tournant les talons. Nous repartons dans la salle de garde sans instaurer de surveillance particulière. L’incident sera simplement noté dans le dossier du patient !

La seconde urgence de cette nuit de garde va probablement rester longtemps bien présente dans ma mémoire. Elle concerne une jeune patiente qui se prénomme Orokia.

Orokia souffre d’une insuffisance cardiaque. Elle a 19 ans et un enfant. Elle n’est évidemment pas suivie par un cardiologue, puisque d’une part il n’y en a pratiquement pas dans la ville et que d’autre part elle n’a pas les moyens de payer.

Depuis quelques jours, elle est essoufflée au moindre effort. Elle est allée consulter dans un centre de soins, puis dans une fondation médicale avant d‘échouer cette nuit au CMA.

L’admission a dit à ses parents, qui l’accompagnent, que son cas doit être pris en charge au CHU. Ils ont refusé catégoriquement son transfert en expliquant qu’ils ne pourront pas payer. Elle est donc envoyée dans le service de médecine où je fais la garde.

Le père ne veut payer aucun soin. Il dit qu’il n’a pas les moyens. Monsieur A, l’infirmier, négocie longtemps sans succès, puis proteste en disant que le CMA n’est pas un mouroir.

Le père campe sur sa position et finit par dévoiler sa vision de la situation : Sa fille est malade depuis qu’elle s’est fait poser un implant contraceptif. C’est clair et net, il n’y a pas d’autre cause. Le seul traitement dont elle a besoin, c’est qu’on lui enlève cet implant.

Pendant que le temps passe, la décompensation cardiaque d’Orokia dégénère en œdème aigu du poumon. Elle a de plus en plus de  difficultés à respirer et commence à étouffer. Dans la chambre, les autres malades et leurs accompagnant (environ vingt personnes) regardent attentivement ce spectacle désolant. Je pense qu’à cet instant tous se demandent comme moi, passera-t-elle la nuit ou pas ?

Pour finir c’est un ami de la famille, qui étant sur place, donne l’argent pour faire les examens prescrits et acheter le traitement diurétique qui doit permettre la régression de l’œdème.

Vincent Marion

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Réactions

1 réponse pour “Infirmier stagiaire à Bobo-Dioulasso (13)”

  1. merci pour nous faire partager cette expérience

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