Zonage infirmier : les restrictions à l’installation fonctionnent mieux que les incitations

Zonage infirmier : les restrictions à l’installation fonctionnent mieux que les incitations

Zonage infirmier : les restrictions à l'installation fonctionnent mieux que les incitations
© Delpixart / iStock

Une récente étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) montre que les mesures visant à limiter les installations d’infirmiers libéraux (Idel) dans les zones sur-dotées et à inciter ces derniers à s’installer dans les zones sous-dotées produisent les effets escomptés et favorisent leur meilleure répartition territoriale.

L’étude publiée récemment par l’IRDES et pilotée par la démographe Fanny Duchaine, a consisté à observer l’évolution des dynamiques d’installation des Idel entre 2006 et 2016, c’est à dire avant et après la mise en place officielle du « zonage infirmier » sur l’ensemble du territoire, en 2012.

Ce zonage (modifié en 2020) sert de cadre aux mesures de restriction à l’installation dans les zones sur-dotées (les Idel ne peuvent s’installer que si un autre infirmier libéral quitte le territoire) et aux incitations financières pour favoriser celle d’Idel dans les zones sous-dotées.

Sans surprise, cette étude montre que les mesures restrictives « ont effectivement restreint les installations dans les zones les plus dotées, explique Fanny Duchaine. Mais on a observé plutôt une stagnation de la densité globale des Idel* dans ces zones et une baisse de la densité des infirmiers de moins de 40 ans (les plus concernés par les installations, NDLR). Nous faisons l’hypothèse que c’est lié au zonage ».

Stagnation en zones sur-dotées

Dans les zones intermédiaires, la densité a continué de progresser de manière assez constante, « bénéficiant probablement, peut-on lire dans l’étude, des restrictions dans les zones sur- dotées ».

Ces zones où aucune mesure ni incitative ni restrictive ne s’applique, font office, dans l’étude, de « zones témoin » et donc d’indicateur du niveau de croissance qui aurait pu avoir lieu dans les zones sous dotées, ajoute-t-elle.

Or dans ces zones très sous-dotées, justement, la chercheuse observe une accélération de la croissance de la densité d’Idel et donc un effet positif mais « plus modeste des mesures mises en place » pour inciter aux installations.

Globalement, les évolutions de ces différents types de zones « traduisent une convergence entre les territoires : l’écart entre les moyennes des territoires très sous-dotés et sur-dotés s’est réduit de moitié entre 2006 et 2016 », souligne l’étude.

Même si l’accessibilité moyenne à une Idel est « 6,6 fois plus élevée dans les 10 % de zones les mieux dotées comparativement aux 10 % les moins bien dotées », comme l’indiquait en 2021 une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), le « zonage infirmier » et les mesures afférentes permettent donc bien de réduire significativement les inégalités d’accès aux 135 000 infirmières installées en libéral. Mais cela ne suffit apparemment pas.

Peu de reports

« Des rapports de l’Assemblée nationale et du Sénat ont montré que les installations qui n’avaient pas lieu dans les zones sur-dotées ne se reportaient pas forcément sur les zones sous-dotées. D’autres déterminants comme les conditions de vie et d’exercice jouent, remarque Fanny Duchaine. Il y a donc d’autres leviers à activer » pour favoriser encore plus le report sur les zones les moins dotées. Exercice en groupe, présence d’un médecin sur le territoire, attractivité globale du territoire sur le plan scolaire, des loisirs et de l’emploi pour le conjoint en font partie.

Il faut aussi noter que cette évolution se déroule dans le contexte particulier d’une forte augmentation du nombre d’Idel en activité (+54,8% entre 2006 et 2016) et de la densité globale des Idel sur le territoire de (+ 44,2%), en particulier chez les moins de 40 ans (+58%).

L’étude de l’Irdes a aussi permis de confirmer les résultats d’autres travaux montrant que les Idel « modifient la structure de leur activité en fonction de la demande », peut-on lire dans l’étude.

En effet, ils pratiquent une proportion plus importante d’actes infirmiers de soins (AIS) dans les zones sur-dotées. Aussi, le nombre d’actes médico-infirmiers (AMI) par habitant « tend à être plus important et à progresser plus rapidement lorsque la densité augmente dans les territoires les moins dotés », ce que la démographe analyse comme le « signe d’une meilleure réponse au besoin ».

Le « zonage infirmier » impacte donc significativement la part d’AMI, conclut l’étude, un peu moins les AIS, dont l’évolution est plus sensible à la concurrence entre les infirmiers et entre les Idel et les autres services susceptibles d’en réaliser. L’ensemble de ces analyses aurait intérêt à se poursuivre alors qu’un nouveau zonage est en vigueur depuis 2020.

Géraldine Langlois

*Nombre d’infirmiers libéraux pour 100 000 habitants

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