Les insultes et menaces qu’a reçues Rémi Kasprzyk, l’un des coordonnateurs d’un centre de vaccination à Valenciennes et infirmier libéral, de la part d’internautes sur les réseaux sociaux et d’un militant antivax dans deux vidéos, sont très violentes.
L’élément déclencheur de cette vague d’attaque malveillante : la visite… du père Noël au centre de vaccination en question pour distribuer des petits cadeaux aux enfants amenés par leurs parents pour être vaccinés.
Les responsables du centre de vaccination avaient conçu cette opération, explique Rémi Kasprzyk, « pour rendre l’ambiance plus sympathique » lors de l’ouverture de la vaccination aux 5-11 ans, le 15 décembre, parce que « se faire vacciner, ce n’est pas forcément quelque chose de génial » pour les enfants.
A la fin de la journée, « tout le monde était content, tout s’était très bien passé », se rappelle l’infirmier. Mais sur les réseaux sociaux, certaines personnes opposées à la vaccination postent des « commentaires abjects, horribles » sous les publications sur cet événement, raconte-t-il.
Il reçoit des insultes et des menaces de mort sur différentes messageries.
Extrême violence
Ensuite, ça a « dégénéré ». Gabin Formont, à l’origine pendant la crise des Gilets jaunes d’un site présenté comme un “média citoyen”, aujourd’hui militant anti-masque et antivax, a publié à quelques jours d’intervalle sur une plateforme anti-« censure » deux vidéos dans lesquelles il tient des propos très violents.
Pendant une heure et demie dans la première vidéo et 40 minutes dans la seconde, cet homme s’en prend au centre hospitalier de la ville, qui gère ce centre de vaccination et à Rémi Kasprzyk.
Il incite les personnes en accord avec ses idées à venir manifester au centre de vaccination de l’hôpital et à saturer leurs standards téléphoniques et il formule des insultes, des accusations et des menaces très graves contre la personne de l’infirmier.
Selon Gabin Formont, la visite du père Noël est une « manipulation », animée par les pires intentions, pour attirer les enfants vers la vaccination, à laquelle il est radicalement opposé. Dans la seconde, il vise directement l’infirmier, affiche plusieurs fois son profil Facebook avec sa photo, l’insulte et le menace, ainsi que son épouse, pourtant aucunement concernée par le sujet.
Il vise également l’engagement de l’infirmier au sein d’un comité de soutien à la réélection d’Emmanuel Macron, qui n’a également aucun rapport. L’incitation à la haine est claire…
Quand Rémi Kasprzyk découvre ces vidéos, le 17 décembre, il est d’abord « sidéré » par la nature des propos tenus sur la vaccination. « J’étais partagé entre l’écoeurement, la colère et la stupéfaction, raconte-t-il. Je me suis dit que ce n’était pas normal qu’on puisse s’attaquer ainsi à des soignants qui vaccinent. Si on en arrive là, alors qu’il y a deux ans, on nous applaudissait, c’est qu’il y a un vrai souci dans la société. »
Lui qui ne mêle pas ses convictions politiques avec son activité professionnelle ne pensait « pas qu’on puisse être attaqué aujourd’hui sous prétexte qu’on a un engagement politique et qu’on est investi dans une campagne de santé publique ».
Selon l’infirmier, certains expriment aujourd’hui leur opposition au gouvernement à travers leur opposition à la vaccination : « on mélange tout ! ». Lui qui se dit attaché à la liberté d’expression et au droit de dire qu’on n’est pas d’accord, observe que « cela devient compliqué et dangereux. »
Deux plaintes
Soutenu par l’Ordre départemental des infirmiers et l’Agence régionale de santé des Hauts-de-France, mais aussi par de nombreux confrères, consoeurs et particuliers anonymes, Rémi Kasprzyk a finalement déposé deux plaintes le 17 décembre.
Une contre X, relative aux commentaires haineux postés sous les publications, en tant que président de l’association des infirmiers libéraux du Hainaut et vice-président de CPTS, et l’autre, en son nom, contre l’auteur des vidéos, les deux pour diffamation et provocation aux crimes ou délits non suivie d’effet. Le parquet de Guéret (Creuse) est saisi de l’affaire.
L’infirmier espère « qu’il y aura des suites, non pas pour moi – je m’en fiche – mais vis-à-vis du corps soignant », et que cela « calmera » les attaques des antivax contre les professionnels de santé qui la pratiquent.
Selon lui, ces attaques ont pris des proportions très importantes. « Petit à petit, on n’arrive plus à dialoguer avec les gens, déplore Rémi Kasprzyk. On n’est plus dans le débat, l’explication scientifique mais dans la croyance. » S’il se constate « impacté », l’infirmier se dit « déterminé ». « Cela me conforte, confie-t-il, dans l’idée qu’il faut vacciner et ne pas avoir peur, ne pas se laisser impressionner. »
Géraldine Langlois
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