Urgences vitales : Quelles conduites à tenir pour les infirmiers ?

Urgences vitales : Quelles conduites à tenir pour les infirmiers ?

Du nouveau dans la prise en charge des urgences vitales par un infirmier seul ? C’est en tout cas le souhait de la société française de médecine d’urgence, qui vient d’éditer une série de recommandations de prise en charge des principales situations de détresse.

Urgences vitales : Quelles conduites à tenir pour les infirmiers ?Que faire lorsqu’on est infirmier du travail, en EHPAD ou en libéral, en attendant un moyen de secours médicalisé ? Quels gestes réaliser en plus des manoeuvres secouristes “classiques” ?

Cette question, bon nombre de professionnels se la sont déjà posés. Et pour cause : si le code de la santé publique autorise un IDE à décider “des gestes à pratiquer en attendant que puisse intervenir un médecin”, le manque de connaissances pratiques ou théoriques, la multiplicité des procédures locales rendent toute initiative complexe.

Dirigée par un infirmier anesthésiste et composée de nombreux professionnels médicaux et infirmiers de l’urgence, la commission d’experts à l’origine de ces recommandation s’est appuyée sur des bases scientifiques faisant consensus pour établir une liste de propositions de conduites à tenir infirmières face à une urgence vitale.

Des actions infirmières spécifiques

Plusieurs situations de détresse sont traitées, de l’accouchement inopiné à domicile à l’arrêt cardio respiratoire, en passant par la détresse respiratoire, l’antalgie ou le coma hypoglycémique.

Pour chaque situation, les auteurs du texte proposent des éléments de “bilan infirmier”, des “actions et actes infirmiers” ainsi que les éléments de surveillance associés.

Parmi les actions proposées, on retrouve l’administration d’un aérosol de bêta 2 mimétiques chez l’asthmatique connu, l’injection d’adrénaline en cas d’arrêt cardio respiratoire en cas de rythme non chocable ou l’administration intraveineuse de G30% sur une hypoglycémie sévère.

Ces conduites à tenir font aujourd’hui l’objet d’un large consensus au sein de la communauté de l’urgence. Reste que proposer la réalisation de ces actes par des infirmiers (en attendant un moyen médicalisé et sous couvert du soutien du médecin régulateur SAMU), témoigne d’une évolution importante des mentalités. On est loin des réticences du début des années 2000, où mettre à disposition des secouristes des défibrillateurs semi-automatiques était considéré comme une hérésie par certains…

Un problème de taille demeure toutefois: Ces procédures d’urgence ne sont utiles que si les gestes secouristes “de base” sont réalisés. Avant d’injecter de l’adrénaline, il est nécessaire de reconnaître un arrêt cardio-respiratoire et de maitriser l’algorithme de réanimation cardio pulmonaire… Un travail de longue haleine, donc, mais un challenge passionnant.

Thomas Duvernoy

Cinq questions à Yvon Croguennec, infirmier anesthésiste président du comité d’organisation :

Quel constat à l’origine de ces recommandations ?

Lors de son exercice professionnel un infirmier diplômé d’état (IDE) peut être confronté à une situation inopinée de détresse médicale sans qu’un médecin ne soit présent sur le lieu même si dans le système de santé français le recours à un médecin urgentiste est possible 24 heures sur 24 par le biais du centre de réception et de régulation des appels.

Il peut donc être amené à effectuer des gestes complémentaires au secourisme afin de préserver le pronostic vital et/ou fonctionnel. Il n’y avait jusque-là aucune recommandation professionnelle et les pratiques locales étaient très hétérogènes. Différents articles du décret de compétences inscrits dans le code de santé publique rappellent le rôle propre, les actes sous prescriptions médicales et les protocoles de soins d’urgence.

Avez-vous rencontré des obstacles ou des réticences lors de l’élaboration de ce texte ?

Dès lors que la médecine basée sur les preuves servait de cadre à notre écriture, il a fallu établir des recommandations en fonction des données de la science et les avis d’experts et non pas en fonction de « l’habitude ». Le recours possible à l’avis du médecin régulateur a permis de donner du contenu à ces recommandations.

Quel est le poids de ces recommandations face au code de la santé publique ? 

Le code de santé publique fait référence à l’urgence dans l’article R.4311-14 dans son deuxième alinéa. Jusqu’à maintenant l’IDE agissait face à une urgence inopinée pour éviter la non-assistance à personne en danger.

Ces recommandations, qui je l’espère seront déclinées en protocoles, lui permettent de baser son action sur la science.  Par exemple ces recommandations permettent des actions immédiates pour la prise en charge de l’arrêt cardiaque qui ne souffre d’aucun délai de prise en charge (Adrénaline sur choc non conseillé ou sur fibrillation réfractaire après le troisième choc). Pour une prise en charge de la douleur l’utilisation de la morphine est recommandée après avis avec un médecin régulateur.

Est-ce la fin du conflit ISP protocolés  / SAMU ? 

La pierre d’achoppement n’est pas une divergence scientifique mais est essentiellement basée sur les conditions d’exercice. La SFMU inscrit ces recommandations dans le cadre du rôle essentiel de la régulation médicale du SAMU dans l’organisation des secours préhospitaliers. Ces premières recommandations appellent à la réalisation de protocoles de recherche pour les faire évoluer.

Comment envisagez-vous la formation des IDE pour intégrer ces conduites à tenir ?

Le programme d’universitarisation des études d’infirmière a déjà intégré une unité d’enseignement de soins d’urgence (UE 4.3). La prise en charge de l’urgence inopinée, rare par définition, va imposer comme le dit le professeur SCHMITT président de la SFMU « de gros efforts d’investissement en termes de formation initiale des IDE au sein des instituts de formations en soins infirmiers (IFSI), et dans l’immédiat, la mise sur pied de sessions de formations qui pourraient s’appuyer sur les centres d’enseignement des soins d’urgence (CESU) ».

Cependant ces recommandations sont un cadre dans lequel chaque institution peut puiser pour rédiger des protocoles en fonction de sa situation, de la formation de ses IDE. Des protocoles différents inspirés de ces recommandations émergeront pour des IDE exerçant dans des circonstances différentes : en milieu de travail, infirmier sapeur pompier, IDE dans une EPHAD ou sur un terrain militaire…

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