Témoignage : les galères d’une infirmière libérale en invalidité

Témoignage : les galères d’une infirmière libérale en invalidité

Nathalie U. exerçait comme infirmière libérale à Quimper depuis dix ans jusqu'à une grave opération pour deux hernies cervicales et la pose de prothèse disques vertébraux en 2013. Depuis c'est une course du combattant pour cette infirmière entre indemnités d'invalidité - elle avait été prévoyante et pris une assurance complémentaire - administrations kafkaïennes, recherche de financement pour une reconversion,...

infirmières-libérales-250x208“Je veux retravailler, j’ai de l’énergie”, affirme cette infirmière de 44 ans, divorcée, et mère de deux enfants. De l’énergie mais jusqu’où ?

Après un diplôme de l’AP-HP en 1996 et une dizaine d’années comme infirmière dans des cliniques privées, Nathalie U s’est installée comme infirmière libérale à Quimper.

” Je ne comptais pas mes heures, je soignais, soulageais, apaisais et accompagnais de nombreux patients. Je soulevais, installais, soutenais seule des patients jusque 90 kg”, raconte-t-elle.

C’étais jusqu’en 2013 : “je me suis faite opérer de deux hernies cervicales avec compression de la moelle épinière.. in extremis, je frôlais la tétraplégie. Après deux opérations je porte 4 prothèses de disques vertébraux, je suis handicapée, je ne peux plus porter de charges lourdes”.

En arrêt maladie depuis septembre 2013, elle commence à se renseigner auprès des organismes (Urssaf, Carpimko,…) et de son assurance complémentaire.

L’assurance complémentaire : nécessaire et indispensable

Prévoyante, elle avait souscrit une assurance complémentaire auprès la MACSF car, faut-il encore le rappeler, la Sécurité Sociale ne verse aucune indemnités en cas de maladie professionnelle pour les libérales. Elles risquent même de payer les frais liés à la maladie professionnelle, non couverts par la Sécu. Il est vrai que Nathalie U. payait 48 euros par an d’assurance maladie, cotisation calculée sur ses honoraires conventionnés.

Son assurance lui verse ainsi des indemnités pendant les trois mois de carences de la Carpimko (caisse obligatoire pour les libéraux), puis un petit complément.

“Je souhaitais faire rapidement une cessation d’activité, mais j’en ai été dissuadée… Je ne peux prétendre à aucune aide, juste le RSA.  Aujourd’hui je suis prête pour une reconversion vers un DIU Santé au Travail, je recherche un financement pour mon année d’étude, pour le coût (3 500 euros), et une rémunération pendant cette année. Je pense faire une cessation d’activité en septembre 2015, m’inscrire à Pôle Emploi,…”, raconte-t-elle.

Du fait de son statut de travailleur handicapé, elle sollicite la Région Bretagne. La Région refuse son dossier, le DIU Santé au Travail ne rentrant pas dans leur grille de prise en charge. Pôle Emploi se cale sur la Région.

“Pas de financement, pas de rémunération, pas de reconversion possible pour moi”, s’exclame-t-elle.

Elle écrit à l’Ordre infirmier, sans succès, aux élus locaux,…

Après avoir toqué à de nombreuses portes, le Fonds Interprofessionnel de Formation des Professionnels Libéraux (FIFPL) lui accorde 2 000 euros, à percevoir à la fin de la formation !

Quand les impôts confondent indemnités d’invalidité et chiffre d’affaires

Au moment de la déclaration d’impôts, Nathalie U. se penche sur la déclaration des indemnités d’invalidité totale de la profession d’infirmière libérale versés par la Carpimko.

C’est là ou le bât blesse fort. Depuis janvier 2015, ces indemnités doivent apparaître “dans la 2035”, la déclaration spécifique aux libérales. Ces indemnités sont donc considérées comme un chiffre d’affaires !

“Ce qui veut dire que mon bénéfice est énorme car, étant en arrêt, je n’ai pas beaucoup de charges. Je dois donc environ 4 000 euros d’URSSAF, car ils se basent sur mon bilan. De plus, mes indemnités d’invalidité ne sont pas considérées comme « honoraires conventionnés », alors qu’elles sont versées par un organisme obligatoire, la Carpimko. L’Assurance maladie me réclame donc 4 800 euros de cotisations, au lieu des 48 euros que je pensais verser”, se désespère-t-elle.

“Si je pointe à Pôle Emploi je serais en recherche d’emploi sans indemnités, je n’aurais pas le droit à la reconversion, je percevrais le RSA..“,résume Nathalie U.

“Je dois déjà me battre contre le handicap, la douleur, la déprime pour reprendre une activité professionnelle adéquate, je suis fatiguée. Mais là je vais prendre toute l’énergie qu’il me reste pour dénoncer le fait qu’il ne faut pas être handicapée et infirmière libérale. Croyez vous que libérale veut dire compte en Suisse ou comptes bancaires sans fond ? Non !”, conclut-elle.

Propos recueillis par Cyrienne Clerc