« Lors des travaux menés pour la mise en place de la réforme des études en soins infirmiers, auxquels nous avons participé, l’ensemble des acteurs en présence se sont entendus pour dire qu’il fallait garder le profil actuel des étudiants », explique Martine Sommelette, présidente du Comité d’entente des formations infirmières et cadres (Cefiec).
Cela implique un pourcentage d’étudiants néo-bacheliers et des personnes en reconversion professionnelle, généralement des aides-soignantes et des auxiliaires de puériculture, mais aussi des personnes qui ne sont pas issues du milieu de la santé et qui souhaitent changer de métier. « Nous ne voulions par que ParcourSup privilégie un type d’étudiants, ajoute-t-elle. La diversité est très intéressante pour nos formations en santé car elle permet un mélange harmonieux d’étudiants au sein d’une promotion, avec des âges divers, qui contribuent à une approche de réflexion et de maturation intéressante pour une dynamique de groupe. »
« Le maintien de cette deuxième voie d’accès était important pour la diversité des profils au sein de la formation, poursuit Bilal Latreche, président de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi). De même qu’une réforme ne doit pas bloquer l’accès à un type de profil. »
Incompréhension sur les quotas
Néanmoins, la publication de l’arrêté en décembre a soulevé son lot d’interrogations. « Une distinction est apparue, avec le texte, entre deux types de candidats », pointe du doigt Martine Sommelette. D’un côté, ceux qui viennent tout juste d’avoir le baccalauréat et qui vont candidater via ParcourSup et de l’autre, ceux qui relèvent de la promotion professionnelle lorsqu’ils ont eu un emploi et qu’ils peuvent justifier de trois ans de cotisations professionnelles.
Ces derniers font partie du quotta des 33 %. Le Cefiec dénonce cette répartition. « Si nous sommes dans une logique d’évolution de la promotion, autant y être jusqu’au bout et faire en sorte que tous les titulaires du baccalauréat passent par ParcourSup, même ceux ayant déjà travaillé », souligne Martine Sommelette. Dans ce cadre, seuls les non-bacheliers passeraient par la voie 2 qu’est promotion professionnelle, de cette manière, le quota pourrait être maintenu à 25 % environ, comme jusqu’à présent.
« Ce qui nous a également questionné, c’est l’usage du mot ″minimum″ de 33%, reconnaît la présidente du Cefiec. Néanmoins, le texte précise que si le quota n’est pas atteint, il est possible de compléter par des personnes de ParcourSup. »
La Fnesi se dit également surprise par rapport à la formulation employée dans l’arrêté. « Certes il est important de maintenir les différentes voies d’accès mais nous n’avons pas compris comment la base maximum de 33 % est devenue la base minimum », indique Bilal Latreche.
Et de poursuivre : « Nous nous sommes trouvés face à une incompréhension concernant ce vers quoi les tutelles veulent tendre. Dans les faits, le quota de 25 % de promotion professionnelle n’était déjà pas tout le temps atteint. De ce fait, pourquoi imposer les 33 %. Pourquoi ne pas instaurer une fourchette ? » Il a été expliqué que l’objectif, avec ce quota minimum, était d’éviter de bloquer certains candidats dans certaines régions. « Mais pourquoi prendre une exception pour en faire une généralité », s’interroge Bilal Latreche.
L’Association nationale des directeurs d’école paramédicale (ANdEP) a aussi exprimé son étonnement. « En tant que directeurs, nous nous interrogeons sur la façon dont nous allons pouvoir atteindre ce quota, fait savoir Florence Girard, présidente. Fort heureusement, les places inoccupées pourront l’être par ParcourSup. »
Faut-il craindre moins d’exigence lors de l’examen des dossiers pour atteindre les 33 % ? « Non, je ne le pense pas, ajoute-t-elle. L’exigence de la sélection doit être à la hauteur des capacités attendues chez un candidat qui entreprend la formation d’infirmier quelque soit son origine. » Même point de vue pour le Cefiec : « la sélection des candidats qu’elle soit par ParcourSup ou par épreuve se fera sur le même calendrier, indique Martine Sommelette. De plus, le comité d’évaluation des vœux et le jury de sélection se réaliseront en même temps par territoire universitaire et non par Ifsi. Il me paraît peu probable que les Ifsi soient tentés par un tel calcul. »
Tirer la formation vers le bas ?
Florence Girard s’inscrit par ailleurs en faux contre ceux qui estiment qu’un plus haut quota d’étudiants issus de la formation professionnelle continue entraînerait un nivellement par le bas de la profession. « C’est du corporatisme dépassé et ce n’est pas notre façon de voir les choses », maintient-elle, assurant que c’est la formation qui fait la qualité du professionnel.
« Dire que ce quota va tirer la formation vers le bas, c’est faire un raccourci, renchérit Bilal Latreche. Il ne faut pas uniquement prendre des profils scientifiques. La richesse de la formation repose sur la diversité des profils. Néanmoins, si demain, il y a une volonté d’augmenter considérablement la voie 2 et de diminuer la voie 1, on va perdre l’équilibre. Il faut parvenir à le maintenir. »
Cependant, « le problème que peut poser ce quota, c’est que certaines personnes de la promotion professionnelle peuvent avoir besoin d’un soutien particulier, indique Florence Girard. Beaucoup sont sortis du système scolaire depuis un certain temps, et peuvent se trouver en difficulté au niveau de certains enseignements. Les aides-soignantes le disent elles-mêmes. » Les directeurs d’écoles réfléchissent à la mise en place d’un soutien pédagogique un peu plus particulier pour ces profils qui seront désormais plus nombreux. « Il peut aussi y avoir des bacheliers en difficulté, les ″oui si″, rapporte Florence Girard. Pour eux aussi il va falloir du soutien. Mais il ne pourra pas se faire à moyen constant. »
Quels financements ?
La question du financement a d’ailleurs été mainte fois soulevée. « L’arrêté et les textes mentionnés ne font pas mention d’une prise en charge financière par un établissement ou un Organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) », fait savoir Florence Girard. L’ANdEP s’interroge, tout comme la Fnesi, sur une éventuelle action des régions pour augmenter la part de la promotion professionnelle pour ainsi diminuer leur versement des financements au titre des subventions de fonctionnement des Ifsi pour les personnes en poursuite d’études. Car les régions n’interviennent pas pour la formation continue. Mais alors qui financerait les études des personnes en promotion professionnelle ?
Une concertation va avoir lieu dans les prochains jours. « Les sujets vont être mis sur la table, fait savoir Bilal Latreche. Nous devrions avoir des réponses pour comprendre ces changements et les objectifs. »
« Il faut que les personnes en reconversion professionnelle puissent avoir des réponses concrètes concernant le financement de leur formation afin qu’elles puissent se lancer dans leurs études de manière sereine », estime Florence Girard. Elle considère néanmoins qu’il faut attendre que les choses se mettent en place afin d’avoir les premières réponses.
« On est dans un changement important et il y a encore beaucoup d’incertitudes pour lesquelles nous aurons peut être des réponses lorsque la première sélection aura eu lieu. » Les premières inscriptions sur ParcourSup vont avoir lieu le 20 janvier. Les étudiants auront jusqu’au 15 mars pour formuler leurs vœux et au 3 avril pour finaliser leur dossier. Le calendrier pour les autres listes se met en place en parallèle et devrait être connu au 20 janvier.
Laure Martin
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