Prévention des affections respiratoires : ces infirmiers au chevet de l’air intérieur

Prévention des affections respiratoires : ces infirmiers au chevet de l’air intérieur

Beaucoup de conseillers médicaux en environnement intérieur, qui œuvrent à la prévention, à domicile, des affections liées à une mauvaise qualité de l’air intérieur, sont des infirmiers. Le développement de ce métier a beau être préconisé par les différents plans nationaux santé-environnement, ces conseillers sont encore peu nombreux. Leur rôle, pourtant essentiel, est mal connu. 

Cet article a été publié dans le n°50 d’ActuSoins magazine (septembre-octobre-novembre 2023).

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conseillers médicaux en environnement intérieur
Les conseillers examinent visuellement les murs, les sols, les plafonds, les fenêtres, à la recherche de traces de moisissures, d’humidité mais aussi de sources de composés organiques volatils (COV). © Andrey Popov / ShutterStock

 

Les conseillers médicaux en environnement intérieur (CMEI), conseillers habitat-santé ou en santé environnementale en milieu intérieur (SEMI) constituent un groupe professionnel relativement restreint – à peine quelques centaines de personnes dont une part importante d’infirmiers et d’infirmières.

Leurs missions : conseiller les occupants d’espaces intérieurs pour améliorer la qualité de l’air qu’ils respirent et agir en prévention primaire ou secondaire de pathologies respiratoires.

Lorsque des patients présentent un asthme, certaines allergies ou certaines pneumopathies qui ne sont pas stabilisés par le traitement, de même que des affections récurrentes, les médecins généralistes et spécialistes peuvent, avec le consentement du patient, prescrire la visite d’un conseiller spécialisé à leur domicile.

Selon les régions, les prescriptions transitent par des structures qui conventionnent avec ces conseillers ou des plateformes réunissant plusieurs de ces structures. Les conseillers des secteurs géographiques concernés peuvent ainsi les réaliser.

Conseiller Médical en Environnement Intérieur : sur prescription médicale

« La prescription permet d’orienter nos recherches », indique Anne-Catherine Barlier, infirmière libérale et CMEI. Même si l’attention des CMEI se porte sur tous les éléments qui peuvent affecter la qualité de l’air dans un logement (ou, parfois, un espace de travail), savoir qu’un patient présente une allergie aux acariens, par exemple, est particulièrement utile.

Avant la visite à domicile, par téléphone, « on recontextualise la visite avec le patient, explique Émilie Hecquet, infirmière, CMEI et responsable du pôle « habitat santé » de l’association pour la prévention de la pollution atmosphérique (Appa), à Lille. Cela permet de percevoir énormément de choses et parfois de réajuster ses attentes. » La visite d’un CMEI n’est pas destinée à régler un litige entre un locataire et un propriétaire ou un bailleur social.

La visite, le jour convenu, peut durer une heure et demie. Avant de passer faire le tour du logement avec la personne, le conseiller échange avec elle sur ses habitudes de vie. Fume-t-elle ? Comment entretient-elle son logement ? Comment et à quelle fréquence aère-t-elle les pièces ? Comment le logement est-il chauffé ?

Ensuite, conseiller et habitant passent de pièce en pièce. Le conseiller examine visuellement les murs, les sols, les plafonds, les fenêtres, à la recherche de traces de moisissures, d’humidité mais aussi de sources de composés organiques volatils (COV), comme les désodorisants, certains produits ménagers ou les bougies parfumées. Il recherche également la présence d’une ventilation, dont il vérifie le bon fonctionnement (ce n’est pas forcément le cas), et de bouches d’aération (qui sont parfois obstruées).

Il se peut aussi que le logement ne soit pas assez chauffé (ou trop) ou certains endroits pas assez nettoyés. Autant de facteurs qui contribuent à la concentration de polluants dans l’air, au développement de moisissures ou à la prolifération des acariens.

Pièce par pièce

Le conseiller mesure en outre la température, le taux d’humidité et la concentration de l’air en dioxyde de carbone dans chaque pièce. Au fil des observations, il distille oralement des conseils personnalisés sur les produits d’entretien, la ventilation, l’aération, le chauffage, l’usage de produits parfumés. Il laisse aussi des documents et plaquettes contenant des explications et des conseils.

Après chaque visite, il rédige un rapport très détaillé présentant ses observations et ses préconisations, et l’adresse au patient et au médecin prescripteur, qui peut suivre leur mise en œuvre. « Il y a aussi une grande part de travail en aval de la visite, avec les partenaires relais, pour le suivi de certaines situations quand c’est nécessaire », ajoute Émilie Hecquet. Sa mission s’arrête là : « la plupart du temps, on voit les patients une seule fois, ajoute-t-elle. Les financements ne permettent pas plus. »

Selon elle, cette mission nécessite « de la bienveillance, des compétences sur l’aide au changement de comportement, des compétences relationnelles », familières aux infirmiers, mais aussi des compétences techniques sur l’habitat. Même si une part importante de conseillers formés détient un diplôme d’État infirmier, ce qui n’est pas étonnant, leurs profils sont extrêmement variés : d’autres sont techniciens sanitaires dans des services d’hygiène municipaux ou des ARS, des employés de prestataires en oxygène médical ou des professionnels du secteur du bâtiment, souligne Martine Ott, infirmière, CMEI et présidente de l’association des CMEI de France. Tous cependant ont normalement suivi l’une des deux formations officielles*.

Infirmière et CMEI Conseiller Médical en Environnement Intérieur

Sophie Frain, infirmière et CMEI salariée de l’association Capt’air en Bretagne, a choisi cette voie car, au sein des services hospitaliers « aigus » où elle exerçait, elle « voyait toujours les mêmes personnes avec des pathologies respiratoires : il y avait un manque quelque part », au niveau de la prévention. Anne-Catherine Barlier aussi avait envie d’investir ce champ. Toutes deux se sont formées.

Dans le cadre de l’association, Sophie Frain réalise des visites dans des logements, des établissements scolaires et des bâtiments professionnels, travaille en parallèle sur la prévention des allergies aux pollens et délivre des formations. Sa consœur libérale réalise deux à trois visites à domicile par mois. À ces moments « je change de casquette mais je dis quand même aux personnes que je suis infirmière, indique-t-elle. Quand elles évoquent leur pathologie ou leur traitement, je sais de quoi elles parlent. »

Pour Sophie Frain, les missions des CMEI s’inscrivent dans le rôle propre des infirmiers. Elles relèvent, confirme Émilie Hecquet, « de la prévention et du soin, même si c’est moins technique que le métier d’infirmière au départ. Quand je faisais des visites (elle est devenue coordinatrice, NDLR), je me sentais toujours infirmière. Ça aide dans la réalisation des visites. Elles se déroulent toutes dans un contexte lié à la santé, on cherche des effets bénéfiques sur la santé… » La dimension relationnelle avec le patient est aussi familière aux infirmiers ainsi que les moyens d’inciter au changement de comportements et d’habitudes. D’ailleurs, « contrairement à l’hôpital où il faut enchaîner, on installe une relation avec les patients », observe-t-elle. Même constat pour l’infirmière libérale. « On fait de chouettes rencontres », raconte Sophie Frain. D’ailleurs, poursuit-elle, « on a l’habitude d’aller au domicile des patients, de parler avec eux ». Et aussi d’être en lien avec les médecins prescripteurs.

À l’heure actuelle, les visites de CMEI ne sont pas souvent prescrites. « C’est dommage car c’est très utile », estime Anne-Catherine Barlier. Les conseillers sont aussi, encore, peu nombreux et leur développement n’est pas spécialement favorisé. Il pâtit peut-être de la diversité des profils des conseillers, de celle des structures porteuses (hôpitaux, associations, autoentrepreneurs…) et de leur structuration, mais aussi du fait que le financement des visites et des structures porteuses varie d’une région à une autre et n’est, pour le moment, jamais pérenne.

Géraldine Langlois

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*Diplôme interuniversitaire de Santé respiratoire et habitat (Strasbourg, Brest, Marseille, Montpellier et Toulouse) et diplôme interuniversitaire de Santé environnementale et milieu intérieur (Lille et Marseille).

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