PLFSS 2025 : du sang et des larmes au menu

PLFSS 2025 : du sang et des larmes au menu

Le gouvernement a présenté la semaine dernière son Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, avec un mot d’ordre clair : contenir les dépenses de santé autant que possible. Tour d’horizon des principales mesures.
© Doidam 10 / ShutterStock

« Ce n’est pas de l’austérité », s’est défendue à propos du PLFSS 2025 la ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq, lors d’un déplacement le 11 octobre dernier à Albi pour le congrès de la Fédération hospitalière de France (FHF). Et pourtant, ce projet de loi, qui fixe la façon dont seront dépensés les deniers de la Sécurité sociale pour l’année à venir, est bel et bien à l’image de ce que le premier ministre Michel Barnier avait annoncé le 1er octobre dans sa déclaration de politique générale quand il avait placé l’action de son gouvernement sous le signe des restrictions budgétaire. Reste qu’il y a mille et une façons de réduire les dépenses, et mille et une façons de répercuter cette réduction sur les patients et les soignants. D’où la nécessité d’entrer quelque peu dans le détail des mesures prévues.

Mais auparavant, il est nécessaire d’avoir en tête les grands chiffres et le contexte politique dans lequel s’inscrit le PLFSS. L’objectif numéro un du nouveau gouvernement est de faire baisser les dépenses publiques, qui « atteignent 57 % de la richesse nationale », s’est désolé Michel Barnier devant les députés en présentant sa feuille de route gouvernementale. Le premier ministre a également insisté sur la dette financière de 3 228 milliards d’euros qu’accuse la France, qu’il a jugée « colossale », et qui selon lui « placera notre pays au bord du précipice » si rien n’est fait. Or, a-t-il déclaré, « le premier remède contre la dette, c’est la réduction des dépenses », et c’est une priorité qui se retrouve dans le PLFSS présenté la semaine suivante.

Des objectifs d’économies

Car quoi qu’en dise la ministre de la Santé, c’est écrit noir sur blanc dans le dossier de presse qui a accompagné la publication du projet de loi : « le premier objectif est de contribuer au redressement des finances publiques ». La santé représentant environ 15 % des dépenses publiques, elle ne peut échapper aux efforts demandés à l’ensemble des secteurs. Cela se traduit par un Objectif national de dépenses d’Assurance maladie (Ondam, qui détermine le montant global alloué par le gouvernement aux dépenses de santé), fixé par le PLFSS pour l’année 2025 à 268 milliards d’euros.

Sur le papier, la progression de cet Ondam par rapport à l’année précédente est de 2,8 %. Or selon la FHF, il ne faut pas se fier à ce chiffre brut. « Cette augmentation est en trompe l’œil », pouvait-on lire dans un communiqué publié, avant même que le montant de l’Ondam ne soit connu, par cette organisation qui défend les intérêts des hôpitaux publics. En effet, une fois prises en compte l’augmentation de diverses cotisations et l’inflation, « l’évolution nette n’est plus que de 0,2 % », calcule la FHF. Dans un contexte où la croissance des besoins de santé de la population et de l’activité hospitalière est bien supérieure à 0,2 %, « c’est bien un financement relatif négatif qui va s’appliquer », conclut-elle. En d’autres termes, les dépenses de santé vont certes augmenter, mais moins vite que les charges des hôpitaux et que les besoins des patients.

Hausse du ticket modérateur

Il est vrai que quand on se plonge dans le détail des mesures, le projet de PLFSS fait feu de tout bois pour tenter de faire baisser l’addition. L’une des dispositions les plus commentées est le passage du taux de remboursement pour les médecins et les sage-femmes de 70 % à 60 %, ce qui devrait générer une économie chiffrée par le gouvernement à 1,1 milliard d’euros. Cette mesure passe particulièrement mal : France Assos Santé, association qui regroupe les associations de patients, a ainsi dénoncé dans un communiqué une « solution de facilité » consistant à « faire payer les patients », et a rappelé que l’augmentation du ticket modérateur se répercutera automatiquement dans les « cotisations complémentaires santé qui vont fatalement encore augmenter ». Rappelons que l’annonce de la baisse du taux de remboursement intervient alors que le tarif de la consultation médicale va passer de 25 à 30 euros en décembre.

Mais le plus grand poste d’économies concerne les médicaments : le gouvernement prévoit ainsi un « plan de maîtrise du prix des produits de santé », qu’il chiffre à 1,2 milliards d’euros. Un plus fort contrôle de l’usage que les médecins font de leur ordonnancier est également au menu. On peut ainsi lire dans l’exposé des motifs de l’article 16 du PLFSS que pour limiter « le mésusage associé à certaines prescriptions », les ordonnances non conformes aux recommandations de bonne pratique pourraient ne pas être remboursées par l’Assurance maladie. Un dispositif qui pourrait notamment particulièrement toucher l’imagerie, la biologie ou encore les transports sanitaires, pour lesquelles « certains actes ou prestations demeurent souvent prescrits en dehors des recommandations de la HAS ou des indications définies dans les différentes nomenclature », arguent les rédacteurs du projet de loi.

Les infirmiers concernés

Mais les médecins, les patients ou encore les laboratoires pharmaceutiques ne seront pas les seuls à devoir se serrer la ceinture pour atteindre les objectifs de limitation des dépenses. Le gouvernement prévoit également d’intensifier la lutte contre la fraude, d’optimiser les achats hospitaliers… et il a également ciblé les infirmiers, ou du moins certains d’entre eux. L’article 18 du PLFSS envisage en effet « d’étendre la mesure de plafonnement des rémunérations en intérim médical aux personnels non-médicaux et de maïeutique […], dans l’objectif d’une meilleure maîtrise des dépenses du système de santé ». En clair, la limitation des tarifs qui a tant irrité les médecins intérimaires ces derniers mois pourra également s’appliquer aux infirmiers. Pour l’instant, les plafonds ne sont pas définis, et le texte précise qu’ils seront fixés par voie réglementaire.

Dans cet océan de restrictions, le gouvernement prévoit tout de même un effort particulier en faveur des Ehpads, qui embauchent de nombreux infirmiers : les dépenses pour les établissements pour personnes âgées et en situation de handicap augmenteront de 4,7 %, soit un accroissement significativement supérieur à celui de l’Ondam. Une attention particulière à l’attractivité des métiers du grand âge est prévue, avec le recrutement de 6 500 personnes en Ehpad, et l’objectif de parvenir à un total de 50 000 professionnels en plus d’ici 2030. Mais dans un communiqué commun, les principales fédérations du secteur du grand âge ont jugé ces financements « largement insuffisants », ce qui risque d’entraîner « des défaillances de structures ». Le communiqué rappelle que face au choc démographique en cours, ce sont 400 000 personnes qu’il faut selon les fédérations « recruter, fidéliser et recruter » d’ici 2030.

Reste à savoir le sort qui sera réservé à ce PLFSS : le parcours législatif est semé d’étapes qui sont autant d’occasions pour les parlementaires d’amender le texte, si bien que le résultat final pourrait être très différent du projet gouvernemental. L’examen du texte va débuter à l’Assemblée en octobre (le 21 en commission, et le 28 en plénière), et il doit passer à au Sénat à partir du 11 novembre. Il doit y avoir ensuite une deuxième lecture dans chacune des chambres, sauf si le gouvernement engage la procédure accélérée… ou s’il fait usage de l’article 49-3 de la Constitution, s’exposant ainsi à un risque de censure. En pareil cas, nul n’est en mesure de dire comment l’obligation d’adopter le PLFSS avant le 31 décembre pourra être satisfaite.

Adrien Renaud

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