« Nous accueillons des personnes en situation de précarité sans domicile qui ont besoin de soins »

« Nous accueillons des personnes en situation de précarité sans domicile qui ont besoin de soins »

Justine Croquelois, est l'infirmière coordinatrice des 14 lits halte soins santé (LHSS) et 25 lits d'accueil médicalisé (LAM) gérés par l'Association Abej Solidarité, basée à Lille. Ces deux dispositifs, installés au même endroit, font intervenir une équipe médico-sociale pluridisciplinaire qui comprend 8 infirmières et accueillent des patients sans domicile.
Nous accueillons des personnes en situation de précarité sans domicile qui ont besoin de soins
© Dech St / ShutterStock (photo d’illustration)

ActuSoins : « Qui sont les patients auprès accueillis en LHSS et en LAM ?

Justine Croquelois : Nous accueillons des personnes en situation de précarité, sans domicile, qui ont besoin de soins. Elles peuvent être orientées par l’hôpital, le centre de santé de l’association ou d’autres structures. Ce sont des personnes qui sont souvent en refus de soins et avec qui il faut parfois négocier pour qu’elles acceptent de venir.

En LHSS les patients sont des personnes qui ont besoin de soins à court terme pour des pathologies aigües.

Certains viennent d’être opérés et il faut surveiller leur pansement, d’autres ont des problèmes de traumatologie, un diabète non stabilisé ou besoin de mettre en route un traitement. Ils présentent souvent d’autres pathologies associées en matière d’addiction ou de santé mentale. Ils signent un contrat d’accueil de deux mois qui peut être prolongé.

Les personnes accueillies sur les LAM ont des pathologies chroniques comme des cancers, ou des problèmes neurologiques. Ils ont besoin de soins plus lourds, parfois même de soins palliatifs. Leur contrat d’accueil dure un an et demi mais les personnes restent parfois deux ou trois ans car c’est difficile de trouver une place dans une structure adaptée.

A l’issue de leur séjour en LHSS, certains patients qui ne sont pas guéris peuvent basculer en LAM mais pour les autres, on n’a pas toujours de solution.

Quel est le rôle d’une infirmière en LHSS ou LAM ?

Le matin est consacré majoritairement aux soins, qui sont assez lourds et techniques. Il y a des pansements d’escarres impressionnants, des sondages, des perfusions…

La matinée passe vite. L’après-midi il y a souvent moins de soins techniques mais les infirmières peuvent se rendre disponibles pour accompagner les patients à leurs rendez-vous médicaux ou à des sorties organisées par l’animatrice.

La part de soins relationnels est importante. On échange beaucoup avec les personnes. Il faut les rassurer, leur faire confiance et leur inspirer confiance. Quand elles intègrent le service, on a parfois le sentiment qu’on ne va pas y arriver. Et puis quand on parvient à établir un lien de confiance, on sent que la relation démarre, qu’elles réussissent à se poser et on voit des situations s’améliorer.

La situation sociale particulière des patients influe-t-elle sur les missions de l’infirmière ?

Oui. Quand les patients arrivent il faut prendre en compte leur parcours de rue, qui fait que c’est parfois compliqué pour eux de s’habituer à vivre dans une structure. Ou simplement à avoir un lit : souvent, au début, les personnes dorment sur le sol… S’habituer aux règles de la vie en collectivité n’est pas toujours évident. Et les personnes sont parfois en refus de soins.

Pour les soins courants comme les pansements ou la prise de médicament, on s’adapte au rythme des personnes. C’est déjà compliqué de les faire venir ici. Il faut qu’ils se sentent un peu libres. D’ailleurs ce n’est pas un centre fermé : ils peuvent sortir prendre l’air, prendre des cours de français, faire leurs courses, ou même passer le week-end chez un compagnon qui a un logement, par exemple.

Avec les assistantes sociales, on essaie de rendre les personnes autonomes dans la perspective de leur sortie. Seuls les horaires des repas sont fixes. Avec certains patients qui ont un problème d’addiction à l’alcool, on conclut un contrat de santé : c’est l’infirmière qui régule alors leur consommation d’alcool. On accepte les personnes accueillies telles qu’elles sont et la vie collective réserve de bons moments mais ce n’est pas toujours simple. »

Propos recueillis par Géraldine Langlois

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