Mourir étouffé dans l’œuf avant d’avoir pu prendre son envol. Tel est le risque, maintes fois dénoncé, que font peser sur le métier d’Infirmier en pratique avancée (IPA) libéral un modèle économique jugé bancal et des relations avec le corps médical parfois difficiles.
C’est dire si le neuvième avenant à la convention infirmière, qui promettait d’améliorer le sort des IPA libéraux, était tout particulièrement scruté par la profession. Signé le 27 juillet dernier, ce texte a à peine le temps d’être digéré par les premiers intéressés. Mais ceux-ci semblent estimer que bien qu’il apporte quelques réponses à leurs difficultés, il laisse de nombreuses questions en suspens.
L’avenant 9, qui n’entrera pas en vigueur avant 2023, vient (entre autres) apporter deux modifications majeures à la pratique des IPA libéraux. Tout d’abord, il crée, au côté de la filière principale que constitue le suivi régulier de patients chroniques, une filière secondaire qui permet à l’IPA libéral d’intervenir « dans le cadre d’une prise en charge ponctuelle (bilan ou séance de soins ponctuels IPA) ».
Un bilan ponctuel sera valorisé à hauteur de 30 euros, et une séance de soins ponctuelle à hauteur de 16 euros. « C’est un moyen d’assouplir le modèle qui avait été pensé au départ, décrypte Tatiana Henriot, présidente de l’Union nationale des IPA (Unipa), le syndicat qui fédère la profession. Cela nous permettra d’intervenir dans plusieurs situations où il n’y a pas forcément de suivi au long cours, par exemple pour des bilans dans des situations de transition après une hospitalisation, ou avant une institutionnalisation… »
L’autre grande avancée concerne l’aide à l’installation des IPA libéraux. Celle-ci est portée à 40 000 euros (au lieu de 27 000 euros) pour les zones sous-denses. En dehors de ces zones, le montant reste le même, mais l’essentiel des fonds est versé dès l’installation. « Avant, vous aviez 8500 euros au démarrage, puis un versement en fin d’année, puis un autre au bout de deux ans, précise Tatiana Henriot. Alors que maintenant, vous aurez la majeure partie de l’aide tout de suite, au moment où vous en avez le plus besoin. »
Autre modification clé soulignée par la présidente de l’Unipa : l’aide est désormais accessible à tous les IPA libéraux qui s’installent, et non plus seulement à ceux qui ont choisi l’exercice exclusif. « C’est pour tout le monde, et cela, c’est nouveau, insiste-t-elle. Cela rend l’exercice libéral beaucoup plus attractif, car beaucoup de gens qui veulent s’installer ont charge de famille, et ne peuvent pas lâcher les deux pieds et les deux mains d’un seul coup. »
L’acculturation ne se décrète pas
Voilà pour les aspects positifs. Mais l’avenant est-il suffisant pour régler toutes les problématiques rencontrées par les IPA libéraux ? Loin s’en faut, répondent-ils. « Je pense que cela ne va pas régler la problématique des IPA qui ne parviennent pas à trouver des généralistes avec lesquels signer un protocole d’organisation », estime Ingrid Lacaud, IPA installée à Reims qui, depuis bientôt un an qu’elle est diplômée, éprouve toutes les peines du monde à nouer ces précieux partenariats sans lesquels rien n’est possible pour un IPA libéral.
Un point que souligne également Tatiana Henriot. « Les questions liées à la trop faible orientation des patients par les médecins généralistes vers les IPA persistent, indique-t-elle. Et ils ne pouvaient pas être réglés par l’avenant 9. »
C’est en effet, estime-t-elle, à la convention médicale et non à la convention infirmière de trouver les moyens d’intéresser, pourquoi pas financièrement, les médecins à orienter des patients vers l’IPA.
Il y a par ailleurs tout un travail d’acculturation à effectuer, et celui-ci ne peut être décrété par aucun texte. « Beaucoup de médecins ont de fausses représentations sur les IPA, et les leviers pour y remédier se situent non pas dans les conventions, mais dans la formation, les discussions », estime-t-elle.
Reste l’éternelle question de l’accès direct. « Ce qu’il nous faut, c’est que les gens puissent accéder aux IPA sans passer par le médecin, et il faut que nous ayons la primo-prescription », affirme Ingrid Lacaud.
Et là encore, l’instrument adéquat ne pouvait être la convention infirmière. Peut-être le prochain Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) permettra-t-il de faire avancer ce sujet ? Réponse à l’automne.
Adrien Renaud
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