Infirmières libérales de retour à l’hôpital

Infirmières libérales de retour à l’hôpital

Revenir travailler à l'hôpital après avoir été infirmière libérale : ce revirement de carrière n'est pas rare, tant le métier d'infirmière offre de possibilités. Marie-Thérèse et Aurélie expliquent leur choix et racontent leur retour en milieu hospitalier.
hopital infirmières
©Elgaard/iStock

Marie-Thérèse, 45 ans, et Aurélie, 33 ans, ont toutes les deux travaillé à l’hôpital avant de se tourner vers le libéral. Pendant cinq ans, la première a travaillé aux urgences, en réanimation et dans un service de grands brûlés. La seconde a surtout travaillé en réa, en France et en Suisse.

« J’ai choisi de travailler en libéral pour pouvoir plus m’occuper des patients », explique Marie-Thérèse. Elle débute par deux ans de remplacements avant de se fixer dans un cabinet urbain. Soins variés, bonne ambiance entre infirmières… elle s’épanouit professionnellement pendant douze ans.

« Il y avait beaucoup de relationnel, se rappelle-t-elle. On intégrait l’entourage de la personne soignée. L’aspect social était plus important qu’à l’hôpital. Et puis au fil des années, les soins se sont de plus en plus résumés à des toilettes. Ou bien les patients étaient incités à s’occuper seuls de leurs pansements et nous n’étions appelées que pour retirer les fils. On récupérait après des pansements qui avaient mal évolué… »

Le manque de reconnaissance du rôle de l’infirmière en matière d’éducation thérapeutique a aussi fini par lui peser. Elle choisit de bifurquer et opte pour l’intérim. « C’est un choix, explique Marie-Thérèse. Je n’ai pas envie de m’accrocher. » Ou en tout cas pas encore. Depuis presque deux ans, elle travaille quelques jours ici, quelques jours là. En médecine, chirurgie, maison de retraite ou centre de rééducation. La nuit, de préférence. « Au départ, je travaillais de jour mais avec le fonctionnement actuel de l’hôpital, j’ai préféré passer de nuit », souligne l’infirmière.

Le fait d’être souvent la seule infirmière en poste ne fait pas peur à cette ancienne libérale. Elle apprécie même de pouvoir organiser seule son travail et, surtout, de pouvoir consacrer plus de temps aux patients que le jour. Une sorte de position intermédiaire entre la libérale plongée en solo dans le quotidien des patients et l’hospitalière entourée par la structure… « La nuit, on travaille aussi plus en équipe que le jour », apprécie-t-elle.

 L’impression de ne plus rien apprendre

Aurélie, de son côté, a travaillé en libéral pendant cinq ans, en remplacement dans pratiquement un seul cabinet. Mais elle n’est pas tentée par l’association que lui proposent ces infirmières : la paperasse, ce n’est pas trop son truc… Pour autant, remarque-t-elle, « je n’avais pas envie de travailler dans un autre cabinet. Les infirmières avaient une façon de travailler qui me plaisait beaucoup. (…) Au départ, je pensais ne jamais retourner à l’hôpital ».

L’idée fait pourtant son chemin. Le fait de travailler « en coupé » lui pèse de plus en plus. Elle ne vit pas non plus très bien la chronicisation des pathologies de personnes qu’elle aimait beaucoup. Ni le fait de passer encore souvent auprès de certains patients pour la « petite jeune » qu’on ne prend pas toujours au sérieux. Ou de peiner à trouver sa place au sein d’une équipe plus âgée, qu’elle respecte énormément…

Elle déplore aussi d’avoir trop peu accès aux données médicales qui lui seraient utiles. En libéral, « on est assez éloignées des médecins », regrette-t-elle. Et pas si libres que cela au final. Au bout d’un moment, l’impression « de ne plus rien apprendre » s’ajoute…

Elle retourne donc à l’hôpital, en réa, dans un service où le besoin de renfort facilite son accueil. Elle travaille en binôme deux jours (au lieu de trois semaines pour les novices) car elle connaît la réa, puis de manière autonome. Mais « l’organisation de ce service était très différente de tout ce que j’avais connu avant -les transmissions, le logiciel du service- et c’est ce à quoi j’ai eu le plus de mal à m’adapter », explique-t-elle.

Au début, « c’était drôle, raconte Aurélie. En libéral on me disait que je me dispersais et là il faut regarder partout à la fois », surveiller les scopes de tous les patients en même temps et non plus l’un après l’autre… En revanche, elle qui avait quitté la réa en regrettant le manque de dimension humaine parvient aujourd’hui, grâce à son expérience en libéral, à associer technique et relationnel. « Ce n’est pas deux minutes passées à parler avec un patient qui va me retarder », résume-t-elle.

 Un nouveau rythme de vie 

Toutes les deux reconnaissent que leur rythme de vie a été chamboulé par ce changement de mode d’exercice. Mais aucune ne regrette les longues journées coupées par une pause, pas vraiment pratiques pour organiser sa vie familiale et sociale…

Comparé aux journées de 10-12 heures en libéral, le poste de huit heures d’Aurélie lui paraît très court ! Même en étant « à fond » tout le temps. Et une fois qu’il est terminé, c’est pour de bon ! « On pleure un peu sur le salaire, au début, mais on s’adapte. Et puis on a plus de vacances », souligne-t-elle.

Marie-Thérèse aussi « ne regrette pas du tout son choix ». L’intérim lui permet de travailler dans des secteurs différents, des établissements différents et de gérer son temps comme elle le souhaite, y compris en refusant certaines missions.

Certes, reconnaît-elle, « il y a des choses dont j’avais perdu l’habitude. Il y a aujourd’hui à l’hôpital du matériel qui n’existait pas à mon époque. Quand j’ai besoin, je trouve toujours une collègue pour m’aider, me montrer. Il y a beaucoup d’entraide la nuit. Et de toute façon, il y a moins de gros gestes techniques la nuit. »

Elle ne se verrait pas travailler dans des services hautement techniques comme la réa ou les soins continus. « Quand je cherchais un poste, j’ai souvent entendu des réflexions du type « après douze ans de libéral, on ne sait plus rien faire et on ne connaît plus les médicaments ». Mais en libéral aussi, on a des génériques et en cas de doute, on regarde dans le Vidal. Je me suis fait aussi un petit aide-mémoire que je garde avec moi. Ce n’est pas vraiment un problème. »

Aurélie, qui voulait être IADE à ses débuts, a réuni des cours qu’elle compulse de temps en temps. Elle profite aussi de toutes les formations proposées, en interne par les médecins par exemple. Et l’infirmière se s’enthousiasmer : « je me retrouve passionnée par ce que je fais, comme au début ! ».

 Olivia Dujardin
Paru dans ActuSoins n°15

 

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