C’est la pénurie. En 2001, à cause des quotas dans les écoles, les infirmières françaises se font rares. Face à cette impasse, le ministère de la Santé et la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins se tournent vers un voisin européen : l’Espagne. Là-bas : pas de quota, pas de crise. En partenariat avec l’Office des migrations internationales et les fédérations françaises d’employeurs, un dispositif est monté. Dans la foulée, les premiers professionnels espagnols débarquent. En quatre ans, ils seront plus de 1 300 à tenter l’aventure. A l’arrivée : stage de langue. «La plupart était jeunes (les 2/3 ont entre 21 et 26 ans, ndlr) et ne parlait pas du tout français, raconte Olga Seize Nunez, infirmière cadre et coordinatrice du projet pour la Fédération hospitalière de France. Ils étaient hébergés sur un site à Dourdan, dans l’Essonne, et, au bout d’un mois, obtenaient le premier degré de français langue étrangère. Après, ils partaient en poste.»
Une formation nécessaire mais souvent insuffisante. «Les trois premiers mois, nous avons dû mettre en place des cours de langue», témoigne Nadia Boltez, directrice de la clinique des Fontaines à Melun qui a accueilli quatre professionnels ibériques. «Puis, nous avons mis en place un système de tutorat car si les diplômes sont équivalents dans les deux pays, les formations ne sont pas les mêmes», poursuit-elle.
Deux métiers différents
En effet, le métier d’infirmière englobe des fonctions différentes des deux côtés des Pyrénnées. «Il s’agit de deux cultures sanitaires. En Espagne, le rôle des infirmières est plus étendu. Elles ont plus de responsabilités», explique Olga Seize Nunez. Une idée partagée par la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (FEHAP) qui souligne, dans son bilan de l’expérience, «les compétences et les niveaux techniques élevés des professionnels espagnols». Mais, sur le terrain, ces différences n’ont pas forcément été faciles à vivre. «Nous avons recruté une dizaine d’infirmières. Elles étaient déstabilisées par les méthodes de travail. Au bout de deux ans, elles étaient toutes parties», explique le service DRH du CHU de Grenoble.
Un investissement trop lourd
Si seuls 3,5% des professionnels étaient retournés en Espagne à la fin du dispositif en 2004, six ans plus tard, il ne semble pas en rester beaucoup. «On ne sait pas du tout ce qu’elles sont devenues, déplore Olga Seize Nunez. Il n’y a pas eu de suivi». «Le mode de vie ne leur convenait pas. Ils se plaignaient du climat, de la vie nocturne inexistante à Melun», ajoute Nadia Boltz.
Bilan : beaucoup d’investissements pour peu de résultats. «Ces professionnels nous ont rendu service pour passer un cap difficile. Mais cela a été très délicat à mettre en œuvre et a représenté un coût financier lourd. C’est une méthode de recrutement qui n’aurait pas pu perdurer», conclu Nadia Boltz. Même son de cloche auprès de la FEHAP qui souligne «un retour sur investissement inexistant».
Reste que tous saluent une expérience humaine très enrichissante et un bel échange entre les deux pays.
Judith Korber
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