Le bain thérapeutique, entre apaisement et stimulation

Le bain thérapeutique, entre apaisement et stimulation

C’est un outil original dans l’arsenal thérapeutique des soignants. Associé à un éveil multi-sensoriel, le bain réduit la douleur et l’anxiété. Il offre une échappée hors de l’hôpital.
Saliha Samar, aide-soignante et Karine Bonicel, infirmière.
Saliha Samar, aide-soignante (au premier plan) et Karine Bonicel, infirmière. Marie-Laure, la patiente “quite l’odeur de l’hôpital”, le temps d’un bain et se détend. © Emilie Lay.

Marie-Laure, hospitalisée au centre René-Huguenin, à Saint-Cloud (92), est convaincue. « Le bain apporte vraiment une détente. » La tête reposant sur le bord de la baignoire, elle ferme les yeux et s’abandonne aux gestes maternants des soignantes. Cela permet aux patients d’oublier, le temps d’un bain, l’environnement. Sans s’en apercevoir, la patiente s’endort quelques secondes.

C’est une bulle à l’hôpital. « Nous pratiquons des soins invasifs, douloureux. Le bain thérapeutique apporte un intermède de confort et de bien-être dans la maladie », souligne Louise Massing-Flouet, cadre de santé dans ce service où sont hospitalisés des personnes atteintes de cancer (ORL, digestifs, gynécologiques, sarcomes…) à tout stade de la pathologie.

« Comme à la maison »

Inspirée du Snoezelen (voir encadré), l’approche multi-sensorielle donne au bain sa portée thérapeutique. Deux soignantes le prodiguent. « Trois lorsque le patient est grabataire », précise Karine Bonicel, infirmière à l’initiative des bains proposés ici depuis 2015. Dans la salle bleue sans fenêtres, elle allume le lecteur CD. La musique de Mozart résonne dans la pièce. Un diffuseur d’ambiance répand une odeur douce.

Tout vise à restituer une atmosphère intimiste. « Les patients décident de ce qu’ils aiment : un bain chaud ou frais. C’est comme à la maison », commente Saliha Samar, aide-soignante, en saisissant un paquet de mousse. Celle-ci couvrira leur corps pendant le bain, afin de ménager aussi leur pudeur.

Le soin se révèle très indiqué lorsque le séjour devient long et pesant, comme c’est le cas de Marie-Laure. Hospitalisée depuis plus de trois semaines, cette femme souffre d’un cancer du poumon, avec des métastases cérébrales. Inquiétude quant à sa rééducation, sa maladie et ses droits à la retraite non réglés…: tout concourt à l’angoisser. « Elle a été totalement hémiplégique, et n’a qu’un souhait aujourd’hui : rentrer chez elle, poursuit Karine. Nous avons donc trouvé le moment opportun » pour lui proposer ce soin.

Et la senteur d’Ylang-Ylang ramène à des sensations agréables. « Je quitte l’odeur de l’hôpital », commente Marie-Laure en revenant sur ses voyages en Asie et les bienfaits des massages balinais. « Après le bain d’hier, j’ai mieux dormi que d’habitude », raconte-t-elle. En effet, 50 % des patients s’assoupissent de retour dans leur chambre.

Réduire la douleur et l’anxiété

Eveil des sens, chaleur, portance de l’eau et sensation d’enveloppement apaisent le psychisme. Le bain calme le stress, la douleur et l’agitation. Les soignants du service de neurochirurgie de Rouen ont pu, eux aussi, mesurer ces bénéfices sur 95 bains. « Cela a permis de diminuer la prise d’antalgiques chez 46 % des patients ; de réduire la douleur chez 40 %, et l’anxiété chez 30 % », révèle Matthieu Leseigneur, infirmier.

Dans cette unité qui traite des pathologies cérébrales ou rachidiennes, il arrive que l’hospitalisation dure de quatre mois à un an. « A l’origine, nous avions eu l’idée de ce soin car nous avions du mal à trouver des places en centre de rééducation pour certaines personnes, rappelle Matthieu. Puis, cela a été étendu » aux patients en pré et post opératoire. Mais également en remède à l’angoisse, dans la phase d’annonce de la maladie.

Autre indication : les états végétatifs, du fait d’un double mécanisme de relaxation et de stimulation. « Le relâchement musculaire et la diminution de la spasticité rendent ensuite les séances de kiné plus confortables. Et puis sans stimulation, il n’y aurait pas d’amélioration de l’état clinique. » Ni de réveil.

Seules contre-indications : les gros pansements ou les cathéters, des états cutanés altérés, les patients en isolement sceptique ou dont la mobilisation est trop douloureuse, en dépit de l’utilisation de brancards immergeables.

Un bienfait pour les soignants

Toucher-massage, effleurements… Ce soin serait peu de choses sans l’action des soignants. « Cela réconcilie le malade avec son corps et permet que l’autre vous touche. Surtout lorsque les pathologies sont invalidantes ou mutilantes, comme une femme qui a subi une mastectomie totale », souligne Louise Massing-Flouet. « On papouille, on bichonne, sourit Karine. Pour augmenter le bénéfice, un temps calme est ensuite proposé dans la chambre. Nous pouvons y associer des collègues formées à l’hypnose ou à la relaxation. »

Avec un effet à double sens. « C’est un moment important pour nous. Cela nous apaise aussi et nous sort de l’hôpital. Nous avons un plus grand relationnel, qui nous permet de découvrir les patients autrement, apprécie Karine. Une forte empathie émerge à la faveur du bain. « On n’est plus seulement un soignant qui fait un pansement ou un soin douloureux », ajoute-t-elle.

Cette alternative thérapeutique peine encore à se développer en dehors des prises en charge chroniques (gériatrie, handicap moteur et/ou mental…) ou palliatives. « Le bien-être n’arrive pas trop dans la médecine aiguë », constate Karine.

Il faut dire que ce bain absorbe au moins deux soignantes pendant environ trois quarts d’heure. « On ne peut pas y consacrer ce temps tous les jours. En fonction de notre charge de travail, on pratique plusieurs bains par semaine, mais parfois aucun pendant un mois. »

Emilie Lay

actusoins magazine pour infirmière, infirmierCet article est initialement paru dans le n°23 (Dec 2016) d’ ActuSoins Magazine.

Pour recevoir ActuSoins chez vous, c’est ICI.

Zoom sur le Snoezelen

Inventé aux Pays-Bas dans les années 1970, le concept de Snoezelen est issu de la contraction de deux termes : « snuffelen », qui signifie explorer, sentir, et « doezelen », somnoler. Un alliage de stimulation favorisant la communication avec l’extérieur, et de relaxation donc. Ce principe repose sur une atmosphère sécurisante, avec des outils sensoriels : musique douce, huiles essentielles, colonne à bulles, jeux de lumières…

No votes yet.
Please wait...

Soyez le premier à laisser un commentaire !

Réagir