Aide-soignant : une profession en pleine évolution

Le printemps 2021 a vu fleurir une série d’arrêtés et de décrets réformant la profession d’aide-soignant. De l’accès à la formation au référentiel d’activités, le métier fait peau neuve… ce qui n’est pas sans susciter quelque inquiétude chez certains infirmiers. Cet article a été publié dans le n°41 d’ActuSoins Magazine (juin 2021). 

Aide-soignante : une profession en pleine évolution
La durée de la formation d’aide-soignant gagne trois semaines pour atteindre un total de 44 semaines. Formation théorique et pratique sont par ailleurs rééquilibrées : 22 semaines de clinique et 22 semaines de théorie (contre respectivement 24 et 17 auparavant).

En 2021, l’arrivée des beaux jours a coïncidé avec un feu d’artifice de textes juridiques pour les aides-soignants. Au mois d’avril, ce fut un arrêté concernant les conditions d’accès à la formation d’aide-soignant. Puis, au mois de juin, paraissait un arrêté mettant à jour les référentiels d’activités, de compétence et de formation de la profession. On avait à peine eu le temps de lire celui-ci que fuitait un projet de décret, prévoyant d’octroyer davantage d’autonomie aux aides-soignants dans la réalisation de certains « soins courants de la vie quotidienne ». Face à une telle explosion réglementaire, un petit exercice de décryptage s’impose.

Le plus important des trois textes, du moins si l’on en juge par la quantité de travail qu’il a nécessitée, est certainement l’arrêté du 10 juin « relatif à la formation conduisant au diplôme d’État d’aide-soignant » : c’est lui qui contient les nouveaux référentiels s’appliquant à la profession. « C’est l’aboutissement d’un travail de six ans », commente Arlette Schuhler, secrétaire de la Fédération nationale des associations d’aide-soignant (Fnaas), qui travaille sur ce dossier connu sous le nom de « réingénierie » du métier depuis… 2015.

Dire que ce texte était attendu par les aides-soignants relève donc de l’euphémisme. Mais il était aussi scruté par d’autres professions, à commencer par la profession infirmière : certains craignaient en effet qu’une extension des compétences des aides-soignants ne viennent empiéter sur les prérogatives des émules de Florence Nightingale.

Une formation plus valorisante

Mais avant de rentrer dans les polémiques, il est important de comprendre ce qui change concrètement avec l’arrêté du 10 juin et ses trois nouveaux référentiels. Tout d’abord, la durée de la formation : celle-ci gagne trois semaines pour atteindre un total de 44 semaines. Formation théorique et pratique sont par ailleurs rééquilibrées. « Avant, on avait 24 semaines de clinique et seulement 17 de théorie, alors que, maintenant, c’est 22 semaines de clinique et 22 semaines de théorie », souligne Florence Girard, présidente de l’Association nationale des directeurs d’école paramédicale (Andep) qui a participé au groupe de travail national ayant abouti aux nouveaux référentiels.

Ce rééquilibrage est selon cette dernière caractéristique de la volonté de « valoriser ce métier » qui se trouve derrière les nouveaux référentiels. Elle prend l’exemple de l’article 4 du décret qui liste parmi les missions de l’aide-soignant celle de « contribuer à la prévention des risques et au raisonnement clinique interprofessionnel ». « On n’est pas sur une liste d’actes, ce qui serait une vision très pauvre du métier, argumente-t-elle. On est vraiment dans une logique d’acquisition de compétences, d’après un référentiel d’activités. »

De nouveaux actes…

Mais l’arrêté fait aussi mention de nouveaux actes pour les aides-soignants. Ce sont d’ailleurs ces nouveaux actes qui, depuis 2015, alimentent les polémiques autour des travaux sur la réingénierie du métier. C’est ainsi que, dans le référentiel de formation annexé à l’arrêté, le module 3, intitulé « évaluation clinique d’une personne », prévoit que les futurs aides-soignants seront formés au « recueil de glycémie par captation capillaire ou par lecture instantanée transdermique ». Le module 4, intitulé « mise en oeuvre des soins adaptés, évaluation et réajustement », évoque quant à lui le « montage et entretien du matériel » ainsi que la « surveillance du patient » dans le cadre d’une oxygénothérapie, ou encore « l’application de crème et de pommade ».

Arlette Schuhler salue ces avancées, même si elle tient à en limiter la portée. « Ce sont des actes que nous faisons déjà, du moins dans le médico-social où il n’y a pas toujours une infirmière avec nous, souligne-t-elle. Dans un certain sens, on ne fait donc que légaliser l’existant. » La secrétaire de la Fnaas reconnaît d’ailleurs qu’elle « aurait aimé obtenir davantage », et dit espérer qu’à « moyen ou long terme, les choses évolueront dans le bon sens » pour sa profession. …

et des polémiques anciennes

Mais certains représentants du monde infirmier, à commencer par Convergence infirmière (CI), ne l’entendent pas de cette oreille. Ce syndicat regroupant des infirmières libérales (idels) s’est en effet, depuis le début, opposé à l’obtention de nouveaux actes pour les aides-soignants et a souvent pris des actes comme la glycémie capillaire comme étendard du domaine réservé des infirmiers.

En 2019, par exemple, alors que se préparait une énième reprise des travaux sur la réingénierie, Convergence Infirmière dénonçait dans un communiqué une « médecine low cost » qui consistait à « brader des actes médicaux aux infirmiers », puis à « brader des actes infirmiers aux aides-soignants ». Deux ans plus tard, le syndicat est d’autant plus remonté qu’il s’inquiète d’un nouveau projet d’arrêté. Ce texte prévoit en effet, selon nos confrères de l’agence Hospimedia, que « l’aide-soignant […] peut réaliser, de sa propre initiative, les soins de la vie quotidienne définis par arrêté ». Voilà qui, selon Convergence Infirmière, ouvre la voie au statut libéral pour les aides-soignants. « Un pur scandale », tonne le syndicat dans un communiqué publié en juin. Une crainte partagée par le Sniil. Ces syndicats, soutenus sur ce point par l’Ordre national des infirmiers, (ONI), ont été suivis par le Haut conseil des professions paramédicales (HCPP) qui vient de se prononcer, le 17 juin, contre le texte. L’avis du HCPP est seulement consultatif, même s’il a un certain poids, et c’est désormais au Conseil d’État d’accepter ou de retoquer le texte. De plus, la direction générale de l’offre de Soins (DGOS) reconnaît que le texte est imprécis et assure qu’il n’est pas question d’ouvrir la voie à un rôle propre pour les aides-soignants. Libéral, vraiment ? La perspective d’un statut libéral pour les aides-soignants semble donc s’éloigner, si tant est que la crainte soit justifiée. Arlette Schuhler, de la Fnaas, est la première à reconnaître qu’elle voudrait bien que le métier d’aide-soignant évolue vers le libéral, mais qu’il ne s’agit, selon elle, d’une perspective réaliste qu’à moyen, voire à long terme. Le juriste et infirmier Vincent Lautard souligne, quant à lui, que le projet de décret – dont l’adoption pourrait être abandonnée – octroie bien une plus grande autonomie aux aides-soignants, mais ne change rien au fait que l’aide-soignant travaille sous la responsabilité de l’infirmier. « L’aide-soignant n’a toujours pas de rôle propre, donc pas de possibilité d’une pratique libérale autonome », explique-t-il. Les Ifas en ordre de bataille Reste que dans l’immédiat, la réforme du métier d’aide-soignant pose des questions bien plus urgentes et concrètes que celle d’un éventuel statut libéral, notamment dans les Instituts de formation d’aide-soignant (Ifas). Ceux-ci n’ont en effet que peu de temps pour se préparer : le nouveau référentiel de formation doit en effet entrer en application dès la rentrée 2021. « Certains éléments étaient déjà connus et nous avons heureusement pu nous préparer en amont, rassure Florence Girard, de l’Andep. Nous avons notamment une réflexion sur l’accompagnement pédagogique individualisé, qui est un élément nouveau, et auquel nous allons consacrer un nombre d’heures significatif. » En effet, le nouveau référentiel de formation prévoit que 35 heures soient consacrées à cet accompagnement dans les tous premiers mois de la formation, afin de « développer les compétences manquantes et notamment la maîtrise du français ». Terrains de stage Autre chantier d’importance : les terrains de stage. Malgré le rééquilibrage de la formation en faveur de la théorie, l’augmentation attendue des effectifs va entraîner des besoins accrus en la matière. « Il va nous falloir des places supplémentaires », prévient la présidente de l’Andep. Heureusement, ajoute-t-elle, la réforme laisse davantage de latitude dans le choix des stages qui ne doivent plus forcément avoir lieu « dans des disciplines précises », même s’il restera des passages obligés, notamment « auprès des personnes âgées ». Enfin, comme évoqué au début de cet article, la floraison printanière de textes concernant les aides-soignants avait démarré au mois d’avril par un arrêté réformant l’accès à la formation. Les Ifas, qui avaient déjà dû absorber en 2020 la suppression du concours, devront désormais réserver au moins 20 % de leurs places aux agents relevant de la formation professionnelle continue. Ils devront par ailleurs organiser deux rentrées durant l’année, voire davantage, « pour répondre aux besoins et à la pluralité des publics formés sur le territoire », indique le texte. L’été risque d’être chaud dans les coulisses des Ifas ! n ADRIEN RENAUD

 

 

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