Jérémy, infirmier, en longue rééducation après la Covid-19

Jérémy*, 42 ans, est infirmier libéral à La Réunion. Très impliqué auprès de ses patients il a négligé les premiers symptômes. Hospitalisé le 6 mars en réanimation en stade très critique, il est depuis avril en rééducation à la Clinique des Tamarins au Port. Une expérience qui a transformé son regard sur la vie mais aussi sur son métier.

De longues semaines de rééducation attendent Jérémy, infirmier libéral, encouragé par son médecin rééducateur

De longues semaines de rééducation attendent Jérémy, encouragé par son médecin rééducateur. © Mireille Legait.

Jérémy, c'est une force de la nature. Un physique de basketteur, mesurant près de deux mètres de haut, mais la force musculaire d'un nouveau-né après trois semaines en réanimation.

Pour lui, tout a commencé le 26 février dernier. « J'étais épuisé, mais je n'y ai pas prêté attention. J'ai cru que j'avais la dengue, étant donné que nous avons une double épidémie Dengue-Covid-19 à La Réunion. Je connaissais les symptômes pour l'avoir déjà eue et ce que je vivais m'y faisait penser. »

Le 5 mars, il s'arrête chez ses parents et met 20 minutes à tenter de sortir de la voiture. Epuisé, il décide d'aller se coucher. « Pendant la nuit, mes parents ont entendu du bruit, ils ont vu que j'allais mal et ont appelé les pompiers. » Devant son état, l'ambulance missionnée refusera de le prendre en charge et appellera un véhicule équipé pour la réanimation.

Arrivé au Centre Hospitalier de l'Ouest de la Réunion (CHOR), il est testé positif à la Covid-19. Pourtant, aucun de ses proches ni de ses patients, qui seront tous testés, n'est porteur du virus. « J'ai peut-être été contaminé en faisant mes courses », se dit-il rétrospectivement.

Jérémy sera admis en réanimation, intubé et plongé dans un coma artificiel pendant trois semaines. « Après mon arrivée, les soignants ont dit à mes parents de se préparer au pire. J'allais vraiment mal, des atteintes aux poumons et une myocardite.... Pendant ces jours où je dormais artificiellement, j'entendais les soignants parler, je comprenais ce qu'ils disaient. C'était rassurant, ça me permettait de me savoir encore en vie. Et puis, je me suis réveillé au bout de trois semaines. Je suis resté intubé deux ou trois jours et là, j'ai eu des vrais moments de panique. Quand les gens quittaient la pièce et éteignaient la lumière, c'était terrible ! »

Prise de conscience

Une fois libéré de son respirateur, Jérémy est resté deux semaines en soins intensifs sous oxygénothérapie à haute pression. Depuis mi-avril, il est hospitalisé à la Clinique des Tamarins en Unité de Soins de Longue Durée. Où il réapprend à vivre. « A mon réveil, j'étais comme un nourrisson, je ne tenais plus ma tête, qui valsait dans tous les sens. Je ne pouvais pas lever mon avant-bras, ni ma main. J'ai vraiment eu peur car j'étais devenu tétraplégique. »

Heureusement, Jérémy savait que la récupération est possible. « Cette épreuve, ça remet les idées en place ! J'ai vu les fragilités dans ma vie, mon surpoids par exemple. Maintenant, je vais davantage m'occuper de moi. Faire du sport et surtout diminuer mon rythme de travail. »

Jérémy travaillait sept jours sur sept, de 4h à 19h avec une petite pause d'une heure pour déjeuner. « Quand  j'ai quitté l'hôpital pour le libéral, j'ai pris 25 kg en 18 mois. Je ne faisais que travailler et dormir. J'ai prévenu mon associé : quand je reprendrai le boulot, ce sera dix à quinze jours par mois et pas plus. » 

Son associé a donc recruté deux nouveaux collaborateurs, pour pallier son absence. Qui risque de durer un moment. Heureusement, l'infirmier avait souscrit un contrat de prévoyance et n'a pas été pénalisé par les 90 jours de carence en cas d'arrêt-maladie. « Beaucoup d'infirmiers ne le font pas et paient les pots cassés en cas d'arrêt-maladie », regrette-t-il.

Au CHOR puis aux Tamarins, Jérémy fait l'expérience du parcours du patient après avoir été le soignant : « Je suis passé de l'autre côté de la barrière, ça n'a pas été simple, notamment sur les questions de pudeur. Maintenant, je sais ce que ressentent mes patients quand on leur change leur couche ! »

Et ses patients ? Jérémy sourit. L'épreuve de la Covid-19 ne lui a pas fait perdre son humour : « Selon mon associé, dès qu'ils ont appris que j'étais en réanimation, les trois-quarts ont pris rendez-vous pour se faire vacciner ! »

Une prise de conscience du danger que présente la Covid-19 qui le réjouit, ainsi que leurs nombreux textos. Comme lui fait chaud au cœur aussi les marques d'amitié que lui ont prodigué ses anciens collègues du CHOR, catastrophés de le découvrir en réanimation.

*Prénom changé à la demande de l'infirmier

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