Fêtes de fin d’année : des relations soignants-soignés plus ou moins bouleversées

Les fêtes de fin d’année sont toujours un moment particulier voire difficile pour les personnes hospitalisées. Les relations soignants-soignés s’en trouvent impactées, et plus particulièrement cette année, dans un contexte de crise sanitaire où l’isolement est recommandé.  Témoignages. 

© ShutterStock

« Nous allons être encore plus présents pour nos patients »

Sabine Valera, infirmière en réanimation médicale à l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (APHM)

« Cette année dans notre service, en raison de la crise sanitaire, nous sommes tellement sous l’eau que nous n’avons même pas pensé à Noël ! A tel point que lorsque nous l’avons évoqué, nous avons d’abord décidé de faire ″comme chaque année″ à savoir un arbre de Noël dans la salle des familles.

Puis nous avons réalisé que pour la première fois, il n’y aurait pas de famille. Habituellement, notre service est ouvert de 12h à 20h30 et pendant les fêtes de fin d’année, nous élargissons les horaires jusqu’à 23h voire minuit. Cette année, ce n’est pas possible car avec la Covid, la politique des visites à l’hôpital est très limitée.

Les proches peuvent venir uniquement sur rendez-vous, une heure maximum par jour par patient, pour éviter que les familles se croisent. Mais nous faisons des exceptions en cas de fin de vie.

Cette politique de restriction est difficile à vivre, même pour nous. Nous travaillons dans un service où nous avons l’habitude d’évoluer avec la famille. Leur présence nous tire vers le haut. C’est très violent pour nous de ne pas les voir. Les services sont vides, c’est vraiment morose.

Par ailleurs, habituellement, nous avons des petites attentions à Noël, notamment pour les patients éveillés. Nous mettons de la décoration, donnons des chocolats…

Nous faisons en sorte que ce soit le plus festif possible, que la journée soit différente… Je pense que malgré la crise, nous allons mettre en place ces petites attentions pour nos patients.

En revanche, pour les familles, il n’y aura pas d’exception possible. Heureusement, ces derniers mois, nous avons beaucoup développé l’usage de la tablette et de Whatsapp.

Nous allons nous en servir pour les fêtes. J’espère juste que cela ne va pas faire trop de peine aux patients d’être loin de leur famille et de les voir en vidéo. Généralement, lorsque les familles sont présentes, nous les laissons entre eux mais cette année, cela va nous toucher de les savoir tout seul, d’autant plus qu’ils sont en chambre isolée. Nous allons donc être présents pour eux, encore plus que d’habitude. »

« J’offre aux patients un espace où ils peuvent dire que Noël les angoisse »

Isabelle Hamm, infirmière dans un pôle de santé mentale, consultation de tabacologie

« Je travaille en psychiatrie depuis 1992, et à l’approche des fêtes de fin d’année, même hors covid, je constate toujours une certaine fébrilité chez les patients hospitalisés.

Ils vont être plus tristes, plus angoissés, ils vont moins bien. C’est une période compliquée pour eux, qui les renvoie à leur solitude.

Ils sont nombreux à avoir perdu tout contact avec leur famille du fait de leur addiction ou de leur maladie. D’autres ont des familles qui ne veulent pas être avec eux pour les fêtes de fin d’année.

Il y a aussi des patients qui vivent très mal cette période car ils ont vécu les pires atrocités en famille et ont dû, d’eux-mêmes, couper tout contact avec leur proche pour se reconstruire.

Or à cette période, tout le monde considère que les fêtes de fin d’année sont un beau moment en famille ! Ces patients ne partagent pas forcément cette vision des fêtes. Il peut d’ailleurs avoir beaucoup de décompensations à cette période de l’année.

Malgré tout, pour les personnes qui le souhaitent, si leur état de santé le permet, nous encourageons les retours à domicile. Même si cette année, en raison de la crise sanitaire, c’est un peu plus difficile à mettre en place.

De mon côté, au moment des fêtes, je modifie un peu ma manière d’être avec les patients. Je suis encore plus soutenante, je vais prendre plus soin d’eux, passer dans les services leur faire un ″coucou″, les appeler entre deux séances si je sens qu’ils en ont besoin.

Je n’insiste pas sur le fait que cette période de l’année est superbe, car ce n’est pas la fête pour tout le monde. Je fais également attention à ne pas sortir des réponses toutes faites comme « passer de bonnes fêtes !».

Il faut finalement être encore plus attentif aux autres et ne pas en faire des tonnes. Et je tiens plus que tout à offrir aux patients un espace où ils peuvent me dire que Noël les angoisse, que cela leur fait peur et les rend tristes.

Travailler pendant les fêtes de fin d’année est un bon moyen de créer une intimité particulière avec les patients, de partager différemment avec eux. Certains ont parfois juste besoin de parler, et notre rôle est de recevoir ce qu’ils ont à nous dire. »

« L’accompagnement psychologique des patients est très important »

Pascale Sontag, cadre de santé au Centre de cancérologie Léon Bérard à Lyon

« En cette fin d’année, nous n’avons pas allégé nos mesures sanitaires. Nous continuons à faire du tri à l’entrée, et les proches ne peuvent accompagner ou venir voir un patient que s’ils disposent d’une lettre de dérogation du médecin du service, que ce soit pour l’hospitalisation conventionnelle ou les consultations d’annonce.

Aujourd’hui, les patients peuvent avoir deux visites par jour entre 12h et 20h. Les horaires sont identiques à d’habitude, mais généralement, les visites ne sont pas limitées en nombre. Pour Noël, habituellement les horaires ne changent pas, et cette année, le nombre de visites restera limitée, sauf pour les patients en fin de vie.

Au sein du Centre de cancérologie, nous prenons en charge des patients immunodéprimés.

Nous nous devons donc de maintenir ce niveau de vigilance et de mettre des garde-fous, car nos patients sont fragiles par leur pathologie et leur traitement. Nous nous attendons donc à ce que les soignants soient un peu plus sollicités que d’habitude par rapport au contexte sanitaire.

Cela va être du cas par cas mais l’absence de visite le jour de Noël risque d’affecter les patients. Cet accompagnement psychologique est très important mais cela peut être un poids supplémentaire pour les équipes par rapport à leur charge de travail, ce qui requiert des briefings internes aux équipes. En parallèle, malgré le contexte, nous encourageons les retours à domicile pendant cette période si c’est possible.

Nous avons la chance d’avoir un système de coordination des soins qui s’occupe de l’hospitalisation à domicile en lien avec les professionnels de santé libéraux. Nous essayons donc d’accéder au désir des patients mais dans le respect des mesures sanitaires. 

Malgré le contexte, nous allons tout de même maintenir le côté festif de cette fin d’année avec des guirlandes et des sapins. Et je pense que le dîner de Noël va également avoir lieu, même si la présentation va certainement changer avec de la vaisselle jetable... Pour les soignants aussi les regroupements vont être limités pour le repas de Noël, ce qui va très certainement impacter un peu l’ambiance. »

Propos recueillis par Laure Martin

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