Infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris : un lieu unique en France

Suitée dans le 14e arrondissement de Paris, elle existe depuis 1872 et reçoit chaque année, pour maximum 48 heures, environ 1900 personnes amenées par les services de police. Son rôle :  évaluer la nécessité d’une prise en charge en psychiatrie. Article paru dans le n°32 d'ActuSoins Magazine (mars-avril-mai 2019). 

Infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris IPPP : un lieu unique en France

Les locaux de l'IPPP sont en train d'être entièrement remis à neuf (article mars 2019). Des peintures spécifiques ont été appliquées aux murs afin d'éviter les dégradations, les bords des lits et les coins des murs ont été arrondis pour éviter les blessures, les vis permettant de fixer des lits au sol ont été camouflées... © Ayoub Benkarroum

Dans les locaux de l’Infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris  (IPPP), les peintres s’affairent à la tâche sans relâche. Les locaux, notamment les dix chambres qui peuvent accueillir jusqu’à seize personnes, sont en travaux. Il s’agit de recevoir dans de bonnes conditions les personnes amenées quotidiennement par les services de police de la capitale.

L’IPPP assure une activité d’urgences psychiatriques à caractère médico-légal, d’évaluation psychiatrique, de soins et d’orientation sous l’angle de l’application de la loi du 5 juillet 2011, relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.

Un préalable à la prise en charge

Elles sont accueillies, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, conduites par un équipage de police. Depuis 2011, deux conditions doivent être réunies pour une prise en charge au sein de l’IPPP.

Il faut tout d’abord un procès-verbal (PV) d’un commissaire de police, établi au titre de « mesures provisoires » définies par la loi. En outre, la personne a dû être préalablement reçue par un médecin des urgences d’un hôpital parisien (elle peut également venir  des aéroports de Roissy, Orly et du Bourget). Dans la majorité des cas, « ils ont été reçus au service d’accueil et d’urgence (SAU) ou aux urgences médico-judiciaires de l’hôpital de l’Hôtel-Dieu », fait savoir Guénaëlle Jégu, cadre supérieure de santé à l’IPPP. Les médecins des urgences dressent un certificat de comportement et un avis médical pour la prise en charge ultérieure à l’IPPP.

« Lorsque la police conduit quelqu’un à l’IPPP, notre rôle est de vérifier le PV établi par le commissaire de police avec le nom, l’article de loi, signé et tamponné, et le certificat du médecin des urgences », indique Lionel, infirmier chef d’équipe et diplômé de secteur psychiatrique. « Il peut m’arriver de demander aux policiers d’avoir accès à la main courante pour comprendre l’histoire de la personne, ajoute-t-il. Si elle vient ici pour un vol ou pour une agression, la situation est différente, et cette information peut nous aider pour le diagnostic. »

L’arrivée et le suivi

Les infirmiers ne sont jamais seuls pour entrer dans une chambre et sont en permanence accompagnés d'un surveillant qui assure la sécurité

Les infirmiers ne sont jamais seuls pour entrer dans une chambre et sont en permanence accompagnés d'un surveillant qui assure la sécurité. © Ayoub Benkarroum

La personne est prise en charge à pour 24 à 48 heures maximum. Elle est reçue par les infirmiers qui travaillent quotidiennement à trois minimum, avec trois surveillants assurant la sécurité. Ils lui remettent une charte d’accueil expliquant ses droits et les procédures, la raison de sa présence à l’IPPP et l’expertise médicale dont elle va bénéficier.

« Pour des raisons de sécurité, l’infirmier lui demande de se changer pour se mettre en pyjama », rapporte Guénaëlle Jégu. Ensuite, il vérifie son intégrité physique. « Nous prenons ses constantes, sa température, et nous analysons son état d’esprit pour voir si elle est angoissée, donne en exemple Lionel. Il faut parfois désamorcer la situation, faire comprendre qu’à l’IPPP, elle n’est pas en garde à vue, mais ce n’est pas toujours évident. »

Les effets personnels sont mis dans des casiers et/ou dans un coffre-fort, l’inventaire effectué par les infirmiers devant correspondre à celui de la police. Les personnes en situation de précarité peuvent prendre, si besoin, une douche ou un bain et leurs effets peuvent être lavés par le service.

La décision d’orientation

Ses effets personnels sont mis dans des casiers et/ou dans un coffre-fort, l'inventaire effectué par les infirmiers devant correspondre à celui de la police

Le patient se change en arrivant. Ses effets personnels sont mis dans des casiers et/ou dans un coffre-fort, l'inventaire effectué par les infirmiers devant correspondre à celui de la police. © Ayoub Benkarroum.

Chaque personne est ensuite reçue par un interne ou un médecin de garde, présent sur 24 heures, de 13h à 13h, pour assurer l’accueil du patient. « Elle est toujours reçu immédiatement de jour comme de nuit, juste après son arrivée », signale le Dr Eric Mairesse, médecin chef de l’IPPP et médecin certificateur senior. L’interne ou le médecin de garde peut, si besoin, faire appel à un senior d’astreinte pour un souci administratif ou médico-légal. Si nécessaire, le senior d’astreinte peut se déplacer pour juger de la situation.

L’interne ou le médecin de garde va réaliser un entretien  avec le patient pour lui expliquer les raisons de sa présence, tenter de comprendre ce qui lui arrive et éventuellement prescrire un traitement. « Nous avons accès à tous les traitements dont nous avons besoin, grâce à  une convention avec la pharmacie à usage intérieure  (PUI) de l’hôpital Sainte-Anne, qui est situé juste à côté de notre structure », indique Guénaëlle Jégu. Toutes les semaines, les infirmiers lui adressent une commande pour obtenir les médicaments manquants. Puis, une à deux fois par mois, le pharmacien-chef de l’hôpital vient contrôler la pharmacie. 

Après avoir été vue par l’interne ou le médecin de garde, elle est reçue en entretien, entre 8h et 13h, par le médecin certificateur, un psychiatre, qui va l’évaluer et proposer une orientation.  « Nous assurons deux visites tous les matins, toute l’année, souligne le Dr Mairesse. Ces visites ont lieu en deux temps. Le médecin certificateur présent dès 8h30 reçoit la moitié des personnes prises en charge à l’IPPP et le deuxième, qui arrive vers 10h30 jusqu’à 13h, assure la seconde moitié. » Ils sont là pour donner au préfet de police de Paris un avis éclairé pour le patient. Il appartient toujours au préfet de prendre la décision finale concernant l’orientation.

Un travail en interprofessionnalité

La mise sous contention peut être pratiquée à l'IPPP. Elle requiert une prescription médicale et sert avant tout à protéger la personne

La mise sous contention peut être pratiquée à l'IPPP. Elle requiert une prescription médicale et sert avant tout à protéger la personne. Parfois la "ramener" sur elle-même peut la rassurer. Toutes les mises sous contention sont recensées dans un registre comme l'exige la loi. © Ayoub Benkarroum.

Les infirmiers ont des relations directes avec les internes, les médecins de garde et les médecins certificateurs. « Ils discutent ensemble des prises en charge et des traitements, explique le Dr Mairesse. Le rôle des infirmiers est très important car ils sont aux premières loges et donnent des informations essentielles au corps médical. » Ils assistent également aux divers entretiens et font part de leurs observations. 

« Il y a vraiment un continuum dans les relations entre les infirmiers et les différents représentants médicaux »,rapporte le Dr Mairesse. « Les décisions concernant la prise en charge durant le séjour du patient sont arrêtées de manière collégiale, poursuit Lionel. Ce n’est jamais un membre de l’équipe, seul, qui décide. »

Les professionnels de l’IPPP doivent savoir gérer l’agressivité et la violence éventuelle des personnes reçues. « Savoir tenir l’insulte et avoir en tête que c’est la fonction qui est visée et non leur personne », prévient Guénaëlle Jégu. Ils sont également formés aux gestes d’urgence et à l’ethnopsychiatrie, c’est-à-dire à la compréhension des cultures afin de ne pas interpréter certains comportements culturels comme des symptômes.

La formation est dispensée par les médecins du service sur les psychopathologies. « A l’IPPP, nous apprenons sur le terrain avec des personnes spécialisées comme Lionel, souligne Yanis, infirmier à l’IPPP. Nous sommes aussi en contact avec un psychiatre senior, nous discutons des cas cliniques, ce qui nous permet d’apprendre. »

Après l’IPPP

L'IPPP dispose de sa propre pharmacie. C'est le Centre hospitalier Sainte-Anne, voisin, qui fournit la structure en médicaments

L'IPPP dispose de sa propre pharmacie. C'est le Centre hospitalier Sainte-Anne, voisin, qui fournit la structure en médicaments. © Ayoub Benkarroum.

Sur les 1900 personnes environ reçues chaque année, 55 % ont besoin de soins psychiatriques et d’une hospitalisation et 45 % sortent de l’IPPP. « Lorsque la personne ne nécessite pas d’hospitalisation, nous rappelons la police pour savoir si elle a besoin de la revoir ou si nous la laissons partir librement», indique Lionel. Lorsqu’elle a besoin de soins, son transfert a lieu l’après-midi.

«  Il est effectué par un infirmier et un surveillant, fait savoir Guénaëlle Jégu. Le patient est conduit dans un hôpital en fonction de son secteur. » Pour les patients hors secteur ou dont on ne connait pas l’adresse, chaque hôpital a un tour de garde.

« Lorsque nous devons amener un patient à l’hôpital, nous prenons tous les documents nécessaires, et nous le traitons pour le transfert, afin qu’il ne soit pas angoissé », indique Yanis. Les infirmiers l’accompagnent sur le lieu d’hospitalisation et assurent la transmission avec l’équipe soignante hospitalière, expliquent le motif d’interpellation, le déroulement de la prise en charge à l’IPPP et transmettent les documents nécessaires à la continuité des soins. L’inventaire des affaires est également contresigné.

Laure Martin

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L’équipe de l’IPPP

Six médecins certificateurs, quatre internes et une dizaine de médecins de garde travaillent à l’IPPP avec une cadre supérieure de santé, une cadre de santé, 26 infirmiers, 25 surveillants et deux contrôleurs (les supérieurs des surveillants). Les infirmiers qui travaillent à l’IPPP y arrivent généralement par la voie du détachement depuis la fonction publique hospitalière.

Chaque année, plusieurs étudiants en soins infirmiers (ESI) sont reçus en stage, généralement ceux de troisième année qui ont déjà effectué des stages en psychiatrie ou qui ont un projet professionnel. « La richesse de la clinique vue à l’I3P enrichit l’expérience de notre futur collègue », explique Guénaëlle Jégu.

Actusoins magazine pour infirmière infirmier libéralCet article est paru dans le N°32 d'ActuSoins Magazine (mars-avril-mai 2019). 

Il est à présent en accès libre. 

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