Exercice partiel : le décret qui passe mal

Depuis la publication au Journal Officiel du décret relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé qui introduit la notion d'accès partiel, différentes organisations infirmières et médicales ont fait part de leur inquiétude. 

L'Ordre National des infirmiers envisage un recours au Conseil d'Etat

"Des professionnels de santé partiellement qualifiés, issus d'un autre Etat membre de l'Union Européenne, peuvent désormais exercer avec leur titre en France. L'Ordre des infirmiers dénonce une déréglementation dangereuse de l'accès aux professions de santé et envisage de déposer un recours au Conseil d'Etat", réagissait, au lendemain de la publication du décret, l'ONI. 

Le décret publié au Journal Officiel du 3 novembre 2017 vient en application de l'ordonnance du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé. Elle transpose une directive du 20 novembre 2013. L'Ordre des infirmiers avait déjà déposé un recours contre l'ordonnance du 19 janvier devant le Conseil d'Etat. Ce dernier n'a pas encore été jugé. 

"Rien ne justifie d'inclure les professions de santé dans la transposition de la directive européenne - qui vise à favoriser la libre circulation des professionnels en Europe, ndlr -. Pourquoi un tel excès de zèle?", interroge l'ONI. 

L'Ordre des infirmiers avait demandé à pouvoir statuer individuellement sur les demandes d'accès partiel à la profession infirmière. "Le décret n'autorise l'Ordre qu'à donner un avis consultatif. Cherche-t-on à reléguer notre rôle de garant de la cohésion et des compétences de l'ensemble de la profession infirmière?", ajoute l'ONI qui affirme que "la qualité des soins exige que soit préservée la logique de professions de santé réglementées. C'est un devoir vis-à-vis des patients et de la santé publique avec laquelle il ne saurait être question de transiger".

La Coordination Nationale Infirmière vent debout contre le décret

Même son de cloche du côté des syndicats représentatifs professionnels. "Malgré les vives réactions d'oppositions de certaines organisations professionnelles suscitées par la publication de l'ordonnance de janvier 2017, le projet de loi ratifiant l'ordonnance a été adopté par les députés, rejeté par les sénateurs et une commission mixte paritaire devait se réunir prochainement... Sans attendre la décision de cette commission et donc la fin du processus parlementaire, le décret est présenté en Conseil des ministres le 2 novembre et publié au Journal Officiel le 3. Pourquoi cette précipitation? Quel besoin d'inclure les professionnels de santé dans la mise en oeuvre de cette directive?", interroge le CNI dans un communiqué. 

Et de s'interroger aussi : "dans quel domaine exerceront ces professionnels partiellement compétents? Seront-ils réellement dans une pratique partielle ou sollicités plus largement? Quelles seront les garanties pour les usagers? Pourquoi ce choix de modeler nos exercices?"

La fédération des praticiens de santé fait part de sa stupéfaction

"Malgré ses multiples actions pour alerter le ministère et les parlementaires du danger qui grave dans le marbre l'accès partiel aux professions de santé pour des professionnels sous-qualifiés venant d'un pays de l'Union Européenne, le gouvernement a décidé de passer outre", s'indigne le FFPS. 

"L'arrivée de professionnels aux compétences plus que floues entrainera une dérive vers la médiocrité de l'offre de soins et générera des coûts supplémentaires pour l'UNCAM."

La FFPS a fait savoir qu'elle poursuivait "sans faiblir", les voies de recours déjà lancées contre l'ordonnance gouvernementale, portant  l'affaire devant le Conseil d'Etat dès le mois de juillet. Elle n'exclut "aucune possibilité" pour faire tomber ce texte, qu'elle qualifie de "dangereux et péjoratif" pour le système de santé. 

M.S

Pourquoi ce décret ? 

Les raisons qui ont conduit le gouvernement précédent à présenter le texte sous cette forme sont liées aux consignes européennes de libre circulation des professionnels. "La directive communautaire relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles du 20/11/13 aurait dû être transposée en droit français depuis et au plus tard le 18/01/2016", a rappelé en juillet dernier à la Commission des affaire sociales de l'Assemblée Nationale,  Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. 

Avec plus d'une année de retard, la France s'est exposée à deux avis motivés de la Commission Européenne pour défaut de transposition. "Le manquement de ces obligations constitue la dernière étape avant une saisine de la Cour de Justice de l'UE, aussi la marge de manoeuvre du gouvernement est de ce fait extrémement réduite", a poursuivi la ministre.

Pouvait-on juridiquement exclure les professions de santé de cette possibilité d'accès partiel ?

C'est ce que pensent les professionnels de santé en se référant à un alinéa de la directive qui prévoit une dérogation pour motif d'intérêt général. Par ailleurs, ils se réfèrent à des décisions prises dans d'autres pays membres de l'Union Européenne. "Rien ne justifie une telle transposition. En effet, un arrêt récent de la Cour de Justice européenne (CJUE) a estimé que le gouvernement maltais était dans son droit en empêchant des prothésistes dentaires cliniques autrichiens (spécialité qui n'existe pas à Malte) d'exercer leur art sur l'île. Cette interprétation confirme qu'en dépit des mesures concernant l'exercice partiel, une assez grande liberté d'appréciation reste accordée aux Etats et qu'il est possible de revenir sur cette évolution regrettable", analyse la FFPS. 

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Réactions

23 réponses pour “Exercice partiel : le décret qui passe mal”

  1. Ève Combalat dit :

    Pour une fois les 30 euros versés seront justifiés!

  2. Caïn Tubal dit :

    Cet exercice partiel découle directement de directives européennes, elles même par application des traités européens, or ce qui provient de l’UE prime sur le droit national. Ce recours au conseil d’État sera donc un coup d’épée dans l’eau et le beurk fait mine de ne pas le savoir. Soit cet ordre est dirigé par des incompétents, soit il se fout ouvertement de la gueule des professionnels. Dans les deux cas, ils encaissent tout de même de somptueuses indemnités.

  3. Cette mesure serait plus pour lutter contre les déserts médicaux en métropole ; entendons les médecins . Pour les infirmiers en France c’est déjà en mode pôle emploi / donc je vois pas pourquoi cette législation pour nous Infirmiers !

  4. Saby Labosa dit :

    Je ne comprends pas ! Et les as ?

  5. Et sous la responsabilité de qui travailleront ces personnes ayant un exercice partiel. Le délabrement de notre système de soins s’accelère.

  6. Et sous la responsabilité de qui travailleront ces personnes ayant un exercice partiel. Le délabrement de notre système de soins s’accelère.

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