A Nantes, des infirmières aux côtés des migrants

Dans toute la France, les centres de soins de Médecins du Monde accueillent gratuitement les migrants pour des consultations médicales. Rencontre avec Chantal Le Goff et Marie-Annick Jolly, infirmières bénévoles à Nantes.

A Nantes, des infirmières aux côtés des migrants

©Amélie Cano/Youpress
Infirmières bénévoles à Médecins du Monde, Chantal Le Goff et Marie-Annick Jolly facilitent l'accès des migrants à la santé

Infirmières bénévoles à Médecins du Monde, Chantal Le Goff et Marie-Annick Jolly facilitent l'accès des migrants à la santé

Difficile d'imaginer en entrant dans cet immeuble ancien, à deux pas de la gare de Nantes, qu'il abrite un centre de soins. Dans un appartement au premier étage, la petite salle d'attente du Caso de Médecins du Monde est déjà pleine alors que la permanence vient juste de débuter.

Concentrée, Marie-Annick Joly tente de démêler les histoires et les soucis de santé de chacun. Un jeune Africain sans-papier vient pour des problèmes de vue, une femme âgée souffre de douleurs… A chaque fois, l'infirmière interroge sur les antécédents médicaux et, surtout, sur la situation sociale de ces patients. Ont-ils une carte de séjour ? Accès à la sécurité sociale ? Vivent-ils à la rue ?

Peu de réfugiés, beaucoup de sans-papiers

Des informations cruciales. Ici, 95,8 % des 432 patients reçus l'an dernier sont étrangers. Parmi eux, pas de Syriens ou d'Irakiens – pour l'instant – car leur statut de réfugié leur permet d'accéder plus vite à une meilleure prise en charge de leur santé. A Nantes, les infirmières de Médecins du Monde viennent surtout en aide aux sans-papiers ou aux des demandeurs d'asile venus d'Erythrée, du Soudan, de Somalie, d'Afrique de l'Ouest ou d'Algérie.

« On les voit dans les journaux, à la télévision, mais en fait on est loin d'eux », explique Marie-Annick. « En étant bénévole ici, j'ai vraiment appris ce que c'était d'être migrant : les squats, les familles entières à la rue… On a parfois la sensation d'accueillir toute la misère du monde. Mais en faisant du médical, on a la sensation de rendre un petit service », estime l'infirmière.

 Maladies chroniques et traumatismes

Les patients du centre de soins ? Une écrasante majorité de jeunes hommes. « On a beaucoup de maladies chroniques comme le diabète ou les hépatites, des douleurs articulaires et des troubles digestifs », décrit Marie-Annick. Mais aussi des maux de têtes, des cauchemars ou des insomnies, très répandus chez les migrants. « Lorsque j'ai débuté, j'ai été étonnée du nombre de migrants ayant un suivi psy », détaille Chantal Le Goff, également bénévole au Caso.

La torture, le viol, le racket sont des traumatismes répandus parmi cette population en souffrance. « Les violences subies font partie des questions que l'on pose aux nouveaux patients. Mais on était souvent gênées, c'était dur pour les personnes de raconter. Maintenant, on évite. Si on soupçonne quelque chose, on en parle au médecin du Caso pour qu'il en discute de manière plus intime avec le patient », expliquent les deux femmes. « Il y a aussi des personnes solides, qui vont de l'avant. Certaines sont très solidaires, notamment dans les communautés africaines ».

 Comprendre au mieux les histoires de chacun

Marie-Annick et son amie Chantal se sont engagées à Médecins du Monde il y a 5 ans, à leur retraite. Toutes les deux étaient infirmières au CHU de Nantes, la première au bloc, la seconde en psychiatrie. Un engagement qui s'est fait un peu par hasard, grâce au bouche-à-oreille. « On ne savait pas trop à quoi s'attendre », se rappelle Marie-Annick.

Au final, peu de soins car la prise en charge par la permanence d'accès aux soins de santé (PASS) du CHU de Nantes fonctionne bien. « Ponctuellement des pansements, des analyses d'urine, des tests de grossesse ou des soins pour les diabétiques », décrivent les infirmières.

Mais surtout de la prévention, sur le VIH et les hépatites notamment, et énormément d'orientation vers les différents acteurs médicaux (hôpital, spécialistes) ou sociaux. Ce sont aussi elles qui assurent, avec d'autres bénévoles, l'accueil des patients au centre de soin. Jonglant entre le Français, l'Anglais et parfois des interprètes, elles font le point sur leur état de santé avant leur consultation avec le médecin. « On interroge sur le suivi sérologique, gynécologique, les allergies, la couverture vaccinale… Là, l'oeil de l'infirmière est important », expliquent-elles.

Le maquis du droit des étrangers

Une compétence qu'elles ne s'attendait pas à acquérir ? Le droit ! « On doit remplir le dossier social du patient. Donc, quand on a débuté, on devait comprendre les différents titres de séjours, le droit d'asile, la CMU, l'aide médicale d’État… Je ne connaissais rien de tout ça. Heureusement que Médecins du Monde organise des formations ! », se remémore Chantal.

Mais le jeu en vaut la chandelle. « Notre mission est de faciliter l'accès des migrants au droit commun (le système sanitaire classique, ndlr) », explique l'infirmière. La connaissance de ces aspects juridiques est donc essentielle pour que les migrants puissent aller chez le médecin comme tout le monde, sans dépendre des ONG.

Amélie Cano / Youpress

 

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