Le merveilleux business des prépas infirmières

Depuis une quinzaine d’années, les écoles privées proposant des formations de préparation au concours d’entrée en IFSI se développent et se multiplient en France. A quel prix, et pour quels résultats ?

Le merveilleux business des prépas infirmièresUn marché en pleine expansion

2800 places pour 10300 candidats. À Paris, en 2011, les seuls quotas des concours de l’AP-HP donnent une idée de la difficulté à intégrer une formation en IFSI .

Alors, pour réussir, certains sont prêts à dépenser sans compter, en se préparant dans une école privée. À en croire ces organismes qui affichent des résultats avoisinant les 95% d’admissibilité, mieux vaut débourser 2000 à 2500 euros pour 1 à 9 mois de formation, que de risquer de tout rater.

Le programme proposé est d’ailleurs bien souvent alléchant : culture sanitaire et sociale, revue de presse, biologie, tests de logiques et de rapidité, tests et aptitudes numériques, préparation à l’oral, concours blancs... Certains proposent même un stage professionnel pour s’immerger dans sa future profession.

Le centre Galien fait partie de ces instituts. Fondé en 1987 pour assurer des prépas aux concours médicaux et pharmaceutiques dans une seule école, il compte désormais 21 structures en France. «  Nous avons de plus en plus de demandes. Les candidats doivent mettre le maximum de chances de leur côté car le concours est de plus en plus difficile » explique Philippe Cuen, directeur du centre Galien à Lyon.

Inexact, selon plusieurs cadres formateurs en IFSI interrogés sur le sujet. Le concours ne serait pas plus compliqué, mais simplement différent depuis 2010, puisque de nouvelles épreuves « numériques » figurent à l’écrit.

Les différentes préparations, bien qu’affichant de forts taux d’admissibilité, n’évoqueraient pas toujours dans leurs brochures le résultat des admissions finales. « Les étudiants admissibles au concours qui ont fait une préparation se repèrent très vite à l'oral car leur discours est stéréotypé et qu'en dehors de cela ils ne semblent pas avoir d'idées propres à argumenter. Ils obtiennent souvent des notes autour de 10/20. Cela leur permet d’être acceptés soit directement au concours soit sur liste complémentaire » explique Doris Orlut, cadre formateur à l’IFSI Ambroise Paré, à Boulogne.

Du côté des directions administratives, un autre problème est soulevé. « La réussite au concours ne conditionne pas la réussite au DE. Il ne suffit pas d’avoir la tête bien pleine. Nous avons surtout besoin de têtes bien faites pour ce métier qui est si exigeant. Il faut savoir que nous avons un fort taux d’abandon en première année d’IFSI. Bachoter dans une boîte à bac puis réussir le concours ne signifie pas forcément que l’on va réussir les études qui s’en suivent », souligne Jean-Louis Santiago, directeur de la formation de l’AP-HP.

Alors que les publicités pour les écoles préparatoires fleurissent un peu partout, pour les administrations, hors de question de communiquer sur leur existence. « Nous n’avons pas de relation directe avec ces structures. Les études en IFSI sont gratuites et normalement accessibles directement après le bac. Nous ne labellisons pas, nous ne cautionnons pas et nous ne  finançons donc pas ces écoles privées » explique Monique Reynot, responsable du département des formations de l’Agence Régionale de Santé de l’Île de France.

Des alternatives simples

« On pourrait éventuellement conseiller les étudiants qui ont échoué une première fois au concours de commencer une année universitaire en sciences de la vie plutôt que de se lancer dans une prépa. Cela leur donnerait des bases pour les cours de première année tout en leur permettant de rebondir sur un autre cursus », explique Florence Lamaurt, présidente de la Fédération Nationale des Etudiants en Soins Infirmiers .

Clément, jeune étudiant en soins infirmiers, n’a pas eu à se poser la question. L’an dernier, il a passé seul et avec brio les épreuves du concours. «  J’ai potassé quelques semaines des annales et j’ai lu consciencieusement l’actualité. Pour réussir, il suffit de se donner un peu les moyens et de savoir vers quel métier on se dirige », estime le jeune homme.

Quant à Vanessa, qui ne se sentait pas suffisamment autodidacte, elle s’est inscrite à des cours par correspondance. « Comme j’avais raté le concours une première fois, il fallait que je me prépare davantage. Cette solution est moins onéreuse et je peux avoir une activité professionnelle en attendant », explique-t-elle. Pour cela, la jeune femme a dépensé 440 euros pour 600 heures de formation.

Certains IFSI proposent également des préparations. « Nous effectuons un test de positionnement avant d’y admettre un étudiant. Ainsi, nous ne formons que des personnes qui ont le profil requis pour devenir étudiants en soins infirmiers, mais qui ont besoin d’être guidé et encadré pour y parvenir » explique Jane-Laure Danan, chargée de la direction de l’IFSI de Nancy / Laxou.

Également vice-présidente du CIEFEC - Comité d’Entente des Formations Infirmières et Cadres -, Jane-Laure Danan s’est intéressée à titre personnel au phénomène des prépas en Lorraine avant d’en implanter une au sein même de l’ISFI qu’elle dirige. «  Ici, nous estimons à 25% les étudiants de première année qui sont issus d’une préparation".

Même politique en Avignon où  90 participants sont préparés chaque année à l’IFSI . « Nous limitons la formation à la préparation des épreuves du concours. Nous ne proposons pas de matières annexes pour cibler l’essentiel mais aussi pour ne pas augmenter les frais de scolarité » explique Carmen Blond, directrice de l’IFSI du centre hospitalier d'Avignon-Montfavet.

Avec des prix contrôlés et réglementés par les conseils d’administrations, le coût d’une préparation en IFSI s’élève en général aux alentours de 850 euros pour 200 heures de formation. « 80 % de nos étudiants sont financés par le conseil général ou par pôle-emploi », précise Carmen Blond.

À ce jour, aucune étude nationale n’a été menée pour savoir combien d’étudiants admis en IFSI sont issus d’une classe préparatoire.

Malika Surbled

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Réactions

4 réponses pour “Le merveilleux business des prépas infirmières”

  1. IDEntic dit :

    J’ai fait une petite prépa « SOS concours » 1j par semaine pendant 3mois car je bossais comme ASH, j’avais 3 ados à la maison (sans compter mon mari!!) et je n’avais ni les moyens ni le temps de faire plus. Mais à 40 ans, j’avais besoin d’un petit coup de pouce… surtout pour me donner un peu d’assurance et de confiance. J’ai été prise sur liste principale dans 3 IFSI de ma région dès la première fois. Je pense que la prépa n’a pas tout fait mais qu’elle m’a bien aidée. Pour le reste, c’est des années à lire et me passionner pour tout ce qui touche au soin et à la recherche médicale qui ont fait la différence. Un peu mon âge et la maturité aussi je pense. Mais je confirme que les meilleurs ESI et les meilleurs IDE ne sont pas forcément les premiers au concours. Ca n’a rien à voir. Il faut savoir ce qu’on veut, connaître un minimum le métier car on tombe de haut dès les premières années d’études et j’ai galéré en 2ème année, j’ai failli tout arrêter. Heureusement que mes formateurs et ma promo étaient là pour me soutenir et me mettre quelques coups de pieds dans le c… aussi! Merci à tous. 🙂

  2. Karine dit :

    Et bien moi perso j’ai eu besoin d’une prépa car j’ai quitté l’école depuis 10 et ça m’a bien servi pour les tests et revoir les maths et la rédaction. Je n’ai pas payé trop cher et en plusieurs fois. J’ai passé le concours une fois et à un seul endroit et je l’ai eu 😉

  3. Laetitia dit :

    Moi je n’ai pas fait de prépa et je ne me suis pas entraînée j’ai juste écouté les infos comme d’habitude !!!! Et j’ai été admis du 1er coup !!

  4. Romain dit :

    perso je n’ai pas fait de prépa. Je ne dit pas que cela ne rend pas service pour des jeunes (et moins jeunes) qui veulent etre aider par des enseignants. Le mieu pour moi est de développer sa curiosité (journal de la santé sur la TV et des magazines dispo en biblio) et si possible travailler au plus près du milieu

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