Joséphine : Sauver la vie après la mort

Joséphine Cossart est infirmière coordinatrice de prélèvements d’organes et de tissus. Cette année, à l’occasion de la onzième journée nationale de réflexion sur le don d’organes, elle a organisé un colloque à l’hôpital Cochin.

Joséphine Cossart infirmière : Sauver la vie après la mort

J.Cossart - © DR

L’amphithéâtre aurait pu accueillir plus de 200 personnes. Malheureusement pour Joséphine, la journée du 22 juin, dédiée à la réflexion sur le prélèvement d’organes et la greffe, n’aura attirée dans son hôpital, qu’une soixantaine d’invités.

Le long travail nécessaire à la préparation de ce rassemblement a néanmoins été récompensé par la présence d’un auditoire professionnel en quête de sensibilisation et de connaissance sur un sujet peu évoqué au quotidien dans les services : la justice face aux prélèvements d’organes.

L’idée de cette table ronde est venue de Joséphine. Il s’agissait de réunir les protagonistes d’une chaîne d’urgences sortant du soin traditionnel. Assis autour d’elle, attendant ses consignes et ses remarques, un médecin chef d’une brigade de sapeurs-pompiers, un médecin anesthésiste, un procureur de la république, un médecin légiste et un docteur en philosophie pour répondre aux questions éthiques et juridiques soulevées par le don d’organes.

« Le but est de réfléchir autour des problèmes auxquels nous sommes confrontés pendant une démarche de prélèvement. Cela va de l’autorisation donnée par le procureur lors d’une mort suspecte, au recueil de la non opposition du défunt auprès des proches, en passant par les difficultés pour le personnel de garder parfois plusieurs jours un patient en état de mort encéphalique avec pour seul objectif la conservation de ses organes en vue d’un don. Parfois les soignants pensent qu’ils bloquent un lit inutilement. Il faut savoir qu’un donneur d’organes peut être à l’origine de plusieurs greffes, donc de plusieurs vies sauvées » explique Joséphine.

Lors du débat, la jeune femme est dynamique. Elle n’hésite pas à interroger sur les pratiques, à prendre position face à l’assemblée. « Je suis d’une nature pugnace », déclarera-t-elle par la suite.

Une coordination "du début jusqu'à la fin"

Si Joséphine s’implique tant dans cette cause, c’est que son métier la passionne. Infirmière coordinatrice de dons d’organes depuis 7 ans, son quotidien est rythmé par un travail à la fois administratif et humain. Tout d’abord, elle est chargée de recenser les donneurs potentiels au sein des différents services. Elle met en place des procédures, elle informe, elle coordonne.

Lorsqu’elle est d’astreinte pour 24 h - 12 fois par mois -, elle participe « du début jusqu’à la fin », à la démarche de prélèvement d’organes. C’est dans ce cadre qu’elle s’entretient avec les proches des défunts. En France, d’après la loi, toute personne est considérée consentante au don d’éléments de son corps après sa mort si elle n’a pas manifesté d’opposition de son vivant. Joséphine recherche donc dans le registre national des refus, géré par l’Agence de la biomédecine, et interroge les familles sur la position du défunt.

Puis la course contre la montre commence pour elle : examens de sécurité sanitaire, élaboration d’un dossier anonyme informatisé de donneur, organisation des transferts vers le bloc opératoire, accueil et coordination des équipes chirurgicales, vérification du matériel et de la restauration tégumentaire du corps mort, toilette mortuaire. « Je commence à avoir l’habitude, je ne travaille qu’avec des morts finalement. Par contre, ce n’est pas le cas des IBODE qui assistent les chirurgiens. Cela peut être un moment difficile pour elles, d’où la nécessité de les accompagner dans ce moment particulier », souligne Joséphine.

À l’évocation de la mort, elle est d’ailleurs très au clair. « En prenant ce poste, je savais que j’allais la vivre au quotidien et dans des conditions brutales. Il me semble qu’une mort inattendue – les donneurs d’organes sont le plus souvent des victimes d’accidents vasculaires cérébraux - , demande un travail psychologique et psychique bien particulier. Lorsqu’en une seule semaine, on reçoit 2 enfants de 4 et 15 ans, ça donne à réfléchir ».

À court terme, Joséphine souhaiterait devenir cadre dans un service d’urgences, son premier amour professionnel. « J’ai une passion dévorante pour ce que je fais. J’ai la chance de côtoyer plein de personnes différentes et d’être très autonome dans mon action. Néanmoins, je pense que la durée de carrière d’une infirmière coordinatrice de dons d’organes est encore plus basse que celle d’une infirmière soignante. J’ai pris l’habitude de m’auto-gérer. C’est pourquoi je préfère m’orienter aujourd’hui vers une fonction d’encadrement », explique-t-elle.

Au regard de la détermination et du franc-parler de la jeune femme lors du colloque et de l’entretien individuel qui s’en est suivi, mais aussi de son parcours atypique, il ne fait nul doute que Joséphine parviendra à aller au bout de ses envies et de ses passions. Bonne route.

Malika Surbled

Joséphine Cossart en 7 dates
1997 : Bénévole au sein de l’association L’enfant bleu. Naissance de sa vocation de soignante. Met en suspens ses études de droit.
1998/2001 : IFSI. Lors d’un module optionnel, elle a une révélation lorsqu’elle rencontre une infirmière coordinatrice de dons d’organes,
2001/2004 : Exerce 3 ans dans un Service d’Accueil et d’Urgences détachée de l’hôpital St Anne (infirmière somatique et psychiatrique).
2004 : Devient infirmière coordinatrice de prélèvement d’organes et de tissus à l’hôpital Cochin
2006 : Ressent le besoin de connaître l’envers du décor et de côtoyer aussi des greffés. Organise un partenariat avec la FFR pendant un match de rugby au Stade de France pour la fondation Greffe de vie, en présence d’enfants greffés,
2007 : Master 2 recherche en Droit médical
2008 : DU d’expertise médico-légale, puis nommée experte près de la Cour d’Appel de Paris.

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Réactions

6 réponses pour “Joséphine : Sauver la vie après la mort”

  1. Claude Sciolla dit :

    j aurais bien aime avoir l avis de sylvie cazalot sur ce sujet

  2. Françoise dit :

    Au coeur du soin, bravo.
    L’accès au Master 2 a été possible après le D.E ?
    Il me semblait qu’il fallait plus qu’un DE d’infirmier pour être éligible à une formation Master 2.

  3. kiki dit :

    vous faites un beau métier Mme Cossart!
    j’ai ma carte de donneur de donneur d’organes;lecteurs et lectrices faites comme moi ça sauve des vies…
    j’ai perdu ma fille qui n’avait que 10 ans en 2004…

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