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Vaccination anti-grippale par les pharmaciens : le grand débat

Depuis le 6 Octobre, deux régions expérimentent la vaccination anti-grippale par les pharmaciens. Ce dispositif, inauguré pour augmenter la couverture vaccinale de la population, suscite l'indignation d' un bon nombre d'infirmiers libéraux.

Mise à jour et précision relatives à la rémunération des pharmaciens, 29 décembre 2018 (article initialement paru en Octobre 2017, au lancement des expérimentations de la vaccination par les pharmaciens)

Décret  n° 2017-985  (extraits)

Dans le cadre de l’expérimentation, la pharmacie d’officine reçoit pour chaque personne éligible vaccinée une rémunération relative à la préparation et à l’administration du vaccin selon les modalités suivantes :
La somme de 4,50 euros par personne vaccinée dès lors que celle-ci bénéficie d’une prescription médicale pour le vaccin antigrippal ;
La somme de 6,30 euros par personne vaccinée dès lors que celle-ci bénéficie d’un bon de prise en charge d’un vaccin antigrippal émis par un organisme d’assurance maladie obligatoire

Chaque pharmacie d’officine participant à l’expérimentation reçoit en outre la somme forfaitaire de 100 euros, au titre du dédommagement lié aux contraintes spécifiques de l’expérimentation, pour chaque pharmacien participant à l’expérimentation ayant réalisé au moins cinq vaccinations au sein de cette officine. 

En clair : le pharmacien reçoit 100 euros après avoir réalisé ses cinq premières injections. Il s’agit d’un dédommagement unique pour financer la formation suivie. Il ne perçoit donc pas, 100 euros toutes les cinq injections comme la citation d’Annie, infirmière libérale, le laissait penser dans notre article. 

L’équipe d’ActuSoins s’excuse auprès de ces lecteurs pour l’ information équivoque diffusée en Octobre 2017 et rappelle que son équipe, constituée de journalistes spécialisés et de professionnels de santé a et a toujours eu à coeur de diffuser des informations objectives et vérifiées. 

 

Vaccination anti-grippale par les pharmaciens : le grand débatVaccination anti-grippale par les pharmaciens

Je suis écœurée! On nous pique notre boulot! On est en train de toucher à l’essence même de l’infirmière!”, s’insurge Audrey, infirmière libérale, sur la page facebook de l’association Unidel. ” “Quel est donc le bénéfice pour l’Assurance Maladie, je ne comprends pas… Au niveau économique, cela revient bien plus cher que lorsque que le vaccin est réalisé par un infirmier. Le pharmacien recevra une prime de 100 euros pour cinq vaccins effectués – voir mise à jour du 29 décembre 2018 ci-dessus, ndlr–  alors que nous n’obtenons que 6 euros environ pour chaque injection et qui, si celle-ci est associée à un autre soin, cette somme baisse de moitié. S’il y a un troisième soin, elle devient même gratuite“, interroge de son côté Annie, infirmière libérale à Lyon.

Il faut dire qu’Annie est, depuis le 6 Octobre, pleinement concernée par le dispositif et qu’elle a “peur de perdre encore une partie de son activité“. Car la région Rhône Alpes, ainsi que le région Nouvelle Aquitaine expérimentent la vaccination anti-grippale par les pharmaciens.

Jusqu’à présent, cet acte était réservé aux médecins et aux infirmiers.  Si l’expérience, menée sur une durée de trois ans fonctionne,  le dispositif pourrait être généralisé à l’ensemble du territoire. 

Objectif ? Inciter les français à se faire vacciner et ainsi augmenter la couverture vaccinale de la population. “Je trouve ça très pratique, nous n’avons pas besoin de faire des allers-et retours chez le médecin ou d’aller voir une infirmière avec une ordonnance. L’idée que celui qui délivre puisse administrer me fait gagner du temps“, estime Caroline, une cliente d’une officine Lyonnaise. 

Mêle son de cloche du côté des pharmaciens concernés.”Ça fait 30 ans que je travaille et depuis 30 ans, on me demande de vacciner une fois que j’ai délivré le vaccin. Donc j’ai dit ‘Ouf, enfin‘”, a confié une pharmacienne lyonnaise sur Europe 1 il y a quelques jours. 

Les pharmaciens – comme les infirmiers – ne peuvent vacciner que sous certaines conditions : uniquement les adultes munis d’une ordonnance ou d’un bon de vaccination. Ils doivent également suivre une formation et disposer d’un local dédié à l’injection. (voir mise à jour septembre 2018)

Vaccination anti-grippale par les pharmaciens : les infirmiers libéraux mobilisés

Ce qui contrarie les infirmiers, c’est que jamais leur profession n’a été mise en avant en termes de vaccination. “Nous aussi pouvons participer à augmenter la couverture vaccinale de la population. Nous pouvons vacciner nos patients, nous pouvons participer à des campagnes de vaccination“, explique Annie. “Mais malheureusement, jamais nous ne sommes mis en avant. Les médias ne parlent que des médecins et des pharmaciens. Résultat : on nous oublie“, regrette -telle. 

Sur la toile, dans différents groupes de discussions, on peut voir les infirmiers mobilisés. Certains appellent au boycott des vaccins ou des pharmacies concernées “pour se faire remarquer“, d’autres à lancer des campagnes d’information, sous forme d’affiches à apposer sur les cabinets, ” pour rappeler aux patients que l’une des missions de l’infirmière est de vacciner“. D’autres encore suscitent les médias par des campagnes de lobbying ou écrivent directement aux CPAM ou aux autres caisses de leur région. 

Vaccination anti-grippale par les pharmaciens : un sujet de discorde

Sur la toile aussi, il y a ceux qui ne comprennent pas le débat. “L’objet de cette campagne est d’attirer de nouveaux patients, qui n’ont pas nécessairement besoin de soins par ailleurs. Pourquoi les inciter à aller chez une infirmière alors que cette solution proposée est plus pratique ? J’ai l’impression que nous avons affaire à du corporatisme infirmier plus qu’à une réelle volonté de faire évoluer l’offre de soins au bénéfice de la population. Ai-je tort?“, interroge Guillaume sur un forum.

Cette expérimentation a pour but d’augmenter la couverture vaccinale anti grippale pour la rapprocher des recommandations de l’OMS. L’intérêt réel est un intérêt de santé publique et de protection des populations les plus fragiles pour limiter les complications médicales d’un virus dont on sait qu’il est possible d’abaisser les taux épidémiques par la vaccination. Or, de nombreux syndicats d’infirmiers libéraux y voient une concurrence quasi déloyale et optent pour une posture d’opposition parfois radicale en incitant, pour les plus virulents, au boycott des pharmacies volontaires pour l’expérimentation. Plutôt que de considérer que la vaccination par les pharmaciens puisse être complémentaire des vaccinations par les autres professionnels de santé, dans l’intérêt général, au moment où, la confiance envers les médicaments en général et envers la vaccination en particulier s’érode, cette opposition paraît peu pertinente. Le progrès passe par l’expérimentation, le temps de l’évaluation et de la critique viendra après. C’est en se mutualisant et non en se divisant qu’on conduira une politique de santé publique efficace“, estime de son côté Jérôme, un infirmier libéral, dans un courrier adressé à ActuSoins. 

Ces dernières années, plusieurs pays ont autorisé l’administration de vaccins par les pharmaciens. Dans les pays où la vaccination en officine a déjà été mise en place, et selon plusieurs études, l’objectif  d’augmentation de la couverture vaccinale a plutôt été atteint. C’est le cas par exemple au Portugal, où 1500 officines ont adhéré au principe. Depuis, la couverture vaccinale contre la grippe a fortement progressé.

M.S