Des infirmières aux commandes de la vaccination

Les protocoles de coopération professionnelle entre médecins et infirmières sur la vaccination commencent à fonctionner. L'Ile-de-France a pris les devants, suivie par la Haute-Normandie. Un parcours très balisé encadre les pratiques.

Des infirmières aux commandes de la vaccination

©iStock/WoodenDinosaur

Des infirmières qui prescrivent une vaccination et vaccinent seules : cela existe dans les quelques régions où les Agences régionales de santé (ARS) ont autorisé un protocole de coopération préalablement validé par la Haute autorité de santé (HAS).

Pour être adoptée, la coopération doit répondre à plusieurs besoins : améliorer la couverture vaccinale, réduire les délais de rendez-vous pour une vaccination, économiser du temps médical et faciliter l'accueil des usagers. Des besoins observés dans l'Essonne et en particulier au sein des centres de santé du Conseil général, où a été conçu le premier protocole sur la vaccination.

Vaccination par les infirmières : moins de perdus de vue

 « C'est parti du terrain », raconte Marie-Hélène Boyer, coordinatrice des projets en prévention santé de cette collectivité. Les infirmières qui recevaient des personnes éloignées du système de soin dans le cadre des consultations infirmières de prévention en Essonne (CIPE) décelaient souvent un besoin de vaccination mais devaient forcément demander aux personnes de revenir pour consulter le médecin et obtenir une prescription.

« La moitié environ ne revenait pas », se rappelle Marie Incera, infirmière dans un des quatre centres départementaux de prévention et de santé du département. Les « perdus de vue », comme on les appelle.

Lorsque la loi Hôpital Patients Santé et Territoires, en 2009, a ouvert la voie aux coopérations professionnelles, l'équipe des centres de prévention de l'Essonne s'y est engouffrée et a planché sur un projet de protocole, poursuit Marie-Hélène Boyer. Un large comité de pilotage et des groupes de travail se sont réunis pendant un an et demi et ont conçu le premier protocole sur la vaccination.

Il porte sur la prescription et la réalisation de vaccins (mais aussi de sérologies et sur la remise des résultats négatifs). Il a été autorisé en septembre 2012. Il a fallu mettre en place les formations, former les douze infirmières des centres et faire adhérer toutes les parties prenantes au protocole, qui a commencé à s'appliquer officiellement à l'automne 2014.

Un protocole précis entre médecin et infirmière sur la vaccination

Il prévoit, comme ceux adoptés depuis en Haute-Normandie (décembre 2013) ou dans le Centre (février 2014), les contours de la délégation et les conditions de son application de manière extrêmement précise : expérience minimale, formation théorique et pratique des infirmières, arbres décisionnels et logigrammes à respecter, cas d'exclusion des usagers du protocole, etc.

Il ne s'applique pas par exemple lorsqu'un patient fait état d'antécédents, de contre-indications à la vaccination, de certaines allergies, de troubles de la coagulation ou en cas de grossesse. Il ne concerne aussi que les personnes de plus de six ans ayant déjà été vaccinées. Et un médecin doit être joignable à tout moment.

Au début, il a fallu rassurer les infirmières sur le transfert de responsabilité induit par l'application du protocole. « Elles ont toujours la possibilité, en cas de doute, de ne pas vacciner ou de demander l'avis du médecin, souligne la coordinatrice du projet en Essonne. Il n'y a pas d'urgence. » Les infirmières ont d'ailleurs souvent demandé conseil au début.Un juriste de l'établissement a aussi répondu à toutes leurs questions.

Les infirmières des centres de prévention formées et adhérentes au protocole, peuvent donc, dans le cadre des CIPE, prescrire et réaliser des vaccinations. Lors de ces consultations, qui l'occupent cinq matinées par semaine, Marie Incera explique qu'elle est infirmière, que dans le cadre d'un protocole elle est habilitée à leur prescrire et à réaliser des vaccinations et qu'ils peuvent refuser à tout moment.

« Les rares refus que j'ai eus venaient de gens qui étaient hostiles aux vaccins », remarque-t-elle. Un sondage effectué début mai par Odoxa pour la MNH et Le Parisien relève d'ailleurs que 62 % des Français sont favorables à réalisation par les infirmières de vaccinations sans prescription médicale préalable.

Un arbre décisionnel pour déterminer le vaccin que l’infirmière doit réaliser

La question de la protection vaccinale est abordée à chaque consultation CIPE. « Beaucoup d'adultes savent qu'ils ne sont pas à jour mais estiment ne plus avoir à l'être », remarque-t-elle. A elle donc de leur expliquer et d'essayer d'évaluer la nécessité de vacciner, en l'absence, généralement, de tout carnet de vaccination. Un exercice délicat avec des personnes étrangères ou très éloignées du système de santé...

Mais « nous avons un arbre décisionnel qui nous aide à déterminer quel vaccin il faut réaliser », ajoute l'infirmière, qui vaccine souvent. En cas de doute, elle peut interroger le médecin (ou passer la main). Dans ce cas, la délégation s'interrompt, précise Marie-Hélène Boyer. De toute façon, « tous les dossiers sont revus en staff a posteriori », ajoute Marie Incera, et des ajustements (réalisation d'un rappel supplémentaire) sont parfois décidés.

La vaccination par les infirmières permet d’augmenter la couverture vaccinale

 Un protocole similaire (hors sérologie) a été approuvé dans le Centre-Val-de-Loire, où il doit bientôt être appliqué, et en Haute-Normandie où il fonctionne depuis mars 2015. Sa différence avec le protocole francilien réside dans le fait qu'il s'applique dans un centre de vaccination, rattaché au centre hospitalier de Pont-Audemer, et qu'il concerne donc potentiellement toute la population (de plus de six ans), précise Béatrice Beauchamp, conseillère technique à l'ARS de cette région.

« Toutes les infirmières des centres de vaccination de l'Eure ont été formées », ajoute-t-elle, et le protocole pourra donc se développer dans les autres centres. Anne Pinardon, infirmière dans celui de Pont-Audemer, adhère au protocole et a vacciné, entre mars et mai 2015, une dizaine de personnes, contre la grippe ou le BCG.

Elle y voit bien des avantages : il permet d'élargir les plages horaires où les personnes peuvent se faire vacciner, de réduire les délais d'attente (de 15 à 20 jours à moins d'une semaine) et de concentrer le temps médical sur les situations les plus complexes. Avec en prime une augmentation de la couverture vaccinale. Cette formule peut aussi mieux convenir à « une population qui ne prend pas forcément rendez-vous chez le médecin, souligne-t-elle. Deux jeunes sont venus récemment, orientés par la mission locale. Un pensait ne pas être à jour alors qu'il l'était et celui qui l'accompagnait ne l'était pas. Nous en avons parlé et il est reparti vacciné. »

Olivia Dujardin

Article paru dans le magazine ActuSoins n°17  (juin 2015)
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Réactions

6 réponses pour “Des infirmières aux commandes de la vaccination”

  1. chaponofff dit :

    Il faudrait rajouter que le Grand Dispensaire d’Orléans utilise le protocole de coopération vaccinale depuis deux ans avec le concours de l’ARS du Centre Val de Loire.

    M’enfin il n’y a pas qu’à Paris ou en Essone que ça évolue.

    Qu’on se le dise !

    Et pis le Grand Dispensaire d’Orléans à proposé une quinzaine de pistes pour améliorer la couverture vaccinale en France…

    http://www.allodocteurs.fr/blogs/jamais-sans-chapeau/lettre-a-sandrine-hurel-premiere-piste-pour-ameliorer-la-couverture-vaccinale-en-france_989.html

    http://www.allodocteurs.fr/blogs/jamais-sans-chapeau/lettre-a-sandrine-hurel-deuxieme-piste-pour-ameliorer-la-couverture-vaccinale-en-france_990.html

    http://www.allodocteurs.fr/blogs/jamais-sans-chapeau/lettre-a-sandrine-hurel-troisieme-piste-pour-ameliorer-la-couverture-vaccinale-en-france-1_1009.html

    https://youtu.be/PSznLS_8l0Q

  2. On nous autorise des soins que les médecins ne veulent plus faire car ils perdent du temps et de l’argent. Effectivement on a fait bcp d’ actes médicaux sans aucune difficulté et maintenant c ‘est une évidence.

  3. Hervé Mauris dit :

    Oui très bien ! Et côté rémunération ça donne quoi? La gloire?

  4. Natacha Simon dit :

    je ne sais si je dois m’en rejouir ou pas … mais bon des lors que c’est valider officiellement… c’est comme une premier sondage sur un homme , soyons honnete combien de fois le toubib n’etait pas la , combien d’ide l’ont fait malgre tout…

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