Les soins de support face aux inégalités de la prise en charge

Département pluridisciplinaire de pointe d’un côté, simple service social de l’autre : malgré le développement exponentiel des soins de support depuis les années 2000, cette offre de soins destinée aux patients atteints de cancer est très variable d’un établissement à un autre.

Oncologie - Hospitalisation. Infirmière en Bio-esthetique. Soins esthetiques et rapport avec son corps.

Marie-Laure Allouis, infirmière au pôle de cancérologie de l'Hôpital Européen Georges Pompidou à Paris, maquille une patiente. L'esthétique et le bien-être font partie des soins de support. © DR

« Plus on est dans des systèmes intégrés avec une coordination programmée, comme dans les centres de lutte contre le cancer par exemple dans lesquels l’activité est monothématique, plus on permet de garantir aux patients l’accès aux soins de support. Plus on descend dans la structuration des soins, dans des petits hôpitaux qui ne sont pas dédiés au cancer, plus cet accès est limité », explique Graziella Pourcel, responsable de projets au sein du pôle de santé publique de l’INCa (Institut national du cancer).

En France, malgré de développement majeur des soins de support dans les établissements hospitaliers depuis les années 2000, il reste bien des inégalités dans la prise en charge des patients.

Certains établissements ont déployé au fil du temps une offre très développée au sein de services spécifiques, comme des unités de soins de support, des services de coordination, des plateformes, ou encore des départements dédiés à la prise en charge des soins de support, les DISSPO (Département interdisciplinaire de soins de support pour les patients en oncologie). C’est notamment le cas du Centre Léon Bérard, à Lyon, qui célèbre cette année les dix ans de son département de soins de support.

Le département regroupe plusieurs services et spécialités : unité de psycho-oncologie, consultations douleurs chroniques, équipe de soins palliatifs, service social, nutrition, kinésithérapie, service de lymphologie ainsi qu’une infirmière référente en plaies et cicatrisation. Ce DISSPO s’occupe aussi du service d’hospitalisation qui s’adresse aux patients ayant des douleurs complexes ou relevant des soins palliatifs.

De nouvelles offres pour une prise en charge globale

« On travaille sans arrêt au développement de nos offres et de nos services, explique le Dr Gisèle Chvetzoff, médecin oncologue responsable du département. Par exemple, en ce moment, on travaille sur l’approfondissement de l’expertise des équipes, mais aussi sur le développement de la prise en charge précoce des soins de support pour les patients atteints de cancer ORL. En effet, ces patients ont souvent un profil social particulier, avec des addictions et des difficultés financières. L’idée est de mettre en place une évaluation complète des besoins dés le tout début de la prise en charge et de programmer une demi-journée où ils pourront avoir un bilan complet, avec une assistante sociale, un stomatologue, un addictologue, une diététicienne… »

Si les centres de lutte contre le cancer et les grands Centre hospitaliers sont plutôt bien lotis, il n’en est pas de même pour de petits établissements, qui ont moins de moyens pour déployer une telle offre.

« Quand vous êtes un tout petit hôpital, vous n’allez pas mobiliser un local, une secrétaire et une équipe pour créer un service. Ça ne vaut pas le coup », relève Graziella Pourcel, de l’INCa.

Une réflexion au niveau territorial

Alors, pour pallier ce manque d’offres par certains établissements et pour qu’il n’y ait plus de disparités dans la prise en charge des patients, cette responsable de projet prône la mutualisation de moyens. « Il faut mener une réflexion au niveau territorial, dans les régions. L’idée est de faire un maillage de l’offre, c’est-à-dire utiliser tout ce qu’il y a comme offre sur un territoire pour que les uns et les autres s’entendent et se répartissent cette offre. Ça pourrait passer par des conventions ou par la mutualisation des moyens », explique-t-elle.

Car, aux disparités hospitalières, s’ajoutent les disparités ambulatoires. « Tant que les patients sont à l’hôpital, en général, ils ont accès aux soins de support. Quand ils rentrent chez eux, ce n’est plus forcément le cas. En effet, l’offre en soins de support en ville n’est pas du tout structurée. Et une fois encore, les situations sont très variables d’un endroit à un autre. Il y a des réseaux de santé territoriaux qui peuvent proposer une offre partielle ou totale, mais il n’y en a pas partout », ajoute Graziella Pourcel.

Le plan cancer 3, initié en 2014, devrait en partie répondre aux disparités d’accès en termes de soins de support. Beaucoup plus fourni que le plan 1 (2003-2007) et le plan 2 (2009-2013), il aborde les soins de support dans toutes ses dimensions. Il inscrit clairement comme objectifs de pouvoir améliorer et favoriser l’accès aux soins de support, lutter contre les inégalités d’accès aux soins et favoriser l’accessibilité financière pour ces soins.

Malika Surbled

Magazine infirmier Actusoins n°22

Cet article est paru dans le numéro 20 du magazine ActuSoins
(mars /avril /mai 2016).

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Des soins essentiels mais encore méconnus

Aujourd’hui, plus question de traiter uniquement la maladie. Il faut traiter le malade avec ses besoins sociaux, physiques et psychologiques… Au départ réservés au traitement de la douleur, aux effets secondaires des traitements et aux soins palliatifs, les soins de support ont s’est considérablement élargi : nutrition, addictologie, esthétique, psychologie, rééducation fonctionnelle, activités sportives, sophrologie, hypnose…

Considérés comme l’ensemble des soins et soutiens nécessaires aux personnes malades tout au long de leur maladie, les soins de support se font en association avec les traitements spécifiques contre le cancer éventuellement mis en place.

« En proposant une approche globale de la personne, ils visent à assurer la meilleure qualité de vie possible pour les personnes malades. Ils prennent en compte la diversité des besoins des malades ainsi que ceux de leur entourage et ce, quels que soient leurs lieux de soins. Il font partie intégrante de la prise en charge et ne sont ni secondaires, ni optionnels », indique l’INCa (Institut national du cancer) sur son site internet.

 

Au fil des plans cancer

La notion de soins de support en oncologie est apparue dans les années 2000. En 2003, le premier plan cancer est venu la consolider. Les soins de support y étaient en effet mentionnés dans le cadre du dispositif d’annonce. L’objectif était d’évaluer les besoins des patients en soins de support dès la consultation d’annonce. Le 2e plan cancer (2009) a permis de créer des critères d’autorisation pour les hôpitaux qui traitaient les malades atteints de cancer. Les établissements devaient et doivent toujours ainsi – pour pouvoir traiter les patients atteints de cancer – garantir un accès aux soins de support. Enfin, le 3e plan cancer énonce qu’il faut « améliorer la qualité de vie par l’accès aux soins de support » en « assurant une orientation adéquate vers les soins de support pour tous les malades » et en « améliorant l’accès à des soins de support de qualité ».

 


Témoignages de soignants
 

Dominique Orjubin, infirmière et sophrologue

© DR

Dominique Orjubin, infirmière et sophrologue : « Les patients retrouvent une autonomie précieuse »

Infirmière, j’ai souhaité utiliser les possibilités de soutien et de prise en charge qu’offre la sophrologie. Dans ce cadre, j’ai intégré deux associations (ARTIC et Saint Louis Réseau Sein). J’ai, d’une part, des consultations programmées dans un cabinet libéral pour les patientes de l’hôpital Saint Louis et, d’autre part, une journée de présence par semaine à l’HEGP. Pendant longtemps, j’ai travaillé en qualité d’infirmière en oncologie. Souvent stressée et peu satisfaite de ma prise en charge, je cherchais une méthode simple de gestion du stress, à la fois pour ces derniers, leurs proches ainsi que pour moi-même. La sophrologie m’a vraiment convaincue.

Dans un premier temps, j’ai eu la possibilité de dédier une journée par semaine à cette activité eu sein de mon hôpital employeur. Mais les contraintes du service ne me permettant pas de développer cette activité, j’ai préféré partir en disponibilité. Aujourd’hui, je réalise mon projet professionnel auprès des associations et en cabinet libéral. Au travers des séances proposées, les patients retrouvent une autonomie précieuse à leurs yeux, notamment par l’acquisition des réflexes de détente. Je poursuis ma formation en fonction des besoins exprimés par les patients et leur entourage (troubles du sommeil, acouphènes).

Cyril Dufaure, infirmier et éducateur médico-sportif

© DR

Cyril Dufaure, infirmier et éducateur médico-sportif : Le sport « leur permet de se sentir mieux, d’évacuer les tensions »

Je suis infirmier de bloc opératoire à plein temps. Mon travail de nuit me permet, sur mon temps libre, de mener une activité parallèle d’éducateur médico-sportif pour les personnes atteintes de cancer que je propose grâce à la fédération CAMI, sport et cancer. J’accompagne des personnes en traitement ou en rémission dans des programmes d’activités physiques et sportives dédiés.

Professeur de karaté depuis 27 ans, je me suis toujours intéressé à la corrélation santé/sport. J’ai suivi un D.U sur le sport et la santé, puis sur le sport et la psychologie et, enfin, sur le sport et le cancer. Cette dernière formation m’a ouvert les yeux sur des approches totalement novatrices.

La méthode que j’utilise a pour objectif de permettre aux patients de se réapproprier leur corps en travaillant sur sa globalité, y compris sur les parties touchées par les traitements. Cela leur permet de se sentir mieux, d’évacuer les tensions. L’activité physique pendant un traitement réduit l’effet de fatigue lié à la chimiothérapie. Au lieu de durer deux à trois semaines, la fatigue ne durera en moyenne qu’une seule journée, ce qui est très apprécié par les patients. L’activité sportive permet aussi de réduire les risques de récidive pour les cancers du sein, de la prostate et du rectum. J’aimerais qu’en France, il y ait des ouvertures de poste dans les hôpitaux pour les soignants formés qui souhaiteraient se consacrer à ce type d’activité, si bénéfique pour les patients. Pour l’instant, ce n’est pas le cas.

Marie-Laure Allouis, infirmière et conseillère en image

© DR

Marie-Laure Allouis, infirmière et conseillère en image : « Gérer les effets esthétiques indésirables liés aux traitements »

Après avoir été infirmière pendant de nombreuses années au pôle de cancérologie de l’Hôpital Européen Georges Pompidou à Paris, j’ai suivi une formation de conseillère en image, puis j’ai obtenu dans cet hôpital un poste dédié à la prise en charge des effets secondaires esthétiques des traitements. Les professionnels des services ou l’infirmière de consultation d’annonce me contactent lorsqu’ils estiment qu’un patient a besoin de moi. Le matin, spontanément, je fais aussi le tour des unités de soins pour prendre connaissance des transmissions.

Mon activité s’oriente surtout vers la gestion des effets esthétiques indésirables liés aux traitements : perte de cheveux, des cils et sourcils, atteinte des ongles (avec taxanes), atteinte cutanée (chimiothérapies et thérapies ciblées) corps mutilé (mastectomie, trachéotomie, poche de stomie, cicatrices). Lors de mes consultations, je propose aux patients des perruques, des soins du visage, des conseils en habillement, de la réflexologie. C’est essentiel pour leur bien-être. Souvent, ils pleurent davantage du fait des conséquences esthétiques liées à la chimiothérapie qu’en raison de leur pathologie. J’ai la chance de pouvoir prendre le temps avec les patients et tous les jours j’en apprends énormément avec eux sur le plan humain et sur le plan professionnel avec les équipes. Je collabore avec différents intervenants et je me forme sans cesse.

 

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Réactions

3 réponses pour “Les soins de support face aux inégalités de la prise en charge”

  1. Mél Anie dit :

    Les soins basiques sont aussi devenus variables malheureusement

  2. Soins de support , essentiels pour nous .

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